Presstalis devra patienter jusqu’au 15 mai

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La décision était attendue mardi. Elle attendra encore jusqu’à vendredi, 15 heures… C’est en effet devant le Tribunal de commerce de Paris que ce dernier dira ce jour-là s'il accepte l'offre des quotidiens nationaux pour sauver Presstalis de la liquidation. La messagerie s’étant déclarée en cessation de paiement le 20 avril dernier. Ses actionnaires, les quotidiens et les magazines, se sont affrontés pendant plusieurs semaines autour de l'avenir du distributeur, sans trouver de compromis. La survie de Presstalis est essentielle pour certains éditeurs, la messagerie détenant les résultats de leurs ventes en kiosques sur plusieurs mois, tandis que d'autres préfèrent le voir sombrer pour passer à un autre système. Emmenés par Louis Dreyfus, président de la Coopérative de distribution des quotidiens et du directoire du Monde, les quotidiens français proposent de reprendre 265 des 910 salariés que compte Presstalis, soit 120 des 209 postes du siège, et 150 des 193 postes de la plate-forme de Bobigny, qui gère la distribution des quotidiens, selon Le Monde. Mais pas les équipes de la SAD, filiale à 100% de Presstalis, qui distribuent les journaux hors de Paris.

Les salariés de SAD ont lancé un coup de semonce mardi matin en bloquant des imprimeries, de Gallargues (Gard) à Nancy (Meurthe-et-Moselle), empêchant la distribution des journaux sur une large partie du territoire. "La lutte ne fait que commencer, on ne lâchera rien", a lancé le Syndicat du Livre-CGT dans un communiqué. Il appelle à une « non-parution des quotidiens nationaux datés 13 mai pour ceux de nuit et 14 pour celui de jour ».

Les quotidiens ont proposé leur plan lundi soir in extremis. Au cours d'un dernier week-end de négociations, deux des principaux groupes de magazines n'avaient pas validé une dernière proposition commune : Prisma Media et Reworld Media. Ce projet soumis par le président de la coopérative des magazines Frédérick Cassegrain prévoyait la mise en place, à terme, d'une messagerie unique avec le concurrent de Presstalis, les MLP. La direction de Presstalis soutient la proposition des quotidiens, qu'elle qualifie de "réaliste". Le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), qui encadrait les discussions, doit encore préciser dans quelle mesure il soutiendra le distributeur, qui traverse sa troisième crise majeure en moins de dix ans. Les discussions doivent se poursuivre dans la semaine : la coopérative redimensionnée proposée par les quotidiens ne pourrait pas atteindre l'équilibre sans distribuer quelques magazines, le volume de quotidiens ayant fortement baissé en kiosques ces dernières années. Au cours des dernières années, les magazines ont, de leur côté, migré en masse vers les MLP. Plusieurs « petits groupes » ont également été autorisés par le régulateur du secteur, l'ARCEP, à rejoindre leur concurrent.

« Les éditeurs n'ont plus confiance en Presstalis »…

Pour le président des MLP, José Ferreira, "les éditeurs n'ont plus confiance en Presstalis". Les MLP, qui avaient été approchées pour reprendre Presstalis, n'ont finalement pas déposé d'offre. Presstalis a appelé lundi soir tous les éditeurs "à participer activement aux discussions" des prochains jours pour "finaliser une offre enrichie et structurante pour la filière". "Une partie" de la presse magazine pourrait accompagner l'offre des quotidiens, a assuré Frédérick Cassegrain, par ailleurs directeur des opérations de CMI France (Elle, Marianne...).

Le président de Presstalis s’explique

Dans un entretien à l’AFP, le président de Presstalis Cédric Dugardin souligne que la messagerie s’est retrouvée dans une situation "inextricable" et a dû se résoudre à une liquidation partielle entraînant de nombreux licenciements. Selon lui, l’offre de reprise présentée par les quotidiens nationaux "permet de préserver à terme 125 emplois à Bobigny", la plateforme qui gère la distribution des quotidiens, et "une centaine au siège de Presstalis", soit près de la moitié des effectifs. C'est une offre "acceptable socialement" qui a reçu l'aval le week-end dernier des représentants des salariés, a souligné M. Dugardin. Mais cette offre, préparée en urgence, "prévoit un chiffre d'affaires beaucoup plus faible" que les précédentes. L'offre présentée au tribunal de commerce qui prévoit donc la liquidation de la SAD et de la Soprocom, qui comptent plus de 500 salariés et desservent près de 10.000 points de vente en France. Son maintien dans le nouveau Presstalis aurait nécessité "un engagement très fort des repreneurs" et un "soutien financier" supplémentaire de l'État, selon M. Dugardin. "Je peux comprendre le choc des salariés, je souhaite juste que ça se passe dans le calme et sans violences", a-t-il expliqué. "Notre objectif est de redistribuer ces zones d'exclusivité à des dépositaires indépendants ou des nouveaux entrants. Il y aura moins de dépôts, et plus de marchands de journaux pour chaque dépôt. Nous privilégierons ceux qui reprendront les salariés des SAD : notre objectif est de réduire la casse sociale. On a déjà des propositions de reprises pour environ 80 salariés", a indiqué M. Dugardin.

« Il ne faut pas se faire de film »…

Alors que Presstalis subit des crises à répétition, le plan proposé par les quotidiens est-il pérenne ? "Je ne vois pas comment faire un plan pérenne dans une industrie avec un marché qui dégringole de 15% par an. Il ne faut pas se faire de films", a rétorqué M. Dugardin. "Beaucoup de décisions n'ont pas été prises car elles n'arrangeaient personne et à un moment on arrive au pied du mur. On m'a appelé pour passer le mur et prendre les décisions désagréables". Le tribunal "regarde ce plan d'un œil positif", selon M. Dugardin. Il pourrait être étoffé d'ici là si des magazines s'y rallient.

Le plan repose en grande partie sur un fort soutien de l'État, qui doit encore préciser la hauteur de sa contribution. "L'Etat nous soutient financièrement depuis la mi-avril, les équipes du CIRI et du ministère de la Culture n'ont pas ménagé leurs jours et leurs nuits", a souligné M. Dugardin. Dans le détail, l'État a déjà versé de façon anticipée le solde des aides directes pour le mois de juin, plus 17 millions d'aides directes, plus le paiement de commissions qui étaient dues aux kiosquiers pour 16,2 millions d'euros. L'État a également accordé un prêt de 35 millions d'euros pour "financer les semaines qui viennent" et ne pas risquer l'interruption des publications. Ensuite, le schéma de financement du nouveau plan mêle des prêts et subventions à hauteur de 80 millions d'euros. Les 120 millions d'euros qui étaient dus aux éditeurs, déjà fragilisés par la crise sanitaire, devraient par ailleurs être gelés vendredi par le tribunal.

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