Quelle publicité dans un monde tout écran ?

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De notre domicile à notre lieu de travail, en passant par la rue et jusque dans notre poche, les écrans sont partout. TV, ordinateur, mobile, tablette, affichage numérique (DOOH)… ils sont devenus nos compagnons du quotidien, un français passant en moyenne 56 heures/semaine devant ces derniers [1].  Alors que nous assistons à une fragmentation de la consommation média entre les différents écrans, il est donc de plus en plus fréquent d’observer des consommations synchrones - plus de 70% des Français regardent en effet la télévision en surfant sur leur smartphone [2]. Aussi, le marché publicitaire se structure par rapport à ces nouveaux usages, notamment via la multiplication d’offres « multi-screen » permettant, via l’achat automatisé d’espaces, une visibilité sur tous ces devices. Attention toutefois à ne pas céder à la facilité en diffusant simultanément un contenu identique sur chaque support, au détriment de la créativité et personnalisation.

Le marché des contenus numériques est en mutation perpétuelle, entraînée par des évolutions technologiques et donc, de nouveaux usages. On assiste effectivement, à la fois à une délinéarisation de la consommation TV avec la démocratisation du replay (5,7 millions de téléspectateurs chaque jour [3]), tandis que la TV live se consomme aussi sur desktop et mobile, de nouvelles pratiques amenant le marché à parler de convergence TV & VOL depuis quelques années.

Si on assiste à une telle convergence des usages en multi-écran, il n’en va pas de même pour ce qui est du pilotage de l’exposition publicitaire. En effet, les sources de données utilisées pour le ciblage et pilotage entre écrans et environnements média étant différentes, il n’est pas vraiment possible de disposer d’une vision globale. À titre d’exemple, l’environnement data de la TV linéaire est encore largement sous-exploité, ce malgré les accords récents passés entre éditeurs TV et FAI lors du déploiement d’offres de télévision segmentée. Au sein même de l’environnement desktop/mobile, le tracking cross device (ou comment savoir si un même utilisateur se cache derrière plusieurs écrans alors que les clés d’identification des utilisateurs ne sont pas les mêmes) reste lui encore limité. Quant aux GAFA et réseaux sociaux, eux fonctionnent comme des “walled gardens”, à savoir que leurs données sont exclusivement exploitables au sein de leurs environnements média.

En parallèle, les récentes évolutions réglementaires, offrant davantage de contrôle aux internautes quant à l’usage de leurs données ou encore la suppression des cookies tiers annoncée à horizon 2023, restreignent encore davantage la capacité des acteurs publicitaires à réconcilier les parcours utilisateurs multi-écran. Autant de freins donc à un achat média unifié et une diffusion multi-écrans automatisée.

Mais, est-ce une si mauvaise nouvelle ? Si l’automatisation de l’achat est un facteur clé dans la rationalisation des investissements publicitaires, elle ne doit pas se faire au détriment de la pertinence de la publicité par rapport au contexte de diffusion. En effet, on imagine mal une marque de luxe ouvrir un corner au sein d’une enseigne de grande distribution du XVIe arrondissement parisien sous prétexte que sa clientèle s’y trouve. Il en va donc de même pour la communication en TV, sur les réseaux sociaux ou encore en DOOH, celle-ci devant adopter les codes du support pour être la plus pertinente et efficace possible.

Outre le support de diffusion, la publicité peut également être adaptée en fonction de critères extérieurs tels que la géolocalisation, la météo, etc. Un point d’autant plus important que le consommateur est de plus en plus averti et exigeant quant à la publicité digitale. Dans le contrat de confiance qu’il signe implicitement avec les marques, il s’attend effectivement à ce qu’elles lui fassent vivre des expériences immersives et personnalisées. On sait par exemple que 72% des consommateurs n'interagissent qu'avec des messages marketing adaptés à leurs intérêts [4]. Pour une campagne multi-écrans efficace, il convient donc de miser sur des messages à la fois contextualisés et personnalisés… quitte à tendre vers davantage de sobriété digitale ! De fait, une approche multi screen associée à la démocratisation de la TV segmentée – combinant la force de frappe de ce média de masse à la finesse d’un ciblage démographique, géographique et/ou comportemental – permet un accès simplifié et raisonné à l’ensemble des écrans pour des annonceurs ayant des activations média tactiques sur des audiences précises. Toutefois, une campagne performante n’est pas forcément synonyme de gain de temps à travers le « tout-écran », qui ne devrait pas impliquer une automatisation extrême de l’achat média ni de la production créative. Preuve en est sur TikTok - où l’achat média est pourtant automatisé -, les publicités avec le plus fort taux d’engagement sont celles, plus authentiques, proposées par des créateurs de contenus ayant des contraintes limitées de la part des marques et s’appropriant réellement les codes de ce réseau social.

Le multi-écrans est avant tout l’opportunité de décliner une stratégie pluri-média cohérente et efficace sur différents canaux dans laquelle le conseil est central. Il s’agit de penser une diffusion conjuguant achat automatisé en multi-support avec une parfaite complémentarité des ciblages - garante de la pertinence de la campagne - et unification des outils de mesures permettant d’apprécier la performance globale du dispositif. Enfin, l’exploitation des nouvelles capacités technologiques (ciblage data, DCO, analyse des parcours clients, etc.) doit permettre d’enrichir la création au service d’une expérience utilisateur personnalisée, de quoi proposer une publicité plus adaptée et plus intégrée avec un contrat tripartite lisible entre annonceurs, agences et consommateurs. Une orchestration d’autant plus importante que nous évoluons aujourd’hui vers un Web3 toujours plus connecté, offrant de nouveaux terrains de jeu aux marques qui devront alors réussir à capter l’attention de leurs cibles dans des environnements immersifs tels que les métavers. Certaines ont d’ailleurs déjà commencé, une célèbre marque de baskets américaine s’est en effet récemment lancée dans le marché des NFT à travers le rachat de RTFKT pour la création de baskets virtuelles visant à équiper les avatars des internautes dans les métavers.

[1] NordVPN 2021

[2] Médiamétrie 2021

[3] Médiamétrie 2021

(4] SmarterHQ

(Les tribunes publiées sont sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas CB News).

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