Mipcom 2025 : Glance analyse " le rôle incontournable des plateformes"
Rencontre avec Frédéric Vaulpré, directeur de Glance (Médiamétrie).
Le Mipcom, marché mondial dédié aux programmes audiovisuels, s’est ouvert lundi 13 octobre à Cannes. Le Palais des Festivals accueille les professionnels de la production et de la distribution pour une 41e édition dédiée à l’économie des créateurs de contenus. Pour mieux saisir les enjeux du secteur, le marché a consacré une conférence à la dynamique des audiences menée par Glance. L’institut d’analyse de Médiamétrie a présenté “Unlocking Audience & Content Dynamics: Who is watching, What, How and Why?” avec Frédéric Vaulpré, directeur de Glance, et Maryam Ramassamy, directrice Études et Marketing international.
Sans surprise, l’étude révèle la part d’audience importante détenue par le streaming. Aux Etats-Unis, le temps de visionnage vidéo en streaming était de 28% en 2021, contre 47% en juillet 2025. Cette tendance est visible, dans des proportions variées, au sein de différents pays. La part du streaming au Mexique est passée de 15% à 25% et de 6% à 10% en Pologne.
Dans l’ensemble des pays étudiés par Glance, Netflix et YouTube dominent le marché de la vidéo. Près de la moitié des heures de streaming aux États-Unis sont occupées par ces deux acteurs. Netflix détient 9% du temps de streaming des Américains au premier trimestre 2025. La plateforme vidéo de Google rassemble pour sa part 13%, soit un pourcentage multiplié par deux en à peine 3 ans. Chaque public à ses favoris. Dans le cas d’une étude de l’audience anglaise en mars 2025, il s’avère que les spectateurs qui regardent en majorité YouTube (2h27 en moyenne) consacrent très peu de temps à Netflix (34 minutes). L’inverse est vrai également : les fans de Netflix (1h20) regardent peu YouTube (40 minutes).
« Far west de la mesure »
CB News : selon votre étude, Netflix et YouTube semblent se démarquer du reste des acteurs du marché vidéo. Comment l’expliquer ?
Frédéric Vaulpré : Ils sont dans des positions à part. Cette tendance est cohérente au sein de plusieurs pays, et pas seulement aux Etats-Unis. Netflix est devenue la plateforme de destination, notamment pour le drama. L’audience de Netflix ressemble beaucoup à l’audience de la télévision, même si elle est plus jeune. L’audience sur YouTube, qui offre la gratuité, est encore plus jeune que sur Netflix. Les grands networks américains proposent par exemple leur late show sur des chaînes YouTube. Elles arrivent ainsi à atteindre un reach mondial.
CB News : que peuvent faire les acteurs traditionnels face à cette fragmentation des audiences ? La stratégie de partenariats entre acteurs concurrents est-elle payante ? (Netflix et TF1, Prime video et france.tv…) ?
Frédéric Vaulpré : Tout le monde est en train de signer avec des plateformes. TF1 a signé avec Netflix pour rajeunir son audience. Le groupe a été malin car il a gardé la maîtrise de son inventaire. De son côté, Netflix va avoir les grandes marques de TF1 comme la série HPI, et renforce sa place d'acteur incontournable. Ce partenariat acte le rôle incontournable des plateformes aujourd’hui. La force du linéaire est aussi d’être sur Amazon Prime ou YouTube. Les chaînes publiques ont moins un enjeu publicitaire. Elles remplissent un service public et ont donc besoin d’avoir le reach le plus large possible. Elles peuvent partager sur les plateformes des contenus plus pour les 14-25 ans qui cartonnent en délinéaire. Mais, il faut avoir un produit éditorial en ligne avec le cœur de cible.
CB News : quels sont les enjeux de la data au sein de ces dynamiques ?
Frédéric Vaulpré : Avant la mesure de la performance d’un programme était simple : regarder l'audience le lendemain à 9h. Aujourd’hui tout est plus complexe, il y a à J-1 avec le preview, le J+3 ou le J+28… Nous sommes passés d’un chiffre à une multiplication de données. Tous les mesureurs européens se parlent beaucoup pour avoir des KPI plus homogénéisés. Nous sommes dans un nouveau far west de la mesure. Mais nous ne sommes pas non plus à des années lumières les uns des autres… Nous échangeons beaucoup et des choses se font. Les notions de preview et de J+28 lancées au sein du Royaume-Uni se développent ailleurs en Europe. Nous prenons les bonnes pratiques les uns des autres.
CB News : L'Europe a-t-elle du retard à ce sujet ?
Frédéric Vaulpré : La donnée est une arme de négociation. Nous travaillons avec tous les studios américains et eux ont beaucoup de données. Le reste de l'Europe doit rattraper son retard. L’utilisation de la data dans un but marketing doit être renforcée chez les grands acteurs en France, Italie, Allemagne et en Espagne. Je parle des distributeurs. Ils ont parfois des équipes dédiées, mais elles doivent être développées.