Présidence France Télévisions : Baldelli, Pommier, Ernotte et Cimino auditionnés par le CSA

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Christopher Baldelli (haut à gauche), Pierre-Etienne Pommier (haut à droite), Delphine Ernotte (bas à gauche) et Serge Cimino (bas à droite) lors de leur audition le 21 juillet 2020

Faites vos jeux. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a achevé les auditions des 8 candidats à la présidence du groupe France Télévisions. Si lundi, se sont succédés devant les Sages Sandrine Roustan, Michel Goldstein, Serge Schick et Jean-Paul Philippot, place mardi à (dans l’ordre chronologique) Christopher Baldelli, Pierre-Etienne Pommier, Delphine Ernotte (présidente sortante) et Serge Cimino qui auront également tenté de convaincre leur auditoire d’un jour du bien fondé de leurs stratégies pour le groupe audiovisuel public pour assurer le poste à compter du 22 août prochain. C’est donc l’ancien patron de RTL qui ouvrait le bal en se montrant d’entrée offensif : « si nos concitoyens devaient payer pour accéder à la télé publique, combien seraient prêts à le faire ? ». Le ton donné, M. Baldelli se pose néanmoins en ardent défenseur du service public avec lequel l’on se doit de prendre des risques car il « n’a pas le diktat de l’audience » en toile de fond. S’il ambitionne d’ici la fin de son mandat en tant que président de France Télévisions, que pour chaque format de fiction étrangère il y aura « un format français ou européen », il souhaite tout de même que soit diminué le nombre de fiction policière au profit de fictions historiques et/ou issues du patrimoine littéraire français. Il entend également développer des formats nationaux de divertissement qui arriveraient, là aussi, à part égal par rapport aux formats étrangers.

Baldelli : ne pas « s’interdire » de collaborer avec les plateformes

Dans l’air du temps, aussi, le candidat appelle de ses vœux à un traitement large des questions écologiques et environnementales, avec notamment la création d’une émission hebdomadaire dédiée. Il plaide en outre pour la mise en avant, côté information, de l’investigation et du décryptage (éco, géopolitique, science, éducation à l’image…) pour rendre le monde « intelligible », mais il souhaite aussi donner la parole aux « invisibles ». Il veut par ailleurs investir sur une plateforme OTT en propre et remettre au goût du jour une direction par chaine, organisation abandonnée par Delphine Ernotte, qui seraient placée sous l’autorité d’un grand patron des programmes. Parmi les autres propositions, il met en avant le lancement d’une offre numérique locale commune à France 3 et France Bleu, la réunion de l’offre France Télévisions sous une plateforme et marque unique alors que le groupe audiovisuel public devra être capable de recueillir davantage de données personnelles via les login. Il martèle également qu’il « ne faut pas oublier le jeune public sur le linéaire, la crise sanitaire l’a démontrée », avance-t-il. « Il faut aller le chercher partout, et par tous les moyens ! ». De même, M. Baldelli « ne s’interdit pas » d’avoir des collaborations avec les plateformes « si on est à l’origine du projet », faisant ainsi référence au deal conclu entre TF1 et Netflix à propos de la série-événement de la chaine, le Bazar de la charité. Et pour les finances ? L’ex patron de RTL se veut pragmatique : « tous mes projets se feront sur l'enveloppe et les financements existants. Je n'ai pas besoin d'une enveloppe supplémentaire ». Et d’enfoncer le clou : « mon tropisme, c'est l'équilibre financier. Je ferai tout pour. Mais je ne peux pas m'engager pour 2021 ».

Autre candidat à passer son grand oral, le conseiller numérique du groupe LREM à l'Assemblée nationale Pierre-Etienne Pommier. Et d’entrée, il se veut lui aussi offensif : « l’avenir de France Télévisions est aujourd'hui menacé ». Parce que pour lui, le groupe audiovisuel public a abandonné toute volonté, toute ambition éditoriale et créative. France Télévisions a abandonné les jeunes » alors que la télévision publique avec l'école, « est un des rares acteurs qui peut nous permettre aujourd'hui de faire société ». Dans ce contexte, il annonce la volonté de hisser Catherine Smadja, actuelle chargée de mission auprès du ministre de la Culture et ancienne responsable des projets spéciaux et de la stratégie de la BBC entre 2006 et 2016, avec qui il a élaboré son projet, en tant que numéro 2 du groupe, s’il était désigné par le CSA. Pour lui, France Télévisions doit être une « Maison de la création » qui doit reprendre le contrôle de la distribution de ses contenus et mettre en place un management « moderne et transparent ». Contrairement à Christopher Baldelli, il désapprouve l’idée de nommer des directeurs de chaine, ce qui entrainerait à nouveau des « organisations en silos ». Parmi les propositions phares, M. Pommier considérant les modèles publicitaires sur le numérique « incompatibles » avec « l'éthique » du service public, prône le retrait de la toute publicité sur la plateforme France.tv et la suppression, par exemple, de l’accord entre franceinfo et la plateforme de recommandation de contenu Outbrain.

