La data nous rend-elle aveugle ?

Aussi puissante soit-elle, la data porte en elle deux illusions : celle d’avoir le contrôle et d’avoir une vision globale de la situation. Or c'est un peu plus compliqué que cela. Par Nadine Faure, Head of Geometry Global Intelligence Paris.

Les chiffres en marketing sont souvent quelque chose de très séduisants. Dans un monde de plus en plus complexe, nous avons besoin tous d’y voir clair pour voir plus loin. Les marques ont besoin de comprendre pourquoi les clients achètent et surtout comment ils choisissent.  Aujourd’hui il est relativement facile de collecter et de partager des datas. A l’ère du numérique, nous laissons tous des traces de nos actions…

Cependant, ces chiffres sont souvent à l’origine de En réalité, l’association de ces deux illusions est une source de beaucoup d’erreurs et peut potentiellement devenir un véritable piège.

Les segmentations sociodémographiques classiques (sexe, âge, région…) ont fait leur temps. C’est un fait. Les profils des internautes - aussi complexes soient-ils - sont eux aussi limités tant qu’ils associeront un achat à une seule identité. Un exemple : un individu qui achète un billet d’avion pour un voyage d’affaire reste le même quand plus tard dans l’année il achète des billets pour toute la famille afin de partir en vacances. Les déclencheurs et les motivations qui conduisent à cet achat diffèrent, mais l’acheteur reste le même. Ce qui fait la différence, c’est le contexte.

Se rassurer avant tout

Lorsque les ventes sur internet commencent à décoller, les marques comprennent rapidement le potentiel du « digital ». Leur premier réflexe reste souvent le transfert d’une partie du budget media de la TV vers le digital. Afin de mesurer les impacts et l’efficacité de ces nouvelles campagnes, des tableaux de bord reprennent tous les indicateurs, allant du simple « clique » au taux de conversion sur le site. Ce sont parfois des dispositifs impressionnants de complexité. Ces chiffres nous rassurent.

La data digitale est particulièrement riche. Il est pourtant facile d’oublier un point important : il n’y a que très peu d’information disponible sur la motivation derrière l’achat. Ces chiffres ne racontent pas le pourquoi de l’histoire et plus important encore, il ne s’agit pour la plupart du temps que d’une (petite) partie de cette histoire.

Le danger du faux confort

Le poil à gratter c’est l’utilisation faite de ces datas. Peu de marques les utilisent pour nourrir leur réflexion stratégique. Beaucoup les utilisent pour se rassurer sur ce qu’ils font déjà… et il faut être honnête, c’est très confortable.

Il y a un thème récurrent sur l’utilisation des datas digitales brutes – elles sont tellement nombreuses qu’il est possible de prouver et démontrer tout et son contraire. Comment alors leur faire confiance ?

Il est clair que se reposer sur un tableau de bord digital n’est pas suffisant pour construire une stratégie marketing.

La performance digitale demande une lecture de précision. Quel message pour quelles cibles à quel moment ?   Une nouvelle réactivité aussi, pouvoir ajuster la campagne en fonction de ses performances en « live » – jour par jour – heure par heure. C’est un tout autre spectre de lecture que les performances des médias traditionnels, TV ou Radio. Pour ces médias classiques, les mesures d’audience et d’efficacité ont été établies par des organismes de référence indépendants. En ce qui concerne les mesures digitales, hélas, il y a encore un manque de maturité et de transparence. On pense notamment au dernier Mea Culpa de Facebook face aux erreurs de leur mesure de performance. Pour d’autres les mesures restent encore à inventer.

La mesure digitale c’est l’eldorado du détail, un véritable travail de dentellière. Elle est nécessaire pour naviguer sur une campagne en cours mais insuffisante pour construire une stratégie d’ensemble.  Le challenge réside donc dans la création d’une stratégie globale qui utilise toutes ces données de manière intelligente. Il s’agit de  guider la marque dans ces choix plutôt que de post-rationnaliser des actions en se disant que la data c’est une panacée.

Ouvrir ses chakras au contexte

 Il manque cependant toujours une partie essentielle de l’expérience d’achat : son contexte. Pourquoi le client achète-t-il ? Quelle était sa motivation ? Quelles sont les différents moments clefs de son parcours de décision qui l’ont mené aujourd’hui à cet achat en particulier ? A-t-il changé d’avis ? Pourquoi ?

Pour construire et comprendre les parcours d’achat, il n’y a pas de solution miracle, il y a des méthodes.

La synthèse doit se faire autour de ce parcours mais également au sein de l’entreprise. En utilisant la bonne approche, un groupe de travail interne à l’entreprise – composé des différentes entités - est tout à fait capable de construire ensemble une bonne vision du parcours d’achat. La complémentarité de leurs métiers permet même d’identifier de nouvelles opportunités à court et à long terme pour la marque. Ce travail d’équipe est une première étape pour de prendre de la hauteur et de redonner du sens aux chiffres. Pour aller plus loin, des approches études quali-quanti et des méthodologies mixtes permettent d’appréhender plus en détail toutes les étapes du parcours de décision.

Trouver le bon guide

La collecte de la data reste incontournable pour nous aider à comprendre comment les individus prennent leur décision, mais il ne faut pas s’en contenter.

La data récoltée nous aide à identifier les différentes étapes qui constituent un parcours de décision, mais il nous manque les paysages, la météo, les émotions, les expériences et la durée du voyage – tous ces facteurs complémentaires qui nourrissent le contexte et nous aident à comprendre ce qui a finalement influencé notre acheteur dans une direction plutôt qu’une autre. C’est la richesse de ce contexte qui finalement inspire la décision d’achat. Inclure la compréhension des comportements et son contexte dans une stratégie marketing est devenu incontournable et la véritable clef du succès.

Filtrer par