Marianne Siproudhis : « L’année 2020 a accéléré la nécessité absolue de ne pas se raconter d’histoires »

Marianne Siproudhis

Entretien avec Marianne Siproudhis, directrice générale de FranceTV Publicité et directrice du marketing et de la communication de France Télévisions, partenaire de « Impact. Le point sur la RSE », un événement organisé et diffusé par CB News et Havas Media le 7 mai prochain.

CB News : Comment expliquer la place qu’a prise la RSE dans les médias, et l’industrie de la communication ?

Marianne Siproudhis : La période que nous traversons nous a recentrés sur l’essentiel. La pandémie a fait rejaillir les attentes liées à la responsabilisation des entreprises en matière sociale et sociétale et la notion d’urgence climatique a été replacée sur le devant de la scène, mais ce n’est pas un sujet nouveau.

CB News : Il aurait pu être relégué au second plan face à la crise économique…

Marianne Siproudhis : C’est l’inverse qui s’est produit car, avant les entreprises, ce sont les citoyens qui ont été touchés et pas seulement sur un plan économique. Aujourd’hui les entreprises, et les médias en premier lieu, ont un rôle extrêmement important à jouer pour répondre à leurs attentes. Nous savons que la santé est leur priorité : l’impact que l’environnement a sur nos organismes, le bien manger sont au cœur des préoccupations des Français, tout comme la santé mentale. Le lien entre les gens a été mis à mal, il nous appartient aujourd’hui de recréer une forme de proximité. D’autant plus en ce temps de défiance envers les institutions, les directions des entreprises, voire les médias : il est urgent de donner des signes de confiance, de réassurance, c’est un sujet capital chez France Télévisions. Nous nous inscrivons dans une politique volontariste, dynamique, innovante, avec une démarche de média citoyen : 50 millions de Français nous regardent chaque semaine, consomment nos programmes, nos infos, nos divertissements, nos rendez-vous sportifs…

CB News : Comment cela se traduit-il ?

Marianne Siproudhis : La protection de l’environnement est devenue une priorité à tous les niveaux. En 2020, sur nos antennes, ce sont plus de 1 800 heures de programmes consacrés à ce sujet, aux grands enjeux climatiques. Delphine Ernotte a également pris un engagement fort : 50 % des fictions du groupe seront éco produites à l’horizon 2022, comme c’est déjà le cas par exemple de nos deux feuilletons quotidiens. Par ailleurs dans une société marquée par de profonds mouvements de fragmentation, notre responsabilité est de créer du lien entre les Français. C’est au cœur de notre engagement d’utilité publique, nous avons une sorte de « contrat social » avec les citoyens. Et puis le socle de notre travail est résolument républicain, nous avons vocation, pour faire société, de comprendre, d’accepter et de refléter la diversité des points de vue et des regards. Certains parlent d’archipelisation de la société française, il nous appartient de créer du lien, de construire, d’affirmer notre égalité et d’en faire le récit à travers nos programmes. Notre rôle a toujours été de rassembler et de représenter les Français, de défendre les valeurs de citoyenneté, les notions de fraternité, de laïcité, de diversité et d’inclusion. C’est très fortement ancré dans le travail de ceux qui font les contenus de nos chaines TV et numériques.

CB News : Quel impact la RSE a-t-elle au sein de la régie que vous dirigez, FranceTV Publicité ?

Marianne Siproudhis : Depuis 2019, notre rôle consiste à mettre en lumière les démarches responsables des marques avec lesquelles nous travaillons, en leur permettant d’apporter des éléments de preuve de leurs actions. C’était déjà le cas avec « Territoire Responsable » format à travers lequel nous donnons la parole aux entreprises pour qu’elles racontent leurs initiatives et leurs actions responsables en faveur de l’environnement. Cette semaine, nous avons lancé une nouvelle offre « Green spirit » : des écrans programmés à des carrefours d’audience des chaînes TV et numériques réservés aux spots publicitaires des produits les plus respectueux de l’environnement selon les normes reconnues et validées par l’ADEME. Nous avons des objectifs ambitieux. Aujourd’hui la part de notre CA (un peu plus de 400 millions d’euros en 2020) réalisée auprès de marques responsables est de 15 %. D’ici fin 2022, elle devrait atteindre un petit tiers.

En interne, nous avons commencé par impliquer nos quelque 300 collaborateurs, en mettant en place un Comité Actions Responsables dès 2019, une réunion mensuelle dans laquelle chacun est invité à proposer des actions concrètes que nous pourrions adopter. Conformément aux objectifs des Accords de Paris, nous avons bien sûr mis en place un plan de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, en s’engageant à réduire notre impact sur l’environnement de 20 % d’ici 2030. Cela passe par les véhicules mis à disposition de nos collaborateurs, 100 % hybrides ou électriques d’ici la fin de l’année ; par l’externalisation de notre data center et l’optimisation de l’utilisation de nos serveurs, une politique d’économie d’énergie (installation de détecteurs de présence dans nos locaux), d’achats responsables, l’accélération de l’usage de matériel dit « recyclable »… Nous avons également adhéré à la charte Ecoprod et calculons les émissions de GES de nos campagnes. Au-delà de la vertu de ces initiatives, cela crée clairement une fierté d’appartenance de nos collaborateurs, et nous permet de séduire les nouvelles recrues.

CB News : Quelles sont les prochaines étapes de cette transition pour le marché ?

Marianne Siproudhis : Nous nous sommes inscrits, avec les Etats Généraux, dans une démarche commune pour établir un diagnostic, identifier des pistes d’accélération de nos actions pour accompagner une consommation plus raisonnée et plus responsable. La communication est un vecteur très important de développement économique. L’année 2020 a démontré la nécessité absolue de ne pas se raconter d’histoires. Nous avons tous entendu les critiques de plus en plus vives de la part de parties prenantes, accusant la publicité d’encourager la surconsommation. Nous devons aujourd’hui basculer dans une démarche incitative pour agir sur les comportements de consommation, éviter dérives et délires et s’accorder sur nos rôles respectifs et notre mission commune mais je crois que nous sommes sur le bon chemin. Le marché est arrivé à un moment de bascule : une réelle écoute s’est imposée, des propositions concrètes affluent à la fois sur le plan créatif, sur les espaces media… Nous sommes en route. La proposition de l’ANIA (Association nationale des industries alimentaires) d’arrêter les publicités dans les programmes et publications destinés aux enfants, y compris sur internet, celles du secteur automobile sont des marqueurs forts. En ce qui concerne FranceTV Publicité, nous comptons être moteur, et non suiveur, de ce mouvement. À travers nos récentes campagnes de communication, conçues avec Altmann + Pacreau ou nos offres et nouveaux services marketing comme AKOUO (un outil d’écoute active basé sur l’IA pour améliorer la performance publicitaire en accompagnant les grands annonceurs dans une connexion plus pertinente avec leurs cibles). On peut aussi mentionner le baromètre élaboré avec le CREDOC aidant les marques à comprendre les comportements de consommation des Français, en comparaison à d’autres pays (USA et Suède). Même si les projections à quelques mois sont aujourd’hui impossibles, la compréhension du temps présent reste clé, et riche d’enseignements.

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