LCI qui rit, Paris Première et Planète+ qui pleurent

Le CSA a autorisé jeudi la chaîne d’information LCI (groupe TF1) à passer en gratuit, mais Paris Première (M6) et Planète + (Canal +) resteront payantes, a annoncé le Conseil. Juste après l’annonce de cette décision, le groupe NextRadioTV, maison mère de la chaîne gratuite BFMTV, première chaîne d’information française et concurrente de LCI, a accusé le CSA d’avoir cédé aux "pressions extérieures". Le CSA a changé d’avis pour LCI, à laquelle il avait refusé la gratuité en 2011 et 2014, estimant cette fois que "la chaîne n’avait plus d’avenir économique dans l’univers de la télévision payante et que son accès gratuit contribuera (it) au pluralisme". Comme l’an dernier, il a en revanche rejeté à nouveau la demande de Paris Première et de Planète +, car "aucun changement dans leur dossier ne justifiait que le Conseil passe d’un non à un oui", a précisé à l’AFP Olivier Schrameck, président du CSA. C’est une victoire pour le groupe TF1, qui tentait depuis des années de faire passer sa chaîne d’info LCI en gratuit, et qui avait averti à plusieurs reprises que s’il n’obtenait pas gain de cause, il la fermerait ou la vendrait. Reléguée sur les bouquets payants, LCI, qui est déficitaire, ne compte aujourd’hui que 10 000 téléspectateurs par quart d’heure. Pour devenir gratuite, LCI va passer à la vitesse supérieure, avec un "investissement d’une vingtaine de millions d’euros en 2016" et un objectif d’équilibre financier "à l’horizon 2019", a précisé TF1.

Les engagements de LCI

Le groupe TF1 s’est par ailleurs engagé le 30 novembre dernier à ne pas promouvoir, sur l’antenne de TF1, sa chaîne d’information LCI si elle devenait gratuite, et à renoncer aux offres de publicité couplée TF1/LCI. "Ces engagements sont pris pour une période de deux années à compter de la date de passage en clair de LCI", précisait alors TF1. Le groupe se disait même prêt à s’engager sur ces restrictions pour deux ans de plus. "À cette échéance, ces engagements pourront être reconduits […] pour deux années supplémentaires", si le diagnostic du CSA reste le même, écrit-il. Le groupe se plie également aux recommandations de l’Autorité de la concurrence. Celle-ci avait en effet jugé fin octobre que LCI ne devrait passer en gratuit que si TF1 se voyait interdire de promouvoir ses programmes à l’antenne et d’offrir des publicités couplées. Le but est d’empêcher LCI de profiter de la notoriété de TF1, de loin la première chaîne française en part d’audience, et surtout du poids de la régie publicitaire du groupe, qui perçoit près de la moitié des recettes publicitaires de la télévision en France. Ces deux éléments donneraient à LCI un avantage de taille face à ses concurrentes, BFMTV et iTELE. TF1 avait également annoncé plusieurs autres engagements sur le plan éditorial, dont la création à LCI d’un "comité d’éthique de l’information" pour assurer le respect du pluralisme, et l’assurance de donner aux femmes intervenant en plateau une part d’au minimum 30 %.

NextRadioTV vent debout

NextRadioTV a estimé que le CSA était "allé à l’encontre de sa mission de régulation du secteur". "Cédant aux nombreuses pressions extérieures, il a choisi de renforcer un acteur historique dominant au détriment d’un nouvel entrant et de l’intérêt pour le téléspectateur", a-t-il accusé. "Sa décision déstabilisera profondément les deux chaînes d’information gratuites existantes, notamment BFMTV, et renforcera le groupe TF1 qui domine déjà le secteur de l’information télévisée" au détriment du "pluralisme", a-t-il encore critiqué. Le groupe a aussi averti qu’il examinerait d’éventuels recours et que "des mesures" allaient "s’imposer en termes d’organisation et d’emplois". Son patron, Alain Weill, avait menacé dernièrement de supprimer une centaine d’emplois sur 400 à BFMTV, si LCI passait en gratuit.

CSA : les conditions ont beaucoup changé

Pour le président du CSA Olivier Schrameck, « en un an et demi, les conditions ont beaucoup changé pour LCI […] faire passer (la chaîne) en gratuit à la mi-2014 aurait fragilisé BFMTV qui n’avait pas encore trouvé la place qui est la sienne aujourd’hui. Aujourd’hui, la chaîne est solidement installée, ainsi qu’en témoignent ses derniers chiffres d’audience », souligne-t-il auprès de l’AFP. Pour lui, LCI n’est plus en « concurrence frontale » avec iTELE et BFMTV, mais se positionne sur un créneau « susceptible de préserver des revenus publicitaires pour tout le monde ».

Canal + regrette…

De son côté, le groupe Canal + a annoncé jeudi qu’il « regrette » la décision du CSA de ne pas autoriser le passage en TNT gratuite de la chaîne Planète +. « Cette décision pénalisera durement la chaîne Planète + », martèle-t-il. Selon lui, la décision a pour effet « d’isoler » la chaîne sur une offre payante TNT, mais il indique qu’il « ne renonce pas à ce que sa chaîne Planète soit un jour diffusée sur la TNT gratuite ». Concernant, i-télé, sa chaîne d’information, le groupe Canal + souligne que l’arrivée d’une chaîne d’info supplémentaire sur la TNT est une anomalie quand la France devient le pays au monde avec « le plus de chaînes d’information gratuites alors que ces chaînes, en particulier iTELE, peinent à trouver un équilibre économique sur une thématique structurellement très coûteuse et dans un marché publicitaire en décroissance ». La viabilité de l’ensemble des chaînes « s’en trouve menacée », conclut le groupe.

Paris Première va en appeler au Conseil d’Etat

Paris Première (groupe M6) a pour sa part indiqué jeudi qu’elle allait former un recours auprès du Conseil d’État après le refus du CSA de lui accorder la gratuité. Jugeant cette décision "contraire à l’intérêt du public", la chaîne a souligné que le Conseil d’Etat avait déjà annulé le précédent refus du CSA. Paris Première, qui s’estime aujourd’hui "mise en péril", a déjà essuyé trois refus de passage en gratuit. "L’agrément du passage de Paris Première sur la TNT gratuite aurait contribué à la diversité du paysage audiovisuel français et au renforcement de l’offre pour les téléspectateurs", a-t-elle déploré.

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