Pour une communication sans masque : déconfinons la raison d’être !

Si la pandémie de Covid-19 a contraint les habitants de la planète à se protéger par tous les moyens possibles d’un virus potentiellement mortel – gestes barrière, masques, confinement –, elle a paradoxalement libéré les entreprises et les marques des infinies précautions dont elles entouraient jusqu’à présent leur communication. Ainsi, alors qu’elles veillaient, avant la crise sanitaire, à apparaître sous un profil irréprochable – combien de publications financières annonçant une année « exceptionnelle » ? Combien de campagnes de recrutement vantant « l’esprit d’équipe » d’employeurs pour qui tout ce qui compte est le « bien-être des collaborateurs » ? Combien de campagnes présentant l’impact sociétal de telle ou telle activité sous son seul aspect positif ? -, les entreprises ont été amenées, depuis quelques semaines, à changer sensiblement de ton et d’approche. Car, face à l’urgence, il a bien fallu dire les choses telles qu’elles étaient – sans masque. Ainsi, certains ont eu le courage d’annoncer des projections financières fragiles ou incertaines, d’autres ont eu l’honnêteté d’informer en toute transparence leurs parties prenantes sur les mesures de chômage partiel qui s’imposaient, d’autres encore n’ont pas hésité à se faire le relais des messages de santé publique ou à remercier, avec humilité et authenticité, ceux qui, par leur travail, se sont retrouvés en première ligne dans la lutte contre l’épidémie. Au bout du compte, c’est de ce que la communication a de meilleur qu’ont témoigné les entreprises et les marques qui ont su affronter la réalité telle qu’elle était.

Or, cet état d’urgence est par définition voué à passer pour laisser place, non à un « retour à la normale » — dont tout indique désormais qu’il est peu probable (si tant est qu’il soit souhaitable) -, mais à une longue période d’adaptation à ce qui semble s’installer comme une « crise durable ». Mon expérience en tant que directrice de la communication me fait redouter que les entreprises et les marques, au lieu de poursuivre, durant cette nouvelle phase, l’exploration d’une communication authentique si salutaire par sa capacité à redonner confiance et à produire de la singularité, retombent dans les habitudes qui étaient les leurs avant que ne survienne la crise. Ainsi, comment nous assurer que, contraintes d’accélérer les transformations commerciales, sociétales et organisationnelles qu’elles avaient initiées avant le début de la pandémie, elles ne retrouvent leurs réflexes de protection et évitent à tout prix de montrer leur vulnérabilité (pour ne pas perdre leur attractivité auprès de leurs parties prenantes), délaissent l’approche collective et solidaire au profit d’un retour à la lutte concurrentielle (course à la différentiation, bataille de l’attention, etc.), et préfèrent l’argument de la performance économique à celui de la performance globale — économique et sociétale – et plus largement à toute forme d’inspiration plus généreuse. Bref, je crains que la « brèche » qui s’est ouverte avec l’événement que nous vivons et qui a conduit les marques à faire preuve de résolution et de véracité ne se referme trop vite, faisant disparaître l’espoir d’une communication à la fois plus juste et plus inspirante.

Il nous appartient à nous, communicants, de nous mobiliser pour qu’il en soit autrement. Nous disposons pour cela d’un nouvel outil, dont nous pourrions faire une arme redoutable contre le retour à la « communication d’avant » et capable de faire émerger une communication qui soit à la hauteur des défis économiques, sociaux et écologiques colossaux qui s’élèvent devant nous : il s’agit de la raison d’être. La raison d’être — ce sens, cette vision, ce moteur dont se sont dotées les entreprises qui ambitionnent d’avoir une portée sociétale et non seulement économique — peut devenir, au contact de la rugueuse réalité provoquée par la catastrophe sanitaire, une véritable raison d’agir pour des marques engagées, proches de leurs clients, solidaires, pragmatiques et déterminées à se révéler dignes du moment historique dont nous ne vivons semble-t-il que le commencement.

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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