Quotas francophones : Les radios indépendantes veulent remettre à plat le système

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Alain Liberty, président du SIRTI.

Alain Liberty, président du Syndicat des radios indépendantes (SIRTI) et par ailleurs directeur général exécutif du groupe 1981, a présenté mardi ses propositions pour « préserver la création musicale francophone à la radio ». En ligne de mire, la loi du 7 juillet 2016 qui vient apporter de nouvelles dispositions à la politique des quotas de chansons francophones mise en place, en 1996. La loi oblige les radios à diffuser 40% de titres d'expression française dans leur programmation musicale. « D’abord, je tiens à rappeler que les radios aiment et ont besoin de chansons francophones », a déclaré Alain Liberty. « La loi est suivie et appliquée ». Mais si le SIRTI reconnait une augmentation des chansons d’artistes francophones sur les ondes, la loi a pour le syndicat des effets pervers. « Les dispositions de 2016 étaient louable mais le résultat est catastrophique », continue-t-il. Les titres francophones sont « en totale dilution ». En 2018 selon Yacast, il n’y avait plus que 3 titres francophones dans le Top 20, contre 7 en 2015. « C’est comme si on se félicitait d’avoir beaucoup de femmes dans une entreprise, mais qu’aucune n’occupait un poste de direction », regrette Alain Liberty, qui pointe une « explosion du nombre de titres à moins de 10 passages ».

« Le système empêche les artistes de réussir »

Pour le syndicat des radios indés, les auditeurs ne peuvent pas écouter « plus de 20 chansons par jour, cela veut dire que le système de plafonnement des rotations (mis en place par la loi de 2016, ndlr) empêche les artistes de réussir ». Le SIRTI met en garde « il y a plus de chansons qui passent, mais personne ne les entend. Une radio a besoin de diffuser et rediffuser les titres que les gens aiment », explique son président. Ensuite, le SIRTI fait le constat d’une baisse de la part de musique dans les programmes des radios aux heures de grande écoute. Les radios, « qui ont perdu plus d’un million d’auditeurs sur la dernière année, ne peuvent pas passer les chansons que les auditeurs apprécient ». Entre 2011 et 2018, les artistes francophones ont perdu plus de 10 milliards de contacts en radio, estime le SIRTI.

Un manque de diversité

Alain Liberty compare avec la situation ailleurs en Europe : « cette baisse d’audience des radios musicales n’est pas la norme en Europe ». En Allemagne, au Royaume-Uni, au Danemark ou en Autriche, les règles sont « plus en phase avec la réalité d’un monde bouleversé par les nouveaux usages du numérique » et leurs radios musicales regagnent des parts d’audience. « L’objectif de la loi de 2016, c’était plus de diversité mais aussi plus de chansons en français à la radio. Déjà il y a moins de chansons en français, mais il y également un problème de diversité : on entend que du rap ». 63% des écoutes sur les plateformes de streaming musical concernent la musique urbaine, indique Alain Liberty. « Cela pose des problèmes aux radios qui n’en diffuse pas ».

« Les peuples aiment leur langue natale »

Le DG du groupe 1981 enfonce le clou : « les dispositions de 2016 n’ont pas d’impact : en 2003, 718 des albums produits étaient francophones. En 2018, c’est 64% de moins ». Et 94% des titres produits en France ne sont pas chantés en français, selon Alain Liberty : « nous appelons à une réflexion à ce niveau-là ». Et le président du SIRTI de citer l’Espagne ou l’Italie, pays dans lesquels le Top 20 est garni de titres interprétés par des artistes locaux. « Et pourtant il n’y a pas de quotas. Les peuples aiment leur langue natale. Les radios ont besoin des artistes français pour aller à la rencontre des auditeurs ».

Une redéfinition des « nouveaux talents »

Le syndicat, qui a bien compris que le ministre de la Culture Franck Riester ne changerait par le texte de sa loi sur l’audiovisuelle avant son examen au Parlement, propose la suppression des dispositions mises en place en 2016, en particulier du plafonnement des rotations, tout en expliquant ne pas être « contre le principe des quotas. On veut simplement un retour aux dispositions d’avant juillet 2016 ». Mais en y modifiant la définition des « nouveaux talents », imposés à 25% dans les quotas. « Le SIRTI préconise qu'elle soit à présent sans corrélation avec les outils marketing mis en œuvre par l’industrie musicale, c’est-à-dire la certification « disque d’or » délivrée par le SNEP pour permettre ainsi un meilleur accompagnement de la carrière des artistes ». Pour Alain Liberty, le système actuel ne favorise pas la réussite des carrières, car avec la comptabilisation des écoutes en streaming, « ça va trop vite, les artistes ne sont plus considérés comme nouveaux talents, assez rapidement ».

Une Charte de la diversité musicale en radio

Le syndicat demande, à l’image du Bureau de la radio (union des radios privées Lagardère, M6, NextRadioTV et NRJ Group), la mise en place de quotas sur les plateformes de streaming (Apple Music, Deezer, Spotify) « pour retrouver l’équilibre » et « faire rentrer ces acteurs dans l'exception culturelle française à l'image que ce que le Gouvernement souhaite faire pour les plateformes vidéo ». Enfin, le syndicat des radios indépendantes propose la mise en œuvre d’une Charte de la diversité musicale en radio, « en lien avec les artistes et leurs représentants pour instaurer une nouvelle manière de travailler ensemble qui aille au-delà du cadre législatif et qui soit adaptée aux réalités actuelles ». Le système des quotas actuel, « qui a eu son utilité », doit être réformé, plaide le SIRTI. Son président a toutefois mis de côté l’idée d’une taxe des plateformes, en comparaison avec les services de vidéo à la demande. Mais pour lui, « certaines plateformes ressemblent de plus en plus à la radio », avec des playlists aléatoires, du contenu inséré entre les titres, de la pub, etc.

« On est à un tournant historique, profitons-en »

« La radio a de l’avenir, à condition que ces règles du siècle dernier soient revues. Avec la loi sur l’audiovisuel, on est à un tournant historique, profitons-en pour se projeter dans 20-30 ans ». Alain Liberty appelle à « une phase de concertation, de réflexion ». La commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale a par ailleurs lancé le 30 octobre dernier une mission flash sur le sujet. « Nous travaillons de concert avec le Bureau de la radio, nous multiplions les rendez-vous communs, devant la mission flash et les parlementaires ». Le projet de loi Riester sera présenté en Conseil des ministres en décembre et examiné à l'Assemblée nationale à partir du début de l'année 2020.

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