Groupe Le Monde : les incertitudes capitalistiques demeurent

LeMonde

Futurs locaux du groupe Le Monde dans le 13ème arrondissement de Paris

Journée à rebondissements que celle de ce jeudi pour Le Monde. Matthieu Pigasse a en effet finalement accepté d'octroyer le "droit d'agrément" réclamé par les journalistes du quotidien, mais dans une version qui ne satisfait ni ces derniers ni son coactionnaire Xavier Niel, lui-même désormais favorable à une solution radicale pour "sanctuariser" le capital du journal. Depuis un an et la cession de 49% des parts de l'investisseur Matthieu Pigasse au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, qui a fait de ce dernier un actionnaire indirect du Monde, le Pôle d'indépendance du journal (structure qui représente les salariés, journalistes et lecteurs du journal) réclamait l'instauration d'un droit d'agrément aux coactionnaires.  Après plusieurs jours d’attente, Les éditions nouvelles indépendantes (LNEI), la société regroupant les activités de M. Pigasse dans les médias et la culture, a annoncé avoir signé un accord portant sur l'octroi d'un "droit d'agrément" au Pôle d'indépendance. Et ce, grâce à l'ajout de conditions qui permettent d'encadrer les conséquences financières de ce droit, et devraient éviter à Matthieu Pigasse d'être financièrement perdant s'il venait à être exercé par le Pôle. En outre, Matthieu Pigasse a fait un geste en direction du Pôle et de Xavier Niel (avec qui il avait recapitalisé le Monde en 2010 aux côtés de Pierre Bergé, depuis décédé), au sujet de son projet de rachat des parts du groupe espagnol Prisa dans le quotidien. Ce rachat, censé être bouclé cet automne, avait été accueilli comme une "agression" par M. Niel et suscite beaucoup d'inquiétudes au sein du journal car il romprait l'équilibre qui prévalait jusqu'ici entre les principaux actionnaires du groupe.

Une fondation pour "sanctuariser" l'indépendance ?

Matthieu Pigasse propose désormais à Xavier Niel de racheter à parts égales la participation de Prisa (qui contrôle 20% du Monde), pour maintenir un "strict équilibre" dans l'actionnariat du Monde. Il assure démontrer ainsi "sa bonne foi et sa volonté de conforter la pleine indépendance éditoriale du Groupe". Dans la foulée de ces annonces, Xavier Niel (qui avait déjà approuvé le "droit d'agrément" demandé par le Pôle d'indépendance) a répliqué, en faisant de nouvelles propositions beaucoup plus radicales pour garantir l'indépendance à long terme du journal. Pour commencer, il se dit partant pour le rachat des parts de Prisa... mais à condition que M. Pigasse et lui-même reversent les titres du groupe espagnol au Pôle d'indépendance. Dans ce cas, estime M. Niel, l'instauration du "droit d'agrément" pourra être définitivement scellé, dans "un document commun et identique" à tous les coactionnaires. Et surtout, il soutient désormais l'idée de créer une fondation pour "sanctuariser" l'indépendance du quotidien à qui serait apportée l'intégralité du capital du Monde. Une initiative qui rappelle le projet mis en œuvre par le pure player d'info Mediapart, actuellement contrôlé par ses fondateurs et qui est justement en train de se doter d'une structure similaire pour garantir son indépendance.

(In)satisfaction...

De son côté, le Pôle d'indépendance a fait part de son insatisfaction à propos des annonces de M. Pigasse, mais a salué la démarche de M. Niel. "La version de l'accord proposée par le pôle d'indépendance et signée par Xavier Niel aplanissait tous les problèmes. Celle dont Matthieu Pigasse annonce la signature diffère et ne traite pas le sujet central de l'acquisition des parts de Prisa (...) et du passage en force dont relève cette opération", a estimé le Pôle dans une déclaration citée par le Monde. En revanche, "la proposition faite par Xavier Niel d'une acquisition des parts de Prisa par Matthieu Pigasse et lui-même afin de les donner au pôle d'indépendance préserve l'équilibre de la gouvernance tout en renforçant les droits du pôle", conclut-il.

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