10% de l’inventaire display média échappe au contrôle des éditeurs. On fait quoi ?

Le poids de l’unknown - part d’achat média dont l’acheteur est inconnu - a atteint 10,1% dans le classement des revenus display programmatiques annuels des régies du SRI. Comment comprendre ce développement ? Y a-t-il une perte de contrôle au sein de l’écosystème digital ? Tradelab propose son interprétation.

Attendu par les acteurs de l’offre et de la demande, le SRI a publié la semaine dernière son classement des volumes d’achats des acheteurs en programmatique sur l’année 2018. Ce référentiel majeur de l’écosystème identifie les forces en présence et leur dynamique, de manière certes imparfaite puisque limitée aux membres du SRI, mais suffisamment complète pour être représentative.

On y note une concentration des investissements programmatiques auprès des principaux acheteurs, reflet de la stabilisation d’un marché mature. Une évolution qui intervient dans un contexte de forte croissance du marché programmatique, avec +13% des volumes d’investissements display en S1 2019 d’après le dernier Observatoire de l’ePub. Celle-ci s’explique par un contexte favorable pour les nouveaux entrants, qui bénéficient d’un accès facilité à des outils d’achat avancés, et d’une baisse globale des barrières à l’entrée pour l’ouverture d’un siège DSP.

Le contexte est aussi avantageux pour les éditeurs, dont l’accès au SSP est facilité, et dont l’implémentation du header bidding a fait augmenter la valeur de l’impression, impactant la croissance des budgets publicitaires. 

 Dès lors, comment interpréter le poids croissant de la catégorie “Unknown” qui gagne 4 points en un an ? Faut-il y lire un manque de maturité ou un gap technologique écosystémique dans la relation SSP-DSP ?

 Un manque d’intégration entre l’offre et la demande

Pour dessiner au mieux la big picture, nous avons écouté l’opinion des acteurs de l’offre et de la demande. Il en ressort surtout un flou majeur pondéré de frustrations. Et à raison. Le problème unknown n’est pas binaire, mais s’explique en grande partie par un manque de communication entre DSP et SSP.

 Prenons un modèle d’achat traditionnel, impliquant un éditeur représenté par sa marketplace, un trading desk, sa technologie d’achat (DSP) et un annonceur. Sur un modèle programmatique, l’enchère est reine. A réception d’une bid response, l’éditeur sert la publicité sur ses espaces. Cette réponse contient l’URL de l’annonceur, l’identifiant de l’acheteur, et celui du DSP. Dans un monde normé comme celui des Deals ID, la marketplace communique avec l’acheteur et maîtrise sa chaîne de vente. Dans un modèle ouvert d’open auction, seule la bid response fait foi, laissant le SSP tributaire des informations passées par le DSP.

 D’usage, le DSP communique directement l’identité de l’acheteur au SSP, associée à son ID (numéro d’identification). La réconciliation est simple, un acheteur correspond à un ID unique, permettant de consolider le reporting des marketplaces. Les problèmes commencent lorsque cette table de matching n’est pas communiquée entre DSP et SSP, ou qu’un ID unique est associé à l’ensemble des acheteurs, ne permettant à l’éditeur de n’identifier que l’annonceur diffusé (par son URL). Une perte de contrôle qui s’ajoute à l’absence ponctuelle d’informations au sein des bid-responses, une limite technique non adressée puisque marginale pour la chaîne d’achat.

 Des conséquences portées par le vendeur

Un manque d’intégration qui impacte exclusivement l’offre. L’éditeur et sa marketplace, en incapacité d’identifier cette part d’acheteurs, n’apprécient qu’une partie - certes majeure - de leur trafic réel, et se trouvent être coupés d’un suivi individualisé. De fait, le vendeur n’est plus en mesure d’upseller sur des propositions de deals, ni de proposer à l’acheteur ses leviers d’optimisation, dans un contexte où le média reste la première source de revenu.

Autre conséquence, l’impossibilité pour certains vendeurs de maîtriser leurs règles de suivi de transaction ou de protection de leurs inventaires. D’un point de vue marque éditeur, ces derniers sont amenés à blacklister certains acheteurs, tant pour leur diffusion de malwares que pour le poids de leurs tags, ou encore la présence d’auto-redirects. Rubicon Project y a d’ailleurs dédié une équipe.

 L’unknown : fourre-tout du programmatique

En marge des soucis de communication entre plateformes, la manière dont les régies reportent leurs revenus impacte également le classement, dans un contexte où il est parfois compliqué d’agréger l’information. Rappelons en effet que l’intégration entre les plateformes d’offre et d’achat est issue d’accords individuels, impliquant que la consolidation des ID en profils n’est réalisée qu’au bon vouloir des acteurs.

Outre ces négociations humaines, la masse conséquente de données générées entraîne parfois une approximation des estimations au bénéfice des principaux acheteurs, dévalorisant la Long Tail par sa faible représentativité.

 Des observations pouvant sembler alarmantes sur le papier, à nuancer avec l’impact relatif de cette masse non identifiée, attribuée à un agrégat de petits acheteurs et/ou acheteurs existants. Un impact finalement marginal dont les SSP s'affranchiraient volontiers, mais qui impacte peu leur business réel.

Normer ces systèmes d’infrastructures est l’évolution la plus logique vers une régulation mieux maîtrisée. D’un point de vue technique, rendre indépendant les systèmes de reporting, ou les exploiter en surcouche des DSP et SSP offrirait une perspective intéressante. C’est ce qu’aimerait -théoriquement- insuffler la blockchain, qui deviendrait l’unificateur de la remontée entre statistiques de l’achat et de la vente, tel un nouveau type de tiers de confiance. S'avérant être à date un buzzword en quête de réalité ; il s’agit peut-être ici d’une opportunité, la voie est ouverte.

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News)

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