Pierre Bouteiller, mort d'un grand homme de radio

Pierre Bouteiller, décédé jeudi 10 mars à Paris, à 82 ans, aura passé plus d’un demi-siècle derrière les micros, comme journaliste, puis animateur — à l’exception d’un bref passage à la direction des programmes de TF1 de 1981 à 1982. Après la disparition de Jacques Chancel en 2014 et de José Artur en 2015, il restait une des dernières figures de la radio des années 70-80, exigeante et divertissante. "C’était l’époque du " système ABC ", A pour Artur, B pour Bouteiller, C pour Chancel. Nous étions amis. Je suis le dernier", avait-il confié, visiblement affaibli, lors d’un hommage à l’animateur du "Pop Club" en février 2015.

Né le 22 décembre 1934 à Angers, le jeune homme est étudiant en psychologie à la Sorbonne. Mais sa passion pour le jazz le pousse vers la radio. En 1958, il entre à Europe 1, devient grand reporter, avant d’être renvoyé dix ans plus tard à cause d’un gag sur le général de Gaulle. Il passe à France Inter, où il animera plusieurs émissions : "Embouteillages", "Comme de bien entendu", ou, de 1982 à 1989, le mythique rendez-vous culturel "Le masque et la plume". Aux programmes de TF1 en 1981, il se félicitera plus tard d’avoir supprimé l’Eurovision de la grille, "cette émission merdique, tout un lobby de producteurs, attachés de presse, chanteurs, éditeurs". Il met aussi en place la tranche de débat "Droit de réponse", avec Michel Polac. Directeur de France Inter de 1989 à 1996, il y recrute par exemple Laurent Ruquier, qui l’a remercié vendredi sur Twitter : "Je lui dois mes dix ans à France Inter et ma liberté au micro. Merci." Directeur de France Musiques de 1999 à 2004 (il rajoute le "s" à "Musique"), Pierre Bouteiller fut auparavant candidat fin 1995 à la présidence de Radio France. Il est battu sur le fil par Michel Boyon, "énarque, giscardien", un homme qui "tout au long de ses cinq années de présidence à Radio France, eut du mal à distinguer un micro d’un grille-pain", écrit-il dans ses mémoires. Pierre Bouteiller déplore surtout sa retraite forcée imposée au printemps 2004 par le PDG d’alors, Jean-Paul Cluzel. Il se considère "évincé par un inspecteur des finances de passage venant d’inventer un nouveau concept : le limogeage pour cause de réussite".

En dehors de la radio, le jazz était toute sa vie. Pianiste dilettante, il courut les concerts d’Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Frank Sinatra, Billie Holliday ou Oscar Peterson. En 1999, il commence à présenter chaque matin "Si bémol et fadaises" sur TSF Jazz. En 2013, las de se lever avant l’aube, il inaugurait une formule le dimanche, continuant de piocher dans son inépuisable discothèque de vinyles.

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