La guerre des boss du mobile only

La guerre Apple Google sur le mobile ne peut que profiter aux utilisateurs et aux développeurs. Par Richard Strul, CEO de Resoneo.

Vous jouez aux jeux vidéo ? Si vous êtes les gentils, vous anéantissez d’abord de nombreux subalternes, puis viennent les lieutenants un peu plus costauds et à la fin les plus balaises des gentils affrontent les plus méchants des méchants. En cette rentrée studieuse, les Godzillas du web en sont bien là. Mais il est intéressant de noter qu’un certain nombre d’annonces récentes montrent que le champ de bataille s’est clairement déplacé vers le mobile only, voire le monde du vocal.

 Jugez vous-même.

Google va charger des aperçus vidéo qui se lanceront tous seuls dans le carrousel de vignettes qui s’affiche en haut de ses résultats naturels. C’est une "new feature" qui rappelle violemment l’expérience client Facebook. Souvenons-nous que quand Facebook a lancé l’autoplay de ses vidéos, l’UX mobile de ses aficionados s’est considérablement renforcée. Et nul n’ignore que la guerre Google/Facebook se joue aujourd’hui essentiellement sur le terrain mobile. Google, avec Android, équipe à présent 90 % des téléphones de la planète quand Facebook bénéficie d’un usage à 90 % mobile qui va bien avec l’air du temps.

Apple, de son côté, tente de lutter contre la prépondérance de Google en utilisant Safari, en particulier pour faire obstacle à l’AMP (Accelerated Mobile Pages), ce protocole d’accès aux pages mobiles dont Google essaie de faire un standard universel. En effet Safari va renommer les URL AMP. Ainsi, lorsqu’une page classique devient AMP, un suffixe est rajouté à l’URL et quand l’internaute retourne sur la page il ne va pas chez l’éditeur de la page  il reste dans Google. En tronquant l’URL via Safari, Apple "rend" leur trafic aux éditeurs aux dépens de Google.

Il en est de même dans la guerre de la data. Safari fait la vie dure aux cookies dits Third Party et menace le comptage des conversions de vente qui passe par du comptage Adwords. En réponse à cela, Google a imaginé un cookie de remplacement dans analytics, qui, lui, est first party, c’est-à-dire placé par l’annonceur lui-même, pour ne pas perdre le compte des ventes réalisées sous Safari. Il ne faut pas oublier que l’Apple Store collecte un nombre considérable de données sur ses utilisateurs grâce à tout ce qu’ils y achètent, données que la firme de Cupertino n’a pas envie de partager. Google a d’ailleurs un vrai problème sur le tracking "in App’s", celui opéré dans les apps d’Apple, sur lequel le premier moteur mondial est aveugle. Si en plus on ne peut plus compter les ventes des utilisateurs de devices Apple, même quand ils passent bêtement par le web… !

Néanmoins Google a lancé il y a quelques mois un contournement intéressant afin de palier sa "cécité" sur les apps mobiles, les PWA (Progressive Web Apps)  sorte de mini site qui peut s’utiliser sans connexion ou presque, comme une app, et qui délivre un ensemble de "features" spécifiques, comme une app. C’est aussi une façon pour Google de contourner le différentiel existant entre le nombre et la variété des applications disponibles dans l’Appstore et ce que l’on trouve aujourd’hui dans le Playstore d’Android. Autre avantage d’une « PWA » : l’accès s’effectue via un simple navigateur. Donc, rien à télécharger et il n’est pas nécessaire de faire X versions différentes pour être utilisable sur tous les modèles de téléphone existants. C’est une simplification et une source d’économie conséquente pour les coûts de production.

Toutes ces innovations sont de bonne guerre quand on sait qu’Apple et IOS n’ont plus qu’une dizaine de % du parc mondial des portables et que le marché des tablettes ralentit. L’IPhone et les ventes associées sont une source de revenus prépondérante pour Apple. À noter que la démarche d’Apple et sa décision de limiter drastiquement le fonctionnement des cookies tiers dans Safari ont des impacts plus généraux et ont été stigmatisées par toute la planète pub. Ainsi l’Intelligent Tracking Prevention invalide très fortement la possibilité de personnaliser les pubs et les systèmes de retargeting. Les gros acteurs du retargeting comme Criteo et Google sont fortement concernés. Mais même les annonceurs sont inquiets de l’impact sur leurs ventes, et à juste titre, surtout aux Etats Unis.

Enfin, c’est sur le terrain de la recherche vocale qu’un combat important s’amorce. Il concerne bien sur les mobinautes mais aussi et surtout l’usage émergent des bornes domestiques. Ces dernières posent en effet le problème de la restitution des réponses. Si ladite réponse est verbale, la prime au mieux placé devient essentielle (d’aucun ont parlé de la « mort de la liste de résultats »). Qui dit usage domestique dit rapidement « faire les courses », « acheter des pizzas », « se faire livrer d’urgence »… la borne d’Amazon invite donc à acheter chez Amazon. Cet élément n’a pas échappé à Google qui s’est associé à Wall Mart dernièrement pour faire de sa borne Google Home une « boutique vocale domestique » bien achalandée. Nous n’en sommes qu’aux prémices de cette guerre du vocal, qui changera forcément notre façon de chercher, qu’il s’agisse de faire des emplettes ou de connaître le casting de la dernière saison de Game of Thrones. Ce qui est certain, c’est que les « boss » investissent un terrain plus intime, la maison.

Bill Gates en rêvait déjà il y a longtemps avec les consoles de jeux, puis Apple, et maintenant ce sont Amazon et Google qui s’y attellent mais avec beaucoup plus de capacités technologiques à traiter la data qu’il y a 15 ans. Dans les jeux vidéo, quand les boss se tapent dessus, on est proche de la fin du jeu. Là, il est clair que ces grandes manœuvres de rentrée ne sont qu’un début.

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