Monsieur le secrétaire d’Etat, quel est votre plan face aux GAFA ?

Alors que Mounir Mahjoubi prends ses marques au gouvernement, Stanislas Coignard,
Chief Strategy Officer de S4M, l'interpelle sur la position dominante de Google et de Facebook sur le marché du digital.

La position dominante des géants américains Google et Facebook n’est plus à démontrer : en France, ils représentent à eux seuls près de 70% du marché de la publicité en ligne. Une situation qu’est loin d’ignorer Mounir Mahjoubi, entrepreneur digital et nommé secrétaire d’Etat chargé du Numérique. Au-delà des problématiques fiscales qu’il a déjà abordées, connait-il vraiment les pratiques de ces deux géants ?

Des manquements et des sanctions peu dissuasives

Google et Facebook se sont rendus indispensables à la vie des français au point d’en oublier qu’il s’agit avant tout de vendeurs d’espaces publicitaires. Mais si la majorité des consommateurs s’accorde sur l’intérêt de la publicité ciblée, ils ne veulent pas que ce ciblage empiète sur leurs données privées. Facebook vient pourtant d’être condamné à une amende de 150 000 euros suite à plusieurs manquements à la Loi Informatique et Liberté. Cette sanction correspond à l’amende maximale que peut infliger la CNIL, et, à 0,005% du bénéfice trimestriel de Facebook ! Google s’était quant à lui vu infliger le même type d’amende en 2014 et 2016. Ce type d’affaires ne semblent pourtant pas faire trembler les mastodontes de la pub en ligne.

Il est pourtant bien possible de proposer des publicités personnalisées sans utiliser de données personnelles ! La publicité mobile par exemple dispose de moyens de ciblage qui respectent l’anonymat du consommateur. C’est notamment le cas de l’identifiant unique du terminal, impossible à rattacher au nom, âge, genre ou même au numéro de téléphone de l’utilisateur. Et si ce dernier peut réinitialiser son identifiant unique, il ne peut pas changer son identifiant de compte Facebook ou Google, lié à son nom : il faut donc impérativement contrôler l’utilisation des données personnelles par des tiers !

Pérenniser une industrie dynamique

Côté annonceurs, le principal problème est celui relatif à la fiabilité des résultats des campagnes. Facebook vient ainsi d’admettre sa dixième erreur de mesure depuis septembre 2016. Ce dernier « bug » a entrainé le remboursement de plusieurs annonceurs suite à sa découverte, faite car Facebook a enfin accepté de se soumettre à un audit du Media Rating Council après d’insistantes demandes de la part d’associations d’annonceurs. Et il semblerait que les géants américains aient trouvé un moyen de définir leurs propres règles du jeu en contournant les organismes tiers. Dernière annonce en date : le lancement par Google de son propre bloqueur de publicité sur Chrome. Drôle d’idée quand on sait que Google commercialise des espaces publicitaires ? Pas vraiment, car la promesse de cet ad blocker est d’empêcher l’affichage des formats jugés intrusifs par la Coalition for Better Ads, une association créée à l’initiative de… Google et Facebook. Les pubs diffusées via les plateformes de publicité Google seront donc bien entendu exclues de cette liste noire de formats à bloquer.

Enfin Facebook et Google soulèvent le sujet de l’opacité de leur plateforme publicitaire, et l’incapacité pour les marques de savoir l’utilisation faite des données issues de leurs campagnes. Or nul ne peut empêcher ces géants de devenir demain à leur tour un assureur, un voyagiste, ou même un acteur de l’industrie automobile, … et d’utiliser les données récoltées au fil des campagnes de leurs clients pour promouvoir leurs propres services ou produits. En parallèle d’autres acteurs de la publicité digitale s’imposent une exemplarité en se soumettant à ce long et couteux audit de l’accréditation MRC. Certaines vont plus loin encore, en offrant un accès aux annonceurs en temps réel à toutes les informations et aux données, ainsi qu’aux technologies de mesure tiers. Mais comment faire de ces certifications la norme ? Faut-il attendre que les annonceurs fassent comme l’ANA aux Etats-Unis et imposent un véritable ultimatum aux acteurs de la publicité digitale ?

Une prise de position claire venant d’une institution politique se dessine comme le seul recours pour imposer un véritable modèle vertueux, à condition d’être accompagné d’outils de sanction et de contrôle adaptés. Celui-ci aura deux objectifs concrets : le premier est de protéger les consommateurs et leurs données personnelles pour qu’elles soient utilisées de façon totalement anonyme. Le second est de maintenir les intérêts des annonceurs qui permettent d’alimenter l’Internet gratuit avec tous les services et contenus chers à notre quotidien et à l’économie numérique.

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