La publicité mobile sous pression

L'ad blocking sur mobile a été au centre des discussions au Mobile World Congress 2016. Une menace mortelle ou l'occasion de repenser l'expérience publicitaire? Par Christophe Collet, président de S4M

Mobile World Congress 2016 a été le théâtre d’un débat tendu entre, d’un côté, annonceurs, agences, pure-players (Yahoo, Google, AOL,…) et, de l’autre, la start-up israélienne Shine qui vient de signer un partenariat avec l’opérateur de télécommunications Three pour bloquer les publicités mobiles sur son réseau. On pourrait donc penser que la montée des ad-blockers va signer la mort de la publicité sur mobile. Et si les ad-blockers étaient en réalité la clé pour booster une industrie jusqu’ici peu à l’écoute des changements de comportement des consommateurs ?

A qui revient la valeur de l’utilisateur ?

Dans l’écosystème du mobile, chaque acteur veut mettre la main sur l’utilisateur pour en tirer le maximum de valeur. Les systèmes d’exploitation (Apple / Android / Microsoft) misent sur leur écosystème fermé pour verrouiller leurs clients. Les opérateurs et FAI, capitalisent sur le premier point d’accès à Internet et souhaitent alléger leur bande passante du poids de la publicité. Et enfin les éditeurs cherchent toujours le bon modèle pour monétiser leur audience face à la gratuité disponible sur Internet. Or, si vous vous êtes déjà un tant soit peu intéressé aux ad-blockers, vous savez qu’ils ne sont en réalité que des points de péages.  Chacun voudrait se prévaloir de la valeur de l’utilisateur. Alors qu’il a désormais tout le pouvoir entre ses mains.

 « User First », un signal fort pour l’industrie mobile

 En tant qu’acteur de la publicité mobile, nous sommes conscients de son caractère intrusif. Cette perception négative provient de certains formats mais aussi du poids des créations – qui n’a jamais été agacé devant une vidéo qui ne charge pas ? Ces différents éléments expliquent parfaitement l’émergence des ad-blockers. Et ce phénomène représente un signal fort pour l’industrie. Au cas où nous l’aurions oublié nous sommes dans l’ère du user first : le consommateur a le pouvoir d’accepter ou de rejeter la publicité digitale. Et de nombreuses expériences insatisfaisantes sur mobile ont pu le décevoir, voire le détourner de ses formats. Reste donc à définir comment proposer une bonne publicité sur mobile.

Réinventer la publicité

Sur le mobile, plus qu’ailleurs, l’expérience utilisateur est clé, et apparaît comme la meilleure réponse aux ad-blockers. La data injectée dans les campagnes mobiles est essentielle  elle permet un ciblage pointu et des messages publicitaires pertinents et personnalisés. Car la publicité mobile est générée en quelques millisecondes par des algorithmes selon le moment, le lieu, la météo, le profil ou les actions passées. Les technologies sont aujourd’hui suffisamment matures pour qu’un message autrefois agaçant puisse devenir un véritable contenu aux yeux de l’utilisateur. Le capping doit ainsi impérativement être pris en compte : rien de plus énervant qu’un message qui apparait plusieurs fois au cours d’un surf alors qu’on ne clique pas dessus ! Le format lui-même est capital : des créations non intrusives, engageantes et ludiques, qui invitent l'utilisateur à interagir ici et maintenant, sont autant de moyens de faire changer la perception de la pub mobile. Les ad-blockers apparaissent ainsi comme une bonne chose pour les professionnels du marketing mobile puisqu’ils favorisent l’émergence de formats natifs et in-read, mieux pensés et mieux intégrés.

 La nouvelle alliance

Un tel phénomène de blocage de la publicité s’avère bien entendu très risqué pour les éditeurs, qui ont lourdement misé sur un modèle économique publicitaire. Le NYTimes n’a d’ailleurs pas tardé à réagir, allant jusqu’à bloquer sur son site et ses applications les lecteurs qui utilisent les ad-blockers. Les Echos de leur côté testent depuis lundi une formule inspirée du Bild : l’utilisateur a le choix entre désactiver son ad-blocker pour accéder aux contenus du site gratuitement ou payer un abonnement pour surfer sans pub. L’industrie mobile ad tech, quant à elle, mise sur l’unique ID pour réinventer les expériences publicitaires, tout en anonymisant les données des utilisateurs. Cette nécessaire « nouvelle alliance » plus respectueuse des intérêts des utilisateurs, des éditeurs et des marques, créera un espace d’exposition et d’engagement non intrusif.

C’est la condition sine qua non pour que le modèle publicitaire perdure…

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