Disparition ou renouveau ? Réinventer sa marque pour vraiment servir le monde (pas s’en servir)

Romuald Ribault+Estelle Frocrain

Qui n’aspirerait pas à un monde meilleur ? Quelle marque pourrait se positionner comme non concernée par la co-construction d’un monde meilleur avec des clients devenus plus sensibles et plus exigeants ?

En vivant une crise sanitaire historique et planétaire à laquelle l’Homme ne s’attendait pas, les citoyens ont définitivement pris conscience que nos modèles contemporains ne sont plus viables sur le long terme. Ils souhaitent participer à la définition d’un modèle de développement plus responsable, plus soutenable et plus durable. Ils souhaitent s’offrir une longue vie heureuse et construire ce monde meilleur pour les générations futures. Cette volonté est devenue prioritaire. Le consommateur souhaite devenir véritablement un consom’acteur. Il n’attend plus qu’une seule réponse politique, il souhaite s’engager par son mode de vie et ses achats.

Mais l’erreur serait de penser que le citoyen seul peut influer sur le cours des choses. Cependant, de leur côté, les entreprises ont bien du mal à concilier les nouveaux indicateurs d’une économie responsable avec les objectifs des modèles financiers traditionnels.

La récente convention citoyenne pour le climat a formalisé cette envie de consommer de façon plus responsable sur le plan environnemental et sur le plan social. Les récentes loi anti-gaspillage et économie circulaire (AGEC), et loi Climat et résilience définissent de nouvelles exigences. Elles sont destinées à accélérer des pratiques plus vertueuses pour assurer les transitions écologiques indispensables au maintien de nos développements. Au niveau mondial, l’ONU a récemment fléché les enjeux prioritaires de notre époque. On les appelle les 17 ODD (Objectifs de Développement Durable) ; parmi eux, réduire l’émission des gaz à effet de serre, éviter les pollutions nocives pour la santé humaine, la faune et nos environnements, et préserver les ressources naturelles comme l’eau et les matières premières…

Dans ce contexte, les marques ont tout à perdre si elles s’obstinent dans leur vieux modèle qui a bien fonctionné jusqu’alors mais qui s’essouffle face à ces nouveaux enjeux. Elles doivent se réinventer et redéfinir leur relation client. Elles doivent accompagner leurs clients dans leurs nouveaux choix et modes de vie, elles doivent démontrer quel sens elles donnent à leur produits, leurs services et même à leur existence.

Et il ne suffira pas de se proclamer concerné et de mener quelques actions à la marge, il ne s’agit plus simplement de se positionner face à ses concurrents. C’est devenu le socle du besoin client, ce n’est plus seulement un axe différentiateur.

Les consom’acteurs ont accès, via Internet et les réseaux sociaux, à de nombreuses sources, ils sont avides d’informations. Ils deviennent de plus en plus spécialistes, ils ont développé un sens critique et ont besoin de preuves. Ils veulent s’impliquer et n’avoir rien à se reprocher.

Alors comment vont faire les marques ? Comment va évoluer leur marketing ?

Après plus d’un demi-siècle de bons et loyaux services, le modèle Marketing 4P de Mc Carthy (Produit, Prix, Place, Promotion) s’est récemment enrichi de 3 nouveaux angles : « People », « Profit » et « Planet ». Car l’utilisation des produits ou services doivent désormais s’accompagner de bénéfices pour les Hommes et l’Environnement tout en garantissant une répartition plus équitable pour toutes les parties prenantes de la chaine de valeur.

Ce modèle 7P constitue une voie toute tracée vers les nouvelles exigences de leurs clients et vers le modèle circulaire qui s’oppose au modèle historique linéaire (Extraire – fabriquer – vendre – jeter).

La production est totalement réinventée par l’éco-conception, caractérisée par la réduction des gaspillages, l’efficacité de l’utilisation des ressources et l’optimisation des impacts sur l’environnement, notamment par le réemploi et le recyclage, tout en permettant le bien-être des individus.

Il constitue un rempart de vigilance envers des démarches faussement vertueuses. A titre d’exemple la revente de vêtements entre particuliers crée, par facilité de la revente et immédiateté du gain, une nouvelle frénésie d’achats. Il empêche aussi un manque de transparence sur l’origine de production des produits ou un manque de traçabilité sur leur recyclage, point particulièrement crucial quand il s’agit de DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques) !

La tentation serait d’accentuer le travail sur le seul P de Promotion, c’est prendre un sérieux risque et se faire taxer – probablement à juste raison – de whitewashing ou de greenwashing. En déclinant l’intégralité des 7P, à l’échelle globale interne et externe, les entreprises peuvent redéfinir l’essence de leur existence et gérer leur transition responsable. Elles doivent partager ensuite l’adéquation de leur mission et de leurs produits et leurs offres à travers principes de gouvernance, chartes et labellisations, non pas pour justifier des messages permettant de mieux vendre, mais pour engager toutes les parties prenantes de leur chaîne de valeur.

Et en s’interrogeant sur les composantes Emotion, Engagement, Expérience et Exclusivité, du nouveau modèle 4E proposé par l’agence Ogilvy, très adapté à notre Société, les marques pourront faire évoluer leur histoire, leurs stratégies et leurs offres. Au final le consom’acteur, impliqué, achètera cette histoire autant que le produit ou le service. La bonne nouvelle c’est que ce lien plus fort le transformera en véritable ambassadeur. Les consom’acteurs porteront eux-mêmes l’histoire de leur marque en étant convaincus du sens vertueux donné par leur choix.

C’est dans ce cadre que le marketing reprend sa véritable place, sa place stratégique pour optimiser le « time to market » en exploitant le sens, voire le bon sens de s’adapter au nouveau monde.

* directeur marketing ecologic, VP d’Alliance Green IT, membre du CMIT (le Club des marketeurs in tech)

**  directrice marketing Europe du Sud, Benelux et Nordics de Veritas Technologies et secrétaire générale du CMIT 

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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