Drive to Store : Waze, l’appli qui drague les annonceurs

Waze

Waze, l’application de navigation et start-up israélienne rachetée par Google en 2013, a présenté cette année sa nouvelle stratégie tournée vers le retail, à grand renfort de « destination-based marketing ». Thomas Guignard, directeur EMEA de Waze, a confié en exclusivité à CB News les recettes de sa stratégie publicitaire à destination du marché français.

Quelles sont vos relations avec Google, propriétaire de Waze depuis 2013 ?

Waze est une filiale de Google, à 100%. Mais ils ont souhaité nous laisser notre autonomie. On est parfaitement autonomes, notre CEO Noam Bardin a tous les leviers pour l’entreprise, il prend les décisions sur tous les aspects : les ingénieurs, le marketing et les partenariats, et la monétisation. Il a le pouvoir de décider ce qu’il veut sur toutes ces dimensions. On est vraiment à part. Ce qui a motivé ce rachat il y a quelques années à mon avis, c’est tout simple : en Californie Waze fonctionne très bien, et je crois qu’un des deux co-fondateurs de Google a utilisé Waze, qu’il a rencontré l’équipe dirigeante qu’il a trouvé géniale, donc il a acheté. Je ne suis pas sûr qu’il y ait d’autres considérations, ce n’est pas tellement dans l’ADN ni de Google ni de Waze de chercher absolument des complémentarités stratégiques. Aujourd’hui, il n’y a pas d’intégration Google Maps/Waze. On a simplement donné à Maps quelques éléments sur les bouchons, mais ça s’arrête là.

Quelle est la genèse de Waze ?

L’ingénieur Ehud Shabtai, à Tel Aviv (Israël) – ce n’est pas un hasard : la ville a des bouchons terribles et le pays est une start-up nation – était en voiture et était frustré de ne pas pouvoir alimenter en informations les GPS existants. Mais culturellement, c’était impossible pour ces GPS de faire de l’open source. Lui a créé en 2007 une carte libre d’accès pour tous, qui est devenu un GPS, où tout le monde peut contribuer. L’intuition était bonne : on a tous envie en voiture de savoir par un conducteur qui est déjà passé par là s’il y a un problème sur la route. Aujourd’hui, on a 130 millions d’utilisateurs actifs dans le monde et pas loin de 14 millions en France, où on avait seulement 3 millions d’utilisateurs il y a cinq ans. Je ne sais pas si dans le marché les gens le perçoivent, mais on fait partie des applications les plus populaires. Et surtout on a des temps d’utilisation très important : le trajet en voiture c’est 1h30 par jour. Moi j’aime bien nous comparer à un Instagram, on est dans les mêmes ordres de grandeur.

Quel est votre modèle économique ?

L’application est gratuite et restera gratuite : c’est important pour nous car plus il y a d’utilisateurs, mieux l’app fonctionne, puisqu’elle est fondée sur les informations que nous donnent notre communauté. Après on n’est pas loin d’être 500 maintenant, donc il faut rémunérer les gens. Pour nous, la publicité est une réponse assez juste : ça reste gratuit et on a un modèle pérenne. Mais faudrait-il que ça matche avec un besoin publicitaire du marché. Il s’avère que ça a énormément de sens, on reprend une vieille recette : parler aux gens en mobilité. Historiquement, c’est l’affichage et la radio. Comment dire mieux qu’il y a une promotion dans le supermarché devant lequel vous passez ? A la télé c’est bien, mais on n’est pas à côté, on est sur son canapé en train de se détendre. Sur Facebook, c’est bien, mais on est dans son lit. C’est ça l’usage. Alors que pour le dire à côté du point de vente physique, nous on a un outil promotionnel hyper efficace. Comme le faisait l’affichage et la radio dans le temps, nous on apporte les joies du digital.

Vous faites donc beaucoup de retail…

D’abord, les courses en magasins, ça existe. Je rappelle que 92% des achats se font encore en magasin physique. Les gens vont en magasins, et près de chez eux ou de leur travail. Faire du micro-local, parler à un consommateur sur sa route entre le magasin et chez lui, au bon moment, ça marche. C’est normal.

Quels sont vos différents formats publicitaires ?

La publicité, nous on veut qu’elle soit efficace pour les annonceurs, et si possible utile pour les utilisateurs. On essaye de la rendre la plus fine, intelligente, intégrée dans l’app. On a un format qu’on appelle les « Pins » : on met une petite balise sur les points de vente, maximum trois par écran. Ça rappelle à la personne qui conduit : « à tel endroit, il y a un magasin ». C’est un complément de la création de l’envie, on n’est pas en upper funnel, il y a des formats plus adaptés où on peut cultiver la marque. La voiture reste le moyen de déplacement roi en France : 80% des trajets de courte distance se font en voiture en France. Donc une fois qu’on a cultivé une marque, créer le désir, la relation, à un moment il faut dire « c’est là ». On est la dernière étape. Soit avec un Pins, soit avec notre deuxième format, le « Zero Speed Take over », une bannière qui descend sur l’écran quand on est à l’arrêt. Parce que quand les gens sont au feu rouge, ils regardent leur écran.

Comment cibler au mieux ?

Evidemment le targeting, on essaye de le faire très malin. On connait le point de départ et le point d’arrivée : on sait que sur ce chemin, la personne passera devant X magasins. Donc on peut la toucher en disant « vous allez passer devant tel magasin ». On n’utilise pas de data sur les trajets qui sont régulièrement empruntés, c’est pas RGPD, c’est pas trop Privacy, on veut pas aller là-dedans nous. On fait simple. Première chose : on donne le meilleur trajet. Deuxième chose : on envoie une publicité hyper-contextualisée par rapport à un magasin situé sur ce trajet. C’est notre particularité : on est, dans les très grosses applications, la seule qui travaille sur la géolocalisation.

Quel est votre troisième format ?

Le search. Quand on tape dans notre moteur de recherche le nom d’un lieu, sur le même modèle que Google, il y a un lien qui s’affiche en dessous qui renvoie vers le magasin annonceur le plus proche.

Quels les annonceurs qui communiquent le plus chez vous ?

C’est assez logique, on a le retail au sens large, avec des acteurs pour qui la visite en magasin est l’alpha et l’oméga de leur stratégie marketing. On travaille très très bien avec eux : Carrefour, Lidl, Intermarché, Leclerc, etc. Le deuxième de façon incontournable c’est le QSR (restauration rapide) avec Burger King, MacDonald’s, Subway… C’est différent du retail, avec davantage de direct drive. Le troisième plus important secteur, c’est l’automobile. Ce n’est pas une question de visite, c’est que je suis sensible au message publicitaire concernant l’automobile quand je suis dans une automobile. Traditionnellement c’est un secteur qui communique plus en télévision, parce qu’il faut faire des messages longs. Mais faire la piqure de rappel à côté d’un concessionnaire : « la pub TV que vous avez vu 400 fois la semaine dernière que j’ai payé très cher parce que c’était pendant la finale de l’euro ligue, c’est juste là que ça se passe en fait, allez-y parce qu’il y a des portes ouvertes », dans le dispositif global, ça s’insère très bien.

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