La Provence : les débats se poursuivent pour la reprise

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Peut-on être à la fois joueur et arbitre ? La Cour d'appel d'Aix-en-Provence dira le 7 avril si l'homme d'affaires Xavier Niel a le droit, comme actionnaire minoritaire, de s'opposer à la reprise de La Provence par l'armateur CMA CGM. L'audience tenue lundi à la Cour d'appel constitue un nouveau round dans le combat que se livrent les deux poids lourds de l'économie pour prendre le contrôle du groupe de presse régionale comptant deux titres phares du Sud-Est, La Provence et Corse Matin, et 850 salariés. En vertu d'un pacte d'actionnaires, NJJ, holding du fondateur de Free Xavier Niel, déjà détentrice de 11% de La Provence, peut via une clause dite "d'agrément", un droit de véto, faire barrage à tout candidat au rachat des 89% de La Provence détenus par le Groupe Bernard Tapie (GBT) qui est en liquidation judiciaire. Début janvier, le tribunal de commerce de Marseille a suspendu son droit de véto en estimant qu'il constitue un "trouble manifestement illicite" dans le processus de liquidation judiciaire du groupe de l'homme d'affaires décédé en octobre. "On ne peut pas prendre le ballon pour aller mettre le but tout en étant l'arbitre", résume Me Bernard Vatier, avocat du liquidateur, estimant qu'il y a un conflit d'intérêts. Ce type de clause est "classique" mais "la difficulté majeure ici est que celui qui donne son accord est en même temps candidat", NJJ étant elle-même en lice pour racheter les parts de Bernard Tapie, soutient l'avocat. Pour lui, "l'intérêt social de La Provence se trouve pris en otage par l'intérêt de l'actionnaire minoritaire".

Dans la course au rachat des parts de Bernard Tapie, NJJ fait face au géant du transport maritime CMA CGM, basé à Marseille, qui a mis sur la table 81 millions d'euros, contre "autour de" 20 millions pour la holding de Xavier Niel. Le liquidateur, lui, vise à récolter le maximum d'argent de la vente des actifs du Groupe Bernard Tapie pour payer les créanciers. Du côté de la défense d'Avenir Développement, filiale de NJJ, on s'étonne de la suspension d'une clause pourtant légale et statutaire, pointant une "décision atypique du tribunal de Marseille", selon Me Christian Lestournelle. "Comment peut-on considérer comme manifestement illicite ou comme créant un dommage imminent une clause prévue par une loi" qui a été votée pour "préserver la liberté éditoriale des organes de presse ?", s'est interrogé de son côté le président de la Cour d'appel, Pierre Calloch, pour qui il règne "une certaine confusion dans les intérêts respectifs en jeu" dans ce dossier.

"Pourquoi avoir saisi le juge des référés en demandant la suspension de la clause d'agrément avant même que le conseil d'administration n'ait lieu ?" au mois d'avril pour s'exprimer sur l'offre de rachat, s'est-il interrogé. Pour être validée, l'offre de CMA CGM, la seule retenue par le liquidateur car "mieux-disante", doit être approuvée à l'unanimité des cinq administrateurs de La Provence : les deux représentants d'Avenir Développement (groupe Xavier Niel), le fils de Bernard Tapie, Stéphane Tapie, Franz-Olivier Giesbert et le PDG de La Provence, Jean-Christophe Serfati. "Il est évident que Xavier Niel ne va pas donner son accord pour que l'autre projet, même s'il est excellent, soit agréé", soutient Me Catherine Szwarc, avocate de trois comités d'entreprises (Eurosud, Sud Presse Distribution et Corse Matin publicité) sur les six que compte le groupe La Provence.

"Il y a une suspicion qu'effectivement le minoritaire vote pour évincer l'autre candidat", a souligné le président de la Cour d'appel. La défense de M. Niel dénonce un "procès d'intention" et se dit déterminée à épuiser tous les recours légaux pour défendre son droit de véto. "La seule chose qui les intéresse, c'est le prix", a dénoncé Me Didier Malka, fustigeant le "cynisme" des liquidateurs. C'est la raison pour laquelle "ils n'ont pas demandé la suspension du droit de préemption" qui permet à NJJ d'avoir la primeur du rachat des parts si elle s'aligne sur le prix de CMA CGM. Pour les liquidateurs, conclut l'avocat du groupe de Xavier Niel, "pourvu qu'on paye le prix, ça leur va".

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