TF1 et M6 désormais ex-futurs mariés

Pelisson Tavernost

Qu’ils soient pour, contre, circonspects ou hésitants, les observateurs attentifs avaient vendredi après 19h une seule expression à la bouche : « tout ça pour ça ». En effet, dans un communiqué commun, Bouygues, RTL Group, TF1 et le groupe M6 ont annoncé mettre « un terme au projet de fusion des groupes TF1 et M6, annoncé le 17 mai 2021 ».

Une décision qui intervient « après l’audition des parties par le Collège de l’Autorité de la Concurrence, les 5 et 6 septembre derniers, pour défendre l’intérêt et la nécessité de l’opération », soulignent-ils. Pour les désormais ex-futurs mariés, « malgré les remèdes additionnels proposés, il apparaît que seuls des remèdes structurels concernant a minima la cession de la chaîne TF1 ou de la chaîne M6 seraient de nature à permettre l’autorisation de l’opération. Les parties ont donc conclu que le projet ne présentait plus aucune logique industrielle ». Ils soulignent « déplorer » de concert que l’Autorité de la Concurrence « n’ait pas pris en compte l’ampleur et la vitesse des mutations du secteur de l’audiovisuel français. Elles restent convaincues que la fusion des groupes TF1 et M6 aurait été une réponse appropriée aux défis découlant de la concurrence accélérée avec les plateformes internationales ».

L’Autorité de la concurrence justifie

Vendredi, toujours, l'Autorité de la concurrence indique « prendre acte » de cette décision alors qu’elle avait prévu de rendre son verdict mi-octobre. Ses services d'instruction avaient toutefois fait part dès fin juillet d’une situation plutôt défavorable. Dans son communiqué, l’instance reste droit dans ses bottes : « la télévision reste un média très puissant auprès de la population française dans son ensemble, mais aussi des personnes âgées de 25 à 49 ans, qui constituent la principale cible commerciale des annonceurs » et d’avancer le fait que « le développement des services de VàDA ne permet pas, à un horizon prévisible, de remettre en cause cette puissance dans la mesure où ces derniers ont vocation à rester des modèles payants, contrairement aux services édités par les parties, et qu’ils reposent avant tout sur une promesse de consommation individualisée, qui n’est pas propice à une diffusion d’annonces publicitaires de manière simultanée auprès de l’ensemble des utilisateurs ». Et de conclure : « dans ce contexte, l’opération aurait pu engendrer des risques concurrentiels majeurs notamment sur les marchés de la publicité télévisuelle et de la distribution de services de télévision ».

Un risque de hausses des tarifs publicitaires

Pour le président de l’Autorité de la concurrence Benoît Cœuré, cité dans le communiqué, « l’évolution des usages constatée à l’issue de l’examen approfondi de la présente opération ne permet pas de considérer que la publicité télévisée et la publicité en ligne sont suffisamment substituables du point de vue des annonceurs. Dès lors, il n’apparaît pas justifié de les intégrer au sein d’un marché unique », écartant ainsi de fait l’épineux sujet du « marché pertinent ». Selon lui, « l’arrivée prochaine, annoncée pour la fin de l’année 2022, d’offres hybrides payantes intégrant de la publicité par certaines plateformes de vidéo à la demande par abonnement ne remet pas en cause cette réalité du fonctionnement du marché dans la mesure où la publicité sur les services de VàDA devrait continuer à relever très majoritairement de la publicité ciblée », pointe-t-il encore avant de mettre en avant « la puissance de marché » des groupes TF1 et M6 réunis, qui sont, « aujourd’hui, les deux plus proches concurrents sur le marché de la publicité télévisé », faisant naître « un fort risque de hausse des prix des espaces de publicité vendus par les parties au détriment des annonceurs et des consommateurs ».

De même, le président de l’Autorité souligne qu’en cas de constitution, « la nouvelle entité disposera d’un pouvoir de négociation accru vis-à-vis de ses distributeurs, tels que les fournisseurs d’accès à Internet, ce qui aurait entrainé un risque de hausse de sa rémunération ». Quant à l’engagement soumis par TF1 et M6 d’une séparation de leur régie publicitaire, « les incitations de ces régies à se faire concurrence auraient toutefois été limitées par le contrôle que Bouygues aurait exercé sur elles. Le risque de hausse de prix n’aurait donc pas pu être écarté ».

Des dossiers en suspens

De son côté, l’ARCOM indique également « prendre acte » de la décision des deux groupes. Dans ce contexte, l’instance annonce poursuivre « les travaux préalables au lancement de l’appel à candidatures lié à la fin des autorisations des chaînes TF1 et M6 ». Début septembre, elle avait validé l'acquisition par Altice des chaînes TFX et M6 Génération (6ter), dont les groupes TF1 et M6 souhaitaient se séparer afin de pouvoir fusionner. Ce rachat était conditionné à leur mariage. Autre conséquence, l'Allemand Bertelsmann, actionnaire de RTL Group, devra trouver au plus vite un nouvel acquéreur pour M6 car l'autorisation d'émettre de la chaîne expire donc, en mai 2023. Une fois celle-ci renouvelée, tout changement d'actionnaire sera interdit pendant 5 ans. Déjà, selon des informations de presse, certains groupes regarderaient de près le nouveau dossier : Altice, Medisaet ou encore, Mediawan, Vivendi et le milliardaire Daniel Kretinsky. Et puis, alors que le deal était scellé entre TF1, M6 et France Télévisions pour le désengagement de ce dernier de Salto, dès l’accord de fusion prononcé, quid de l’avenir à moyen terme de la plateforme de SVOD ?

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