RSF dévoile son classement mondial de la liberté de la presse 2022

RSF

"Chaos informationnel" et désinformation alimentent aussi bien les tensions internationales que les divisions au sein des sociétés, alerte mardi Reporters sans frontières (RSF) dans l'édition 2022 de son classement mondial de la liberté de la presse. Au total, 73% des 180 pays évalués tous les ans se caractérisent par des situations jugées "très graves", "difficiles", ou "problématiques" concernant la liberté des journalistes à travailler. Si cette proportion reste identique à celle de l'année dernière, le nombre de pays (28) où la situation est "très grave" atteint un record tandis que 8 seulement affichent une "bonne situation", contre 12 l'année dernière. RSF remarque une "polarisation sur deux niveaux", entre et au sein des pays, alimentée par "la montée en puissance des circuits de désinformation" dans les sociétés démocratiques et par le "contrôle des médias" dans les régimes autoritaires. La polarisation est "devenue plus extrême" et touche des pays "partout dans le monde", a souligné lors d'une conférence de presse Rebecca Vincent, directrice de campagne chez RSF. Elle a par ailleurs souligné les meurtres de journalistes survenus aux Pays-Bas et en Grèce, et évoqué le fondateur de WikiLeaks Julian Assange, détenu au Royaume-Uni et qui risque d'être extradé aux Etats-Unis.

"La création d'un arsenal médiatique dans certains régimes autoritaires prive les citoyens de leur droit à l'information mais contribue aussi à la montée des tensions internationales pouvant mener aux pires guerres", note dans un communiqué le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Selon l'ONG, l'invasion russe de l'Ukraine illustre cette polarisation, une "guerre de propagande" ayant précédé l'envoi des troupes de Moscou (classé 155e) sur le territoire ukrainien. De même, la Chine (175e) "utilise son arsenal législatif pour confiner sa population et la couper du reste du monde, en particulier à Hong Kong", qui passe de la 80e place à la 148e dans le classement après la reprise en main autoritaire par Pékin. "C'est la plus grosse chute (dans le classement) de l'année", mais "pleinement mérité en raison des attaques constantes contre la liberté de la presse et de la disparition à petit feu de l'Etat de droit à Hong Kong", a réagi auprès de l'AFP Cedric Alviani, à la tête de RSF pour l'Asie de l'Est.

Les témoignages de plusieurs journalistes ont mis en exergue le paysage actuel. Le Britannique Stuart Ramsay, de Sky News, qui a cru qu'il allait mourir quand son équipe s'est fait tirer dessus en Ukraine, a souligné l'importance des journalistes locaux mais également de la "formation" et de "l'équipement" sur le terrain. Evgeniya Dillendorf, du journal russe indépendant Novaya Gazeta, dont "six journalistes ont été tués depuis 2000" et qui a suspendu sa publication, a souligné que "le manque d'indépendance des médias" découlait du "manque d'entreprises indépendantes pour les financer, du manque de système judiciaire indépendant pour les défendre" en Russie. Le hongkongais Kris Cheng s'estime quant à lui privilégié de continuer le journalisme depuis le Royaume-Uni, quand nombre de ses collègues dont les publications ont été fermées ont dû abandonner et se reconvertir, pour se retrouver derrière le volant d'un taxi ou dans un restaurant.

Au sein des Etats démocratiques, "la Fox News-isation des médias pose un risque fatal car elle met en danger les bases d'une société harmonieuse et du débat public tolérant", ajoute Christophe Deloire. Les sociétés démocratiques se divisent en raison de la hausse des médias d'opinion "suivant le modèle de Fox News", la chaîne préférée des conservateurs américains, et "l'étendue des circuits de désinformation, amplifiés par la façon dont fonctionnent les réseaux sociaux". Cette polarisation interne a accru les tensions sociales et politiques aux Etats-Unis (42e), note RSF, et en France (26e), qui progresse malgré tout de huit places dans le classement. Au bas du classement figurent toujours la Chine, devant la Birmanie, le Turkménistan, l'Iran, l'Erythrée et la Corée du Nord. En haut du tableau, la Norvège conserve sa première place pour la sixième année consécutive, devant le Danemark et la Suède. RSF souligne également les espoirs apportés par des changements de gouvernement en Moldavie (40e) et en Bulgarie (91e).

À lire aussi

Filtrer par