Pommier : créer la plateforme SVOD FranceTV Plus

Côté programme, il entend installer une case de pilotes chaque semaine pour permettre l’expression des talents made in France, que les programmes du soir débutent dès 20h30 et que le JT de 20H de France 2 devienne « le premier JT de France ». Quoi qu’il en soit, pour lui, chaque programme présent sur les chaines de France Télévisions devra avoir sa dose « culturelle ». Il propose ainsi la création d'un grand magazine culturel quotidien en seconde partie de soirée, sur France 3, tous les vendredis, la diffusion d’un spectacle vivant » et sur France 5, des soirées Livres, Musique et Cinéma. Il ambitionne même une sorte de « direction partagée-commune » en matière culturelle entre France Télévisions et France Culture. Côté information, le candidat l’affirme : « France Télévisions ne doit pas suivre l’info, mais doit la faire ». Redoutant le mélange des savoir-faire avec sa cousine Radio France avec qui bon nombre de synergies sont déjà activées, il souligne que « le rôle de France Télévisions n'est pas de faire de la radio, pas plus que c'est celui de la radio de faire de la TV. Les rédactions de chacun gagneraient à être mieux intégrées pour intervenir de façon croisée », relève-t-il. Selon lui, le réseau local de France 3, cela « fait 30 ans qu’il déçoit ». Mais il compte accélérer sur l’info régionale, en passant d’un 19-20 à un 18-20, ou en doublant la tranche la « tranche déjeuner » et en expérimentant « un 6-9 ». Selon son décompte, ce serait ainsi pas moins de 10h d’info régionale chaque jour.

Il plaide en outre pour la création d’une plateforme SVOD baptisée FranceTV Plus pour, notamment, porter les programmes culturels pour tous les francophones, mais aussi d’un véritable « Fortnite éducatif et ludique » pour séduire les jeunes publics.  En revanche, concernant la plateforme Salto conjointement menée par France Télévisions, TF1 et M6, il se montre « embêté par le projet » pour lequel l’Autorité de la concurrence a mis des contraintes « importantes » alors que la gouvernance en a été confié à M6.

Ernotte : la crise, un « accélérateur de la métamorphose » de France Télévisions

À 14h30, c’était ainsi au tour de Delphine Ernotte de plaider la cause de son nouveau projet à la tête de France Télévisions, qu’elle dirige depuis 5 ans. "Je savais gérer, mais j'ai appris (durant son mandat, ndlr) à entendre et à calmer les inquiétudes. Même les miennes », indique-t-elle dans son propos liminaire. Mais pour elle, « la télévision publique, c’est contribuer à un projet de société » et il « faut penser l’avenir de France Télévisions, en faire le moteur de la relance au service de la souveraineté culturelle ». Loin d’elle, l’idée que la crise sanitaire aura plombé son groupe, elle aura plutôt été un « révélateur, un accélérateur de la métamorphose ». Elle a appris de la période et entend dès la rentrée de septembre entamer le chantier de la raison d’être de France Télévisions. Elle mettra aussi en place un think tank pour imaginer la TV de demain et organisera aussi de véritables États généraux dédiés. Alors que la sort de France 4 est en suspens au sein du ministère de la Culture, Mme Ernotte plaide quant à elle pour son « maintien » en tant que chaine linéaire qui a fait ses preuves pendant les mois de confinement, avec une offre d’éducation qui serait « référente » pour la famille. Elle ambitionne même de « doubler » son engagement autour des programmes jeunesse en les hissant à 100 millions € par an. Si France 5 sera pour sa part dédiée à la « priorité écologique et environnementale », les chaines du groupe devront être repensées avec « intelligence et délicatesse », souligne-t-elle. Et s’engager sur 4 points : la Culture, l’éducation & jeunesse, le cinéma, les sciences-recherche & chercheurs. Elle indique en outre travailler à la création d’une chaine numérique dédiée à l’olympisme, souhaite développer des coopérations avec la presse quotidienne régionale, mettre en avant le « journalisme de solutions » et porter à 500 millions € par an (vs 480 M€ actuellement) les investissements dans la création et le cinéma. Elle souhaite également la mise en place, avec l’Institut national de l’audiovisuel (INA), d’un campus de la création audiovisuelle ». Et alors que la création de la holding commune aux entités d’audiovisuel public semblent abandonné par le gouvernement, Delphine Ernotte avance quelque pion de compensation avec la création d’une « holding par la preuve ». Et, enfin, financièrement, « ce n'est pas 2020 qui m'inquiète, ce sera plus difficile en 2021 ». « Mon enjeu serait de discuter avec l'actionnaire du passage financier de 2021 à 2022 », conclut-elle.

« Ces 5 dernières années ont fait énormément de mal aux salariés de France TV", a pour sa part déploré Serge Cimino, délégué SNJ à France Télévisions qui  était déjà candidat en 2015, et se veut le « porte-voix » des salariés qui n'en « peuvent plus de ces reformes empilées ».

Le CSA donnera au plus tard vendredi 24 juillet le nom du futur président de France Télévisions, nommé pour un mandat de cinq ans. Un avis motivé sur cette décision sera par ailleurs rendu public par le CSA, a précisé le président de l’instance Roche-Olivier Maistre avant chaque audition. L'heureux élu sera choisi par un vote à la majorité de six membres du CSA, le septième, Hervé Godechot, ne pouvant pas légalement participer au processus en sa qualité d'ancien du groupe audiovisuel public. Le lauréat ou la lauréate devra gérer un groupe d'environ 9.600 salariés (pour un budget de 3 milliards d'euros) et superviser la programmation de cinq chaînes qui ont enregistré ensemble une part d'audience de 28,6% cette saison.

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