Les sénateurs relancent le débat de la restructuration de l’audiovisuel public

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L’audiovisuel public est de retour sur le devant de la scène médiatique. En effet, Roger Karoutchi, sénateur des Hauts-de-Seine, et Jean-Raymond Hugonet, sénateur de l’Essonne, ont présenté mercredi devant les Commissions des Finances et de la Culture du Sénat leurs propositions de financement et de restructuration de l’audiovisuel public, suite à l’annonce de suppression de la redevance audiovisuelle prévue d’ici la fin de l’année. Et force est de constater que les deux sénateurs n’avancent pas masqués. Ils résument leur plaidoyer : « Les rapporteurs estiment urgent de définir un projet stratégique pour l’audiovisuel public qui pourrait reposer sur trois principes : rassembler les quatre entreprises nationales de l’audiovisuel public dans une même structure, maximiser les mutualisations pour supprimer les doublons et investir davantage dans le numérique pour défendre notre souveraineté audiovisuelle ». Ils rappellent ainsi d’emblée que la situation des entreprises de l’audiovisuel public apparait « contrastée » avec des efforts budgétaires « significatifs » demandés aux différentes entreprises qui « n’ont pas nui » aux audiences de France Télévisions, Arte France et Radio France. Certes. Mais, selon eux, les programmes proposés, « malgré leur coût élevé, ne sont pas considérés comme particulièrement originaux ou innovants, les performances de ces entreprises sur le numérique apparaissent globalement insuffisantes et le niveau de spécificité du service public par rapport aux chaînes privées continue à faire débat ». On a connu plus enthousiaste.

Dans ce contexte, MM. Karoutchi et Hugonet appellent à la nécessaire fusion des entreprises de l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (RFI et France 24) et l'INA) à partir de 2025, à l’issue du mandat de Delphine Ernotte à la présidence de France Télévisions. Ce qui pourrait nécessiter de modifier la durée des mandats des autres dirigeants de l’audiovisuel public afin de les aligner sur 2025, soulignent-ils. Une solution « préférable » à la création d’une société holding, avancent-ils, car une société unique « doit permettre une unité de pilotage, une réduction des niveaux hiérarchiques et donc une plus grande agilité pour répondre aux défis qui s’annoncent ». Concernant Arte France et TV5 Monde qui ont des statuts particuliers de part leur actionnariat propre, les deux groupes conserveraient leurs statuts actuels « mais les coopérations seraient renforcées, la société unique ayant vocation à devenir un actionnaire de référence de ces deux entreprises internationales ». Quelques oreilles sifflent…

La création de France Médias Régions

Pour le secteur spécifique de l'information, le rapport préconise de créer une « newsroom » commune à l’ensemble de l’audiovisuel public qui réunirait ainsi tous les journalistes de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde. Celle-ci serait organisée en trois pôles distincts : l’international, le national et le local. Dans les faits, ces pôles seraient chargés « d’alimenter les différents supports et antennes qui pourraient conserver leur identité », expliquent les auteurs des propositions. Les rédactions en langues étrangères, pour leur part, seraient maintenues et développées au sein du pôle international tandis que le pôle local aurait pour mission de développer le maillage régional et ultramarin sur l’ensemble des supports. L’opportunité est également avancée de réunir France 3 et France Bleu dans une même filiale de la société unique qui pourrait être dénommée « France Médias Régions ». La structure aurait pour mission « de réorganiser à la fois l’offre et la présence territoriale de France 3 et France Bleu pour proposer des programmes conçus au plus près des territoires en partenariat avec les collectivités territoriales ». Par ailleurs, ils entendent à ce que soit « repensé intégralement l'offre numérique des sociétés de l'audiovisuel public en fonction d'objectifs communs ».

L’ASAP aussi vite que possible

Côté financement, les sénateurs recommandent la création d’une autorité indépendante. Sans rire, baptisée ASAP, comme Autorité supérieure de l'audiovisuel public, l’entité aurait pour mission d’évaluer les besoins et suivre les financements, à l’image de la commission dédiée à ce sujet en Allemagne, la « Kommission zur Ûberprüfung und Ermittlung des Finanzbedarfs der Rundfunkanstalten » (KEF), mise en place en… 1975. Distincte de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), s’empressent de préciser MM. Karoutchi et Hugonet, la nouvelle venue permettrait « d’éclairer le débat au moment de l’examen, en projet de loi de finances, des crédits prévus au sein de la mission budgétaire dédiée à l’audiovisuel public ». Elle pourrait être composée de 5 membres : un magistrat de la Cour des comptes en assurerait la présidence tandis que quatre personnalités qualifiées seraient nommées par les commissions chargées des finances et de la culture de l’Assemblée nationale et du Sénat. Dans l’esprit des auteurs des propositions, l’ASAP émettrait également un avis sur le montant de la dotation budgétaire prévu en projet de loi de finances. Pour eux, « cette nouvelle instance permettrait de disposer d’une vision claire sur le coût des missions de service public assignées aux entreprises dédiées et de déterminer les moyens nécessaires à l’audiovisuel public indépendamment des autres impératifs budgétaires ». Puis, les propositions de l’ASAP « n’engageraient ni le Gouvernement ni le Parlement mais elle obligerait l’un et l’autre à donner des explications dans le cas où la préconisation ne serait pas suivie ». L’instance établirait en outre chaque année « un état des moyens dévolus à l’audiovisuel extérieur », en les comparant à ceux mis en œuvre par d’autres pays en Europe et dans le monde.

La suppression des recettes de parrainage pour France Télévisions et Radio France

Toujours concernant les ressources mais cette fois dites « annexes » de l’audiovisuel public, les deux sénateurs se disent « réservés par principe » quant à la présence de messages publicitaires sur les antennes du service public et « hostiles » à son augmentation en volume. Mais tout de même conscients qu’en la supprimant purement et simplement de ces antennes, le manque à gagner serait « de plus de 400 millions € » qui viendraient s’ajouter, à périmètre inchangé, aux 3,14 milliards d’euros à trouver au sein du budget de l’État en vue de financer les sociétés de l’audiovisuel public, les rapporteurs du texte proposent « une voie médiane ». À savoir, la suppression dans un premier temps des seules recettes de parrainage de France Télévisions, « estimées à 65 millions d’euros », et de Radio France, « soit 5,9 millions d’euros en 2021 ». Cette nouvelle situation permettrait notamment à France Télévisions « de commencer plus tôt ses programmes de soirée avec une totale liberté éditoriale » alors que « les économies générées par les mutualisations attendues par ailleurs compenseront cette perte de recettes », veulent croire les deux sénateurs. Le pavé dans la mare est lancé…

En 2015, une précédente mission sénatoriale avait déjà proposé de créer une holding unique chapeautant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Ina. Enclenchée en 2019, cette réforme n'était jamais allée à terme.

Résumé des propositions

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