Florence Martin-Kessler (Live Magazine) : "tout est follement incertain"

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Live. La réalité physique de ce mot manque. Florence Martin-Kessler, fondatrice et présidente directrice générale du Live Magazine - que CB News invite sur scène lors du Paris Luxury Summit -  répond avec passion à nos questions.

1) Ce journalisme vivant manque...Travaillez-vous à une édition estampillée "crise" ou pas du tout ?

Florence Martin-Kessler : Live Magazine nous manque aussi ! Quand je pense à notre dernier spectacle, le "Live Magazine du cinéma", le 6 mars : une salle bondée, 1 000 personnes collées-serrées, une afterparty où nous étions des centaines agglutinés devant le bar...C’était hier et pourtant ça me semble tellement loin : ça me fait le même effet que si je voyais des gens fumer dans un avion. Une époque totalement révolue. Je ne sais pas quand nous allons pouvoir à nouveau présenter nos spectacles. Nous avons plusieurs créations, construites avec amour et qui sont reportées à la saint Glinglin ou carrément annulées… Nous les affinons pendant des mois, pour proposer des moments inoubliables à un public d’inconnus qui se retrouve pour partager ensemble, des émotions. C’est la magie du spectacle vivant et c’est pour ça que c’est irremplaçable. Nous sommes des travailleurs de l’instant.

2) Le Live Magazine va-t-il changer de format ? En attendant…

Florence Martin-Kessler : tout de suite, dès la fermeture des théâtres, nous avons réfléchi à des nouveaux formats … avant de renoncer. Le Live Magazine, sur zoom, c’est sans intérêt. L’émotion n’y est pas, la beauté n’y est pas. En revanche, nous travaillons dur à des formats plus "mass media"  radio, télévision, et plateformes, en se basant sur notre expertise narrative et le talent des auteurs, journalistes et créateurs avec qui nous travaillons. Certains des journalistes avec qui nous aimons collaborer se sont révélés pendant cette crise. Je pense à John Burn-Murdoch du Financial Times à Londres, qui a  proposé des graphiques de l’épidémie qui ont fait autorité, en faisant un incroyable travail de recueil et de vérification des données. Une autre journaliste, Helen Branswell, de Stat News à Boston, qui couvre depuis 20 ans les épidémies, a été la première à évoquer l’apparition du virus, dans un tweet du 31 décembre…Ce sont des histoires qu’ils pourront un jour raconter sur nos scènes.  Ce sont des gens que j’admire profondément.

3 ) Comment avez-vous réagi aux annonces du gouvernement concernant le plan de soutien à la culture ? 

Florence Martin-Kessler : je me suis réjouie pour les intermittents. Sinon tout est follement incertain. Nous avons annulé 16 spectacles. Si nous devons rouvrir avec des demi jauges, nous ne pourrons pas atteindre le point mort.  Le public nous a envoyé des messages d'amour qui nous ont fait chaud au cœur. Certains nous ont fait cadeau de leur billets. C’était génial.

4) Cet "après" souvent fantasmé vous inspire-t-il ?

Florence Martin-Kessler : je pense à la crise que traverse le journalisme. Nos sociétés ne peuvent pas fonctionner s’il n’y a pas un consensus sur ce que sont les faits et ce qu'est la vérité. J’espère que le monde d’après verra le retour de la confiance envers l’information et ceux qui la fabriquent. Certains signes sont bons : la consommation d’information a explosé. Le New York Times a passé le cap des 6 millions d’abonnés, un énorme gain en deux mois. Mais d’un autre côté, on assiste à un effondrement des recettes publicitaires qui vont fatalement mettre en danger des titres et des éditeurs plus fragiles. La crise va être très dure pour la presse régionale et locale. Facebook vient d’annoncer la composition d’un conseil de surveillance des contenus : des intellectuels du monde entier vont être chargés d’arbitrer les posts qui posent problème, et dont on a vu la puissance toxique. Je trouve que c’est une excellente nouvelle.

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