L'égalité des sexes dans le langage visuel : les hommes ont-ils été laissés derrière ?

En redéfinissant la place des femmes, c’est également celle des hommes que nous remodelons. Par Anne Boussarie, vice-présidente France et Europe du Nord, Getty Images

#MaintenantOnAgit, #BalanceTonPorc, #MeToo ou encore TimesUp… rarement avons-nous eu autant d’initiatives pour lutter contre le sexisme et la violence faite aux femmes. La parole se libère : de nombreuses femmes ont trouvé le courage de témoigner, de partager leur expérience, trouvant un écho sans précédent sur les réseaux sociaux. Les temps changent et on ne peut qu’espérer que ces mouvements contribuent enfin à instaurer un monde dans lequel les femmes n’ont plus à subir ni à être considérer comme des objets. En tant que professionnels de l’image, nous avons également notre part de responsabilité : celle de concevoir et déployer des communications en faveur d’une nouvelle image de la femme qui, au-delà d’un rôle d’épouse et de mère, s’assume pleinement. Alors que le langage visuel est aujourd’hui omniprésent, nous devons utiliser le pouvoir des images et le mettre au service de l’inclusion et de l’égalité des sexes dans notre quotidien.   

Les institutions et organisations s’emparent du sujet et réfléchissent aux moyens à mettre en place pour que la représentation des femmes soit plus juste. Les 10èmes Rencontres de L’UDECAM étaient ainsi placées sous le signe de « L’influence au féminin » en septembre dernier. Quant au CSA, il travaille actuellement à la création d’une charte contre les publicités sexistes. Cela rejoint un certain nombre de partenariats que nous avons noués depuis quelques années en faveur d’une meilleure représentation des femmes. On peut citer notamment Refinery 29, Women’s Sport Trust ou encore notre relation avec la fondation de Sheryl Sandberg dans le cadre de LeanIn, une collection photos dont l’objectif est de représenter les femmes telles qu’elles vivent aujourd’hui. À travers la promotion d’une nouvelle image de la femme, qui s’assume pleinement, qui s’épanouit au travail, qui contribue avec sa féminité au développement de la société… c’est la représentation qui rejoint la réalité et contribue à imposer cette même réalité dans tous les esprits.

Publicitaires, responsables marketing, acteurs de la communication, tous autant que nous sommes, avons en ce sens une responsabilité : celle de contribuer à cette évolution de la représentation des femmes. Nous nous devons de promouvoir un langage visuel plus inclusif, plus authentique, afin de refléter toujours plus l’image de mixité, d’égalité des chances et, par conséquent, d’égalité Homme / Femme au sein de notre société. C’est en représentant constamment la société telle qu’elle est que nous pouvons contribuer à faire évoluer les mentalités ! Cependant, il est évident que l’évolution de l’image des femmes a une conséquence directe : celle de repositionner également l’image de l’homme dans sa pluralité. En redéfinissant la place des femmes, c’est également celle des hommes que nous remodelons.

La fin du mythe du « cow boy Marlboro »

En effet, au fur et à mesure que la femme occupe pleinement sa position dans la communication visuelle, que devient le macho protecteur, ce symbole de la masculinité, sûr de lui, séducteur et en situation de pouvoir ? Doit-on le ranger au placard ? Depuis quelques mois, les lignes bouger sur ce point également. On ne peut que s’en réjouir ! Soucieuses de refléter la réalité, certaines marques commencent à positionner une autre image de l’homme, plus diffuse, plus variée.

Ce constat devient d’autant plus important que les millennials, cette génération tant étudiée qui arrive à l’âge de la consommation, rejettent les stéréotypes de genre. Ils sont beaucoup plus sensibles à la représentation de la diversité, de la différence et, par conséquent, d’une image de l’homme multiple. On assiste ainsi à l’émergence, tant en publicité qu’en discours de marque, d’une nouvelle génération d’hommes qui assument leurs différences, leur fragilité et leur force, remplaçant ainsi l’incarnation virile à laquelle nous étions exposés jusqu’à présent.

Les exemples sont multiples et se généralisent. Le rappeur Jay Z renverse les codes du hip-hop avec son album 4:44 qui témoigne, à travers un éventail sincère d’émotions, d’une introspection mêlant aveux de tricherie et honte. De même, certaines marques grand public commencent à recruter des hommes pour promouvoir des produits ménagers ou à mettre en scène des pères divorcés préparant les repas de leurs enfants. Plus généralement, c’est l’émergence de l’homme père, de l’homme sensible, de l’homme qui se révèle enfin pour exister dans sa complexité.

Certes, nous sommes encore loin d’une société où le genre n’est plus un facteur de différence au niveau professionnel voire même au sein de notre quotidien. La situation évolue néanmoins et nous devons, en tant que spécialistes de la communication et du marketing, contribuer à faire bouger les lignes et rompre avec les images d’Épinal où les femmes sont associées aux produits ménagers, à la cuisine, alors que les hommes découvrent la puissance d’un nouveau véhicule ! Changer l’image et la perception de la femme passe également par l’évolution de l’image de l’homme. À nous d’avoir le courage de braver les habitudes et d’innover par l’image et le storytelling afin de contribuer activement à faire changer les mentalités.

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