France Télévisions : proximité et numérique au cœur de la nouvelle saison

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(© Thierry Wojciak/CBNews)

Entre la motion de défiance récemment votée à l’encontre de son directeur de l’information Laurent Guimier et la volonté affichée de supprimer les JT nationaux de France 3 par 24 journaux régionaux, le timing de la conférence de rentrée 2022-2023 de France Télévisions mercredi promettait quelques sueurs froides aux dirigeants du groupe audiovisuel public, Delphine Ernotte en tête.

Pourtant, « jamais nous n’avons eu autant besoin de la télévision publique », assène la président de France Télévision qui présentera la nouvelle grille de programmes du groupe, seule sur l’immense scène d’un entrepôt de la Villette, à Paris. L’occasion pour elle de décliner les priorités du groupe : l'information de proximité, avec notamment la refonte de l’offre régionale via France 3, et le numérique, avec la montée en puissance attendue de la plateforme en ligne France.tv. C’est ainsi dans ce contexte que l’information du groupe devra évoluer pour faire face à la fois à la vitesse de sa circulation via les réseaux sociaux ou les chaines d’information en continu et à la désinformation. Pour y faire face, France Télévisions lance « Tempo », un projet global de renforcement de l’information. Dans ce cadre, a confirmé et officialisé Mme Ernotte, les journaux nationaux de France 3, le 12/13 et le 19/20, seront supprimés dès septembre 2023. Ils seront remplacés par 24 journaux télévisés « lancés intégralement depuis les régions » et « incarnés par 24 visages des antennes régionales de France 3 ». De l'aveu même de M. Guimier, c'est un « changement culturel majeur ». Baptisés « Ici Midi » et « Ici Soir », les journaux régionaux incluront des sujets sur l'actualité nationale voire internationale, mais avec un prisme local. « Ici, notre marque commune à France Bleu et France 3, devient ainsi petit à petit le label commun du local et de l’ultra-local de l’audiovisuel public, rayonnant sur tous les écrans », souligne la présidente de France Télévisions. Dans les faits, « Les contenus nationaux des JT seront produits par franceinfo et les services de la rédaction nationale, et donc mis à disposition des rédactions régionales », avait indiqué mardi à l'AFP Philippe Martinetti, directeur du réseau France 3. Forcément, le projet a a suscité bon nombre d’inquiétudes. « L'émotion est légitime, on ne passe pas à une autre étape de l'info de France 3 comme ça, a commenté Laurent Guimier.

Autre axe fort des mois à venir : le développement de l'offre numérique de France Télévisions, au-delà des chaînes traditionnelles. « D'ici à 2024, nous doublerons la couverture de France.tv pour qu'au moins trois quarts des Français la consomment chaque mois », a insisté Mme Ernotte. Selon elle, « France.tv doit devenir la première plateforme de vidéo gratuite de France ». Pour cela, l'offre sur cette plateforme va être renforcée, avec un doublement des séries disponibles (20 par jour) et une augmentation du nombre de films (200 par an). En exemple, la dirigeante a cité trois simples lettres : S.V.T. SVT, la télévision publique suédoise qui depuis l’an dernier « touche davantage de Suédois via sa plateforme numérique que sur ses antennes linéaires », pointe-t-elle. Un « changement de paradigme majeur » appelé à s'amplifier avec les jeunes générations : « La question n'est plus de savoir quand la nouvelle génération reviendra devant la TV en direct, mais comment continuer à la toucher sans elle », a interpellé Mme Ernotte. « Cette dynamique de plateformisation c'est le sens de l'histoire et, d'ici trois-quatre ans, ce ne sera même plus une question, on sera d'abord des éditeurs de plateformes », a renchéri auprès de l'AFP le directeur des antennes et des programmes de France Télévisions, Stéphane Sitbon-Gomez.

Et côté programmes ? Mélange de chaises musicales et de créations d’émissions, France Télévisions n’a pas lésiné sur les annonces mercredi. Petit best-of : Quatre ans après sa mise en retrait, Frédéric Lopez, ancien animateur de « Rendez-vous en terre inconnue », fait son retour sur le devant de la scène tous les dimanches après-midi sur France 2 avec l’émission « Un dimanche à la campagne », en lieu et place du presque inamovible Michel Drucker avec son « Vivement dimanche ». Ce dernier rejoint France 3, toujours le dimanche partir de 13h30, avec un « Vivement dimanche » revisité insiste-t-on chez France Télévisions. L'humoriste Jarry présentera lui aussi tous les dimanches en fin d'après-midi « Rendez-vous chez Jarry » (titre provisoire), où il « testera les astuces qui ont passionné les réseaux sociaux ».

