Etienne Gernelle : la ‘’faillite collective’’ de la distribution de la presse

« Si Presstalis tombe. Tout tombe ». Invité jeudi par l’Association des journalistes media (AJM), le directeur de l’hebdomadaire Le Point Etienne Gernelle n’a pas mâché ses mots sur la situation de la distribution de la presse en France alors que son titre est passé de Presstalis aujourd’hui en crise, aux MLP en 2011. Pour lui, il y a une « responsabilité majeure des éditeurs qui n’ont pas toujours pris les choses en main » au moment où il le fallait. « Ce que nous avons mis en place est mortifère. La régulation n’a pas marché », explique-t-il. Pour lui, il s’agit d’une « faillite collective ». « Quand il y a un trou dans la caisse, c’est aux actionnaires de remettre au pot. Et les « gros » n’ont pas assumé. L’État a été sympa », martèle-t-il devant l’AJM. Il se dit en outre « favorable » à une réforme de la Loi Bichet de 1947 qui réglemente la distribution de la presse écrite alors que la presse d’information politique et générale (IPG) doit être sanctuarisée, « de Politis à Minute », plaide-t-il.

Améliorer la ‘’commercialité’’

Le monde a donc changé et les gens « n’ont jamais vraiment payé le prix de l’information », mais Etienne Gernelle est formel : « je ne crois pas du tout à la disparition du papier ». Et il pointe : « le problème ce n’est pas que les gens ne lisent pas, mais qu’ils n’achètent pas ». Les marchands ont été « oubliés », ils sont encombrés de choses « qu’ils ne vendent pas ». Il se dit ainsi pour l’ouverture de point de vente dont la presse n’est pas l’objet principal, et rêve tout haut d’un « lieu désirable, souriant, lumineux… un point de repère du soir » alors que les messageries de presse devraient « prendre en main le développement des kiosques ». En un mot, il faut « améliorer la commercialité », souffle le patron du Point dont les trois quarts du chiffre d’affaires provient du print.

L’apparence de la gratuité…

Côté numérique, Etienne Gernelle n’en revient toujours pas que le kiosque SFR Presse lui a proposé 0,35 centime par téléchargement lors de son lancement. Proposition refusée par le dirigeant pour qui le danger, « c’est l’apparence de la gratuité » de ce type de plateforme. « Le contrat pour la valeur, il va falloir l’avoir tous azimut » et « à nous de savoir jusqu’où l’on veut aller, ce que l’on peut céder aux GAFA », notamment. « Si je n’avais que les revenus AMP de Google, j’aurais 2 journalistes à la rédaction et je serais obligé de me licencier », indique-t-il. « L’avenir du Point est dans le numérique ET le papier ». Pour l’heure, l’hebdomadaire cherche au maximum à « internaliser la techno, pour la comprendre et pour la maitriser ». De même, « nous réfléchissons à des développements dans la vidéo ». M. Gernelle en profite pour annoncer l’arrivée prochaine de Luc de Barochez, ancien rédacteur en chef numérique de L’Opinion et ancien directeur de la rédaction de figaro.fr.

Loi de 1881 : n’y toucher que d’une main tremblante

Et une loi contre les Fake News ? « Je suis contre une nouvelle loi », coupe-t-il. « La loi de 1881 est une magnifique loi. Il ne faut y toucher que d’une main tremblante. L’idée d’un organisme qui superviserait me pose aussi un problème. Les tribunaux sont là pour ça. Je dois avoir une cinquantaine de procès au compteur. Je suis inquiet, je n’aime pas ça. Je suis même pour la dissolution du CSA ». Enfin, pour lui, la principale menace pour un journal, c’est l’État qui peut mettre la presse en faillite. « Je suis pour l’arrêt des aides directes à la presse, un système malsain pour moi qui suis un libéral. On ne doit pas accepter d’être aussi dépendants », martèle-t-il.

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