Guerre en Ukraine : des médias contraints de suspendre leurs activités en Russie

Arme contre la presse

Après l'adoption par la Douma, chambre basse de l'Assemblée fédérale de la Fédération de Russie, d'une loi sanctionnant lourdement toute "information mensongère" après l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe, de nombreux médias étrangers ont décidé de suspendre leurs activités dans le pays. Une loi qui prévoit jusqu'à 15 ans de prison en cas de propagation d'informations visant à "discréditer" les forces armées. État de la situation des médias au dimanche 6 mars. Liste non-exhaustive.

- Les médias de service public (MSP) européens apportent leur soutien à leur homologue ukrainien "au nom de la liberté de la presse", a fait valoir vendredi l'Union européenne de Radio-Télévision (UER). "Nous sommes tous solidaires de nos collègues" du radiodiffuseur ukrainien UA:PBC, a déclaré la présidente de l'UER, Delphine Ernotte, également à la tête de France Télévisions, dans un communiqué. L'UER coordonne notamment "le support technique" apporté à UA:PBC, qui continue d'émettre depuis l'invasion russe et de fournir, en dépit des risques et difficultés encourus, "des informations vitales aux citoyens", tout en partageant reportages et témoignages avec ses homologues européens, explique le communiqué. Les diffuseurs européens utilisent en outre des fréquences supplémentaires en ondes courtes pour atteindre l'Ukraine et certaines zones en Russie. Et ils sont de plus en plus nombreux à intégrer des flux radio et vidéo d'UA:PBC à leurs services en ligne pour toucher les Ukrainiens déplacés ou expatriés. Les médias publics du Vieux continent affichent par ailleurs en musique leur solidarité à l'égard de l'ensemble du peuple ukrainien. Fondée en 1950, l'UER, dont le siège est à Genève, réunit 113 membres dans 56 pays.

- Radio France a annoncé samedi à l'AFP suspendre la correspondance de ses journalistes en Russie.    Le groupe, qui compte sept chaînes nationales dont France Inter et franceinfo, a sollicité une expertise juridique pour déterminer si la loi russe s'applique aux journalistes étrangers. Elle a également sollicité l'avis de l'Union Européenne de Radio-Télévision (UER), grande alliance de médias de service public. Dans l'attente de leurs conclusions, la correspondance de ses journalistes en Russie est suspendue.

- La BBC a indiqué dimanche que sa chaîne télévisée d'information internationale, BBC World News, avait cessé d'émettre en Russie, après le tour de vis radical des autorités russes contre les médias depuis le début de l'invasion de l'Ukraine. "La diffusion de BBC World News, la chaîne que vous regardez si vous êtes en dehors du Royaume-Uni en ce moment, et qui est la chaîne d'information mondiale de la BBC, vient d'être arrêtée", a annoncé la présentatrice Victoria Derbyshire. Un porte-parole du groupe audiovisuel public britannique a précisé que la chaîne n'était plus disponible en Russie depuis samedi. La BBC avait annoncé vendredi suspendre "temporairement" le travail de ses journalistes en Russie pour assurer leur "sécurité", après l'adoption de cette loi prévoyant de lourdes peines de prison en cas de diffusion d'"informations mensongères sur l'armée". Le groupe avait précisé qu'il continuerait à informer en russe depuis l'extérieur de la Russie.

- "C'est avec un grand regret que nous avons décidé de suspendre temporairement notre travail de collecte de l'information en Russie", a déclaré vendredi le rédacteur en chef de l'agence américaine Bloomberg John Micklethwait dans un article sur son site. La nouvelle loi russe "semble écrite pour faire de chaque journaliste indépendant un criminel, par simple association, ce qui rend impossible de continuer à faire vivre un semblant de journalisme dans le pays", a-t-il ajouté.

- La chaîne américaine d'informations CNN a annoncé simultanément suspendre la diffusion de ses programmes en Russie "le temps d'évaluer la situation". "Vivement préoccupé", le groupe de radio et de télévision CBC/Radio-Canada a également suspendu ses activités, estimant que cette loi "vise à criminaliser la couverture journalistique neutre et impartiale de la situation actuelle".

- Les chaînes de télévision publique allemandes ARD et ZDF ont décidé samedi la suspension temporaire de leur couverture depuis Moscou, le temps d'"examiner les conséquences" de la nouvelle loi russe. Elles "continueront d'informer le public de manière exhaustive sur ce qui se passe en Russie et en Ukraine" depuis d'autres sites en dehors de la Russie, ont-elles souligné. ARD est représentée à Moscou depuis 1956. En février, la radio-télévision internationale allemande Deutsche Welle (DW) avait été interdite en Russie et ses reporters contraints d'arrêter de travailler. L'accès à son site russophone, qui fonctionnait encore, a été "limité vendredi par le régulateur russe des médias.

- La chaîne de télévision publique italienne RAI a également suspendu samedi "les services journalistiques" de ses envoyés spéciaux et de ses correspondants, pour "protéger la sécurité des journalistes sur place et la plus grande liberté possible dans l'information". "Les informations sur ce qui se produit dans la Fédération de Russie seront pour le moment fournies sur la base de nombreuses sources des journalistes de la RAI en service dans les pays voisins et dans les rédactions centrales en Italie", a ajouté la chaîne.

- L'agence Efe leur a emboîté le pas samedi en fin de journée. Présente à Moscou depuis 1970 avec un bureau permanent, c'est la première fois qu'elle "se voit forcée de suspendre l'activité de ses journalistes accrédités dans la capitale russe", a souligné l'agence de presse hispanophone, sur son site. Efe "regrette profondément cette grave attaque à la liberté d'expression, une tentative évidente du Kremlin de cacher la vérité à l'opinion publique", a commenté sa présidente, Gabriela Cañas.

- Le site d'information Mediazona, l'une des dernières voix indépendantes en Russie, a indiqué dimanche avoir été bloqué par les autorités en raison de sa couverture de l'invasion en Ukraine. Le régulateur russe de l'internet "Roskomnadzor a commencé à bloquer Mediazona", a indiqué le média dans un communiqué. L'AFP a par ailleurs constaté que ce dernier était désormais sur la liste officielle des sites bloqués en Russie. Les autorités ont également bloqué d'autres sites comme Republic, Snob.ru - tous deux dédiés à l'actualité chaude et à l'analyse  - et le média d'investigation Agentstvo, ainsi que des journaux régionaux, a indiqué l'ONG de défense des droits numériques Roskomsvoboda. Jeudi dernier, la chaîne de télévision indépendante par internet Dojd a annoncé la suspension de son activité, et l'emblématique station de radio Ekho Moskvy (Echo de Moscou) sa dissolution, après le blocage de leurs sites respectifs.

- Vendredi, les autorités russes ont par ailleurs bloqué Facebook et commencé à "restreindre l'accès" à Twitter. La veille, l'emblématique station de radio Ekho Moskvy (Echo de Moscou) avait annoncé sa dissolution et la chaîne de télévision indépendante Dojd la suspension de son activité, après le blocage de leurs sites.

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