Rencontres Udecam : La responsabilité environnementale de la publicité au coeur des débats
Pierre Calmard, Olivier Altmann, Dominique Seux et Mathieu Orphelin

Deuxième matinée d’échanges lors des Rencontres de l’Udecam 2020, en ligne cette année. Le groupe Les Echos-Le Parisien accueillait dans son studio boulevard de Grenelle la thématique « Ensemble, responsables pour notre société ». Au sommaire des discussions, animées par Dominique Seux et David Barroux : transition écologique, responsabilité, communication RSE des marques, impact de la convention citoyenne sur les métiers du conseil et de l’achat média. Des sujets « chers » au PDG du groupe Les Echos-Le Parisien Pierre Louette, qui a fait réalisé un bilan carbone sur l’entreprise : « les médias doivent raconter le monde et nous sommes engagés dans le groupe dans une démarche de transformation : c’est compliqué de parler du monde qui change sans être impliqués dans cette démarche », a-t-t-il déclaré, notant « une prise de conscience générale » des acteurs du marché sur la thématique environnementale.
« Il y a un alignement des planètes : les consommateurs sont en demande d’accompagnement de transition écologique, les marques font attention et les politiques accompagnent. Et ça s’accélère avec la crise sanitaire », a ajouté Emilie Thiry, directrice de The Good - nouveau média de la transformation écologique, sociale et solidaire des marques. Pour Pierre Calmard, président de Dentsu Aegis Network, « faire du pipeau aujourd’hui dans la publicité, ce n’est plus possible. L’authenticité des marques dans la publicité est primordiale aujourd’hui ». La question a été posée du renouvellement des talents dans les entreprises. Interrogé par David Barroux - rédacteur en chef Les Echos - sur la responsabilité des plateformes, Markus Reinish, VP Public Policy EMEA chez Facebook, a indiqué que Facebook était extrêmement « safe » pour accueillir les investissements des annonceurs. « La parole haineuse représente juste une petite quantité du contenu publié sur nos plateformes », a-t-il appuyé.
« La publicité est un outil »
Selon Markus Reinish, « les informations erronées sont identifiées par des tiers. 80% de ces informations sont réduites dans le flux et sont qualifiées de désinformation. Grâce à ce label, 90% des utilisateurs qui voient de la désinformation ne cliquent pas sur le lien ». Dominique Seux a ensuite orienté le débat sur « le manifeste écologique ». Pour Marie-Laure Monet, directrice du planning stratégique chez Zenith (Publicis Media), les collaborateurs peuvent changer leur entreprise de l’intérieur : « dans une agence média, on peut travailler sur la diffusion, on a des outils de mesure parfois dissonants, on peut travailler sur la compensation solidaire, mais finalement on a très peu de solutions de diffusion propres ». Mais Zenith va travailler sur des actions concrètes notamment pour réduire la pollution digitale, avec des solutions à tester sur le marché dès décembre.
« La publicité est un outil et un moyen, et n’est pas responsable. C’est à la base qu’il faut agir. Il y a eu 1000 communications en 2019 sur la transition écologique et ça aide à normaliser le message », a-t-elle conclu. Une publicité forcément pas responsable ? Mathieu Orphelin, député du Maine-et-Loire (groupe Écologie-Démocratie-Solidarité), veut restreindre progressivement la publicité sur les produits les plus polluants - à l’image du futur projet de loi de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, qui soutient cette proposition issue de la Convention citoyenne pour le climat. Dans le viseur, le secteur de l’automobile avec notamment « les plus gros des SUV ». Le député, face au publicitaire Olivier Altmann et au président de Dentsu Aegis Network Pierre Calmard, a mis les pieds dans le plat : « on a voulu ce débat à l’Assemblée nationale, et c’est là qu’on a pris en pleine face le lobbying à la papy de nos amis du secteur de la publicité nous expliquant que cette loi était terrible ».
« Les marques, à travers les agences, changent »
« Je pense que c’est très bien d’avoir posé le débat. On est tout à fait disposé à discuter », a reconnu Pierre Calmard, pour qui la publicité « fonctionne » et doit être un « instrument extraordinaire » de la transition écologique. « Interdire la publicité sur certains produits, on peut en discuter. En revanche, interdire la publicité sur certains supports, c’est déjà beaucoup contestable », a tranché le PDG de Dentsu Aegis Network, qui a opposé au député Orphelin les deux milliards de revenus perdus par les médias cette année suite à la crise. Le député a défendu sa proposition de loi - par ailleurs retoquée en commission - en expliquant qu’elle n’aurait été mise en place qu’à partir de 2022, date à laquelle il s’attendait à une bonne reprise de l’économie, et par conséquence, du secteur publicitaire.
« Je ne crois pas que ce soit un sujet de date », a déclaré Olivier Altmann. « C’est un sujet de méthode. Vous parlez de démarche à la papy : moi je crois que c’est vous qui êtes dans l’ancien monde, puisque vous êtes dans l’interdiction. Ce que je sens, c’est que les Français ont besoin de positif, d’être encouragés, et non d’être dans une écologie punitive ». Le cofondateur de l’agence Altmann+Pacreau craint une augmentation des tensions sociales « si on fait de l’écologie une sanction », y voit « un mal français » et veut faire « confiance aux gens, qui sont responsables ». Ce n’est pas la question, pour Mathieu Orphelin : « il n’y a jamais eu autant de greenwashing dans la publicité que l’année dernière : ça a doublé en 2019 selon l’ARPP. Et en 2019, c’est 98% des publicités automobiles qui portaient sur des véhicules thermiques ». « C’est faux ! », lui rétorque Olivier Altmann, soutenu par Pierre Calmard : « les marques, à travers nous agences, changent et comprennent que les consommateurs sont en train de changer. La publicité ne va pas vendre des produits à des gens qui n’en veulent pas ». Il compare avec la Corée du Nord et évoque la paupérisation de la presse. « Ce qui se joue là, c’est notre avenir et ça doit passer par de grandes actions. Si on croit que la publicité va régler ce problème avec des petites mentions, c’est qu’on ne regarde pas du tout au bon endroit », conclut Olivier Altmann.