Autre nouveauté : France 3 diffusera des procès filmés, pour mieux faire comprendre le fonctionnement de la justice. Il ne s'agira pas de procès en direct : les tournages ont déjà commencé et il faut que les procès soient clos (c'est-à-dire sans possibilité d'appel) au moment de la diffusion. « On attend d'en avoir suffisamment en stock pour lancer une série », a déclaré la présidente de France Télévisions. Comme régulièrement annoncé depuis quelques semaines, Léa Salamé reste seule aux commandes du talk-show du samedi en deuxième partie de soirée sur France 2, qu'elle présentait auparavant avec Laurent Ruquier. Jusque-là intitulé « On est en direct », il s'appellera désormais « On ne peut plus rien dire ». M. Ruquier, lui, animera le samedi en première partie de soirée une émission provisoirement intitulée « Tout nous fait chanter ». Avec ses invités, il revisitera l'actualité sous forme de chansons humoristiques. L'animateur pilotera par ailleurs une autre émission, fondée sur des images d'archives, « Aujourd'hui comme hier ». Puis, après 50 ans d’antenne, le jeu « Des chiffres et des lettres » ne sera plus diffusé quotidiennement sur France 3 mais le week-end. De même, en grand habitué de l'animation des jeux, Cyril Féraud en récupère deux nouveaux : « 100% logique » en première partie de soirée sur France 2 et « Duels en familles, le match des régions » sur France 3 (à la place des « Chiffres et des lettres »).

Par ailleurs, côté culture, deux émissions phares de France 5 changent de mains : Augustin Trapenard succédera à François Busnel à la présentation de l'émission littéraire « La grande librairie » le mercredi soir et Thomas Snegaroff succèdera à Karim Rissouli à la tête de l'émission d'actualité « C politique » le dimanche. Pour les enfants, si ces dernières années il n'existait plus d'émissions pour enfants incarnées par des animateurs sur le service public. Lacune comblée avec « Okoo-koo », portée par quatre animateurs (Manon, Bouba, Julia et Sam) et diffusée le mercredi sur France 4 et sur l'appli Okoo. France 2 proposera en outre « Les rencontres du Papotin » (8X40 minutes) : des interviews de personnalités menées par des journalistes atteints de troubles autistiques et membres de la rédaction du journal « Le papotin », créé il y a plus de 30 ans. L’acteur Gilles Lelouche sera le premier à passer sur le grill. Enfin, diffusé sur TF1 puis NT1 entre 2010 et 2015, le concours de cuisiniers amateurs « Masterchef » arrivera prochainement sur France 2, présenté par Agathe Lecaron. Dans le jury, les chefs Yves Camdeborde, Thierry Marx et Georgiana Viou.

Les JO 2024 dans le viseur

Puis, si loin, si proche avec pour horizon les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024, France Télévisions met les petits plats dans les grands. Dès janvier 2023, place à une émission dédiée quotidienne (20h-21h) sur la case précédemment occupée par la série « Plus belle la vie » qui s'arrête. Cette nouvelle émission sera présentée par Carole Gaessler et « emmènera les Français au plus près des ambitions et des enjeux sportifs, économiques, technologiques, culturels » des JO organisés en France, selon France Télévisions.

Par ailleurs, la présidente de France Télévisions a brièvement évoqué l’actualité de la suppression annoncée de la redevance, voulue par le président Emmanuel Macron. Contestée par les syndicats, qui craignent une baisse de financement de l'audiovisuel public, cette suppression sera bientôt examinée par les députés dans le cadre du paquet de mesures sur le pouvoir d'achat. « Je ne lis pas de tremblement de terre, il semble qu’il y ait la volonté de trouver des solutions pérennes », a estimé Mme Ernotte, qui souhaite voir préservé « un audiovisuel public puissant, indépendant et toujours plus présent aux côtés des Français ». Soulignant au passage que le « service public de l’audiovisuel, c’est le patrimoine de ceux qui n’en n’ont pas ». Par ailleurs interrogé sur une fusion de l’audiovisuel public au sein d’une même holding, la dirigeante a réitéré son avis bien connu : « je ne suis pas fana des grands mécano ». Elle se dit plus convaincu par le fait que ces entreprises « doivent mieux travailler ensemble ». De même, si elle dit comprendre la « nécessité » pour TF1 et 6 de se rapprocher, Mme Ernotte ne se dit « pas naïve », il y « aura des impacts », notamment sur le marché publicitaire, comme sur les droits sportifs sur lesquels elle s’affirme « vigilante » face aux tentatives de « prédations » de ceux-ci.

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