Fabien Namias (LCI) : "Cette crise doit nous faire accepter la nuance"

Fabien Namias

Comment se porte LCI pendant le confinement ?

Il y a beaucoup de façons de répondre à cette question parce qu’on peut parler de la situation économique, de la situation de l’audience, de la situation sanitaire, mais ce qui m’est le plus important à la place qui est la mienne comme collaborateur et comme patron de LCI, c’est la situation sanitaire. LCI étant une chaîne d’info, il y a la nécessité d’un minimum de présence sur place de collaborateurs pour faire tourner la chaîne. Il y a les équipes techniques, les monteurs, les journalistes. Cela veut dire qu’il y a un peu plus de gens sur place que de gens en télétravail. Sur 200 collaborateurs environ, une petite moitié est présente.  Pas tous en même temps bien sûr, les autres collaborateurs sont  en télétravail. Il n’y a pas de chômage partiel. C’est une situation particulière qui a suscité quelques inquiétudes, surtout au début.

Comment avez-vous résolu le problème ?

Nous avons, avec Thierry Thuillier, directeur de l’information du groupe TF1, établi la nécessité d’organiser les choses sur place. Des distributeurs de gel hydro alcoolique ont été installés dans tous les ascenseurs, à l’entrée de l’immeuble et dans plusieurs endroits de la rédaction. Il y a une obligation de se laver les mains avant d’entrer en régie, une obligation de porter un masque en régie et en salle de montage… Ce sont des mesures qui ont été décidées dès les premiers jours de l’épidémie et grâce à TF1 et au groupe Bouygues nous avons pu avoir un certain nombre de masques pour les mettre à disposition de nos collaborateurs. À cela se sont ajoutées des mesures sur la grille avec l’allongement de certaines tranches et la limitation du nombre d’invités en plateau pour diminuer la circulation physique dans les couloirs. Grâce à ces mesures, il n’y a eu que quelques cas au début de l’épidémie mais fort heureusement il n’y a aujourd’hui pas de cas grave à LCI même si quelques personnes sont en arrêt maladie.

Rassurant sur le plan sanitaire, qu’en est-il sur le plan des audiences et de la relation avec le public ?

Je pense que dans cette crise, la chaîne a conquis une identité encore plus forte et a joué un rôle de repère très important auprès du public et des téléspectateurs. Dès le 11 mars, avant même le confinement nous proposions au français une grande soirée présentée par David Pujadas réunissait Olivier Véran, des médecins et des français autour du coronavirus. Nous avons ensuite co-diffusé avec TF1 la soirée spéciale autour du Premier Ministre, et la semaine dernière encore le ministre de la Santé présentait chez nous la première carte de déconfinement. Je félicite les équipes de LCI qui se sont mobilisés pour proposer ses soirées et pendant cette période.  Sans faire de cocorico,  d’autant que nos revenus publicitaires sont très impactés comme l’ensemble des médias, on peut dire que LCI se porte bien sur le plan des audiences et de sa relation au public. Jamais la chaîne n’a enregistré autant d’audience, avril a été le mois le plus important de l’histoire de LCI en termes d’audience. La matinale de Pascale de la Tour du Pin gagne des fidèles, les émissions d’Adrien Borne et Arlette Chabot également. Il  y a désormais un réflexe David Pujadas et Amélie Carouër. LCI a d’ailleurs été la seule des chaînes d’info à enregistrer une progression de son audience entre mars et avril. Il y donc un lien de confiance qui existait déjà mais qui s’est encore renforcé et qui dit quelque chose de nous-mêmes et de notre place dans le paysage audiovisuel.

C'est à dire? LCI a-t-elle renforcé sa singularité ?

Il me semble que l’évolution de l’audience entre mars et avril dit beaucoup de choses. Vous avez une situation en mars de sidération du public avec une consommation énorme d’informations dans une période où il a fallu réapprendre toute une vie, du jour au lendemain. Mais quand au mois d’avril, la situation s’est un peu installée et que, plus que l’information, c’est la volonté de comprendre et d’analyser la situation qui s'est imposée, on a vu que LCI progressait là où ses concurrents stagnaient ou régressaient. Cela nous dit beaucoup du positionnement singulier de LCI. Quand on a soif de comprendre les choses, qu’on veut prendre du temps, LCI se pose comme référence. Nos journalistes et  experts : Pascal Perri, François Lenglet, Elizabeth Martichoux, Roselyne Bachelot sont plébiscités.

Et maintenant ? On arrive à une nouvelle phase, comment va se positionner la chaîne ?

Et maintenant ? On va très peu changer. C’est un déconfinement qui n’a de déconfinement que le nom. L’incitation au télétravail reste forte, les dispositions sur le chômage partiel vont demeurer, la reprise des écoles est ultra-minoritaire. On a tous bien compris que la situation la semaine du 11 mai ne ressemblerait en rien à ce qui était avant la crise. Nous avons donc décidé de continuer à avoir la même offre d’information que celle qui est à l’antenne depuis deux mois, c’est-à-dire 100 % de l’info consacrée au coronavirus et à ses conséquences, sociale, économique, politique, psychologie etc. Nous continuerons de répondre aux questions que se posent les téléspectateurs sur notre antenne et sur le digital. Pendant cette période LCI a initié  un Chatbot en partenariat avec Doctissimo pour répondre aux questions les plus fréquentes sur le Coronavirus et une plateforme citoyenne en partenariat avec TF1 et Science Po, notrenouvellevie.fr qui invite les téléspectateurs  à penser l’après. La grille reste celle qui nous avons définie en urgence le week-end du 15 mars avec Thierry Thuillier et Valérie Nataf, la directrice de la rédaction de LCI avec quelques aménagements.

 Est-ce qu’il y a des choses que vous aurez apprises pendant cette période qui pourront vous servir après le Covid ?

Je pense, plus que jamais, que la légitimité des interlocuteurs, que ce soient les scientifiques aujourd’hui ou les politiques demain, est la signature de la chaîne. Ne  s’expriment sur LCI, que  les personnalités les plus compétentes, et les plus qualifiées. La quête de LCI, ce n’est pas le buzz, ce n’est pas le clash, ce n’est pas l’information consommée rapidement, ce n’est pas la succession de flash. Encore une fois,  cette période nous enseigne et nous renseigne sur ce que nous sommes. Nous sommes une chaîne de temps long, avec quelques experts. Nous avons énormément travaillé avec l’équipe de programmation et la rédaction en chef, nous avons mutualisé la programmation entre TF1 et LCI de manière à harmoniser nos références scientifiques, médecins, chercheurs etc. Le principe n’est pas d’avoir 25 personnes différentes, mais plutôt 8 ou 9 parfaitement identifiées. Mais surtout cette période me fait dire qu’une épidémie de cette nature doit nous rendre humble par rapport à l’information. On ne peut jamais prétendre asséner une vérité. Il faut de la nuance et de l’explication. Cette crise doit nous faire accepter la nuance. Ill faut accepter que ce qui est rouge le lundi soit vert le mardi. Le côté "moi je vous dis que c’est comme ça", c’est terminé. Et même ceux qui savent, ceux qui sont légitimes ont dit des choses qui ne se sont pas révélées justes avec l’évolution de la situation. Il faut avoir l’humilité de dire à ceux qui nous regardent que nous leur donnons une information sur l’état de l’art à un moment donné et qu'une émission, ce n’est pas une consultation, on ne lit pas l’avenir.

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