France Télévisions : la marche en avant de Delphine Ernotte Cunci

"Je n’ai pas peur de France Télévisions, c’est mon métier". Delphine Ernotte Cunci, la nouvelle présidente du groupe France Télévisions depuis à peine une semaine, était l’invitée lundi du traditionnel déjeuner de l’Association des journalistes médias (AJM). Elle est ainsi revenue sur les chantiers qui l’attendent pour un groupe dont "l’exploitation est déficitaire depuis des années". C’est d’abord son ambition, écrite noir sur blanc dans son plan stratégique présenté en avril dernier, de voir se lancer "en septembre 2016" une chaîne numérique d’information. "L’info est au cœur de notre mission, nous devons nous adresser à tous les publics, à ceux qui ne regardent plus les JT, comme les jeunes…". Guère sensible aux attaques qui ne "l’étonnent pas" en la matière, Mme Ernotte Cunci enfonce le clou et prévient aussi bien sa tutelle que les concurrents de la place : "je n’ai besoin de l’autorisation de personne pour ce lancement" alors que la ministre de la Culture et de la Communication Fleur Pellerin faisait savoir la semaine dernière que ce projet devrait faire l’objet de discussions. Une future chaîne qui devra être "créative" et "crédible dans l’information", qui n’a de toute façon ni besoin "de moyens considérables" pour se lancer ni vocation à "avoir de la publicité", tout comme la plateforme FranceTV Info. Quoi qu’il en soit, à termes, "il faudra que l’on s’interroge sur le lancement d’autres chaînes thématiques numériques".

Fromage et dessert — Redevance et publicité

Côté revenus, Delphine Ernotte Cunci se sent "fromage et dessert". En clair, "plus de redevance et plus de publicité" pour nourrir les antennes du groupe. Sinon, "il faudra couper quelque part", a-t-elle averti, sans détailler. Elle dit également n’avoir "aucun tabou" sur la publicité entre 20 et 21 heures. Publicité qui rapporte à elle seule 320 millions par an au groupe. Mme Ernotte Cunci a aussi égrené quelques pistes pour accroître les recettes. "Je suis favorable à une réforme de la redevance, en l’élargissant à d’autres supports (tablettes, ordinateurs…) ou encore en la fiscalisant, en la faisant varier en fonction des revenus", a-t-elle dit. "Je suis aussi pour une réforme à l’allemande", qui consiste à précocher sur la déclaration d’impôt la case qui mentionne qu’on a accès aux programmes télévisés. Elle dit également chercher de nouvelles recettes comme la vente de productions à l’étranger ou encore en faisant payer aux téléspectateurs certains contenus en replay. "Je n’ai aucun scrupule à proposer des contenus payants. L’avenir est à la monétisation des contenus. Non pas dans un but commercial mais pour inscrire cette entreprise dans la durée", a-t-elle souligné.

Danser avec le diable…

Pour les programmes, la nouvelle présidente se dit "hyper frustrée" de ne pas avoir pu être à la manœuvre sur la grille de rentrée des différentes chaînes de groupe. Même si elle clame "ne pas avoir l’intention de faire les programmes de France Télévisions". Si France 5 est "une belle endormie qu’il faut revivifier", Mme Ernotte Cunci souligne, côté fictions, que "c’est dans les risques que l’on prend qu’il va falloir changer les choses" avec notamment la réalisation de pilotes pas nécessairement diffusés à l’antenne. Pour cela, elle plaide pour une entente producteur-diffuseur parce que Netflix "a été un petit choc" et que "plus personne ne croit au statu quo". "Mes compétiteurs ne sont pas TF1, M6 ou Canal +, mais Netflix, Google ou Amazon…". Aujourd’hui, mettre des contenus de France Télévisions sur YouTube c’est "danser avec le diable, même si je ne ferme pas la porte", assure tout de même Mme Ernotte Cunci. De même, tout en saluant le travail opéré par Bruno Patino sur le numérique sous l’ère Pflimlin, la présidente de France Télévisions considère que "l’on s’est dispersé avec une vingtaine d’applications" alors que pour la plateforme de replay Pluzz, "nous pouvons faire mieux car il manque par exemple un système de recommandations. Il faut une nouvelle ergonomie", prône-t-elle.

Si les moyens financiers manquent un peu, certes, Delphine Ernotte Cunci apprend "à diviser par 10 ses références financières habituelles", faisant ainsi le lien avec les sommes brassées chez son ex-employeur Orange. Au passage, sans donner de montant, elle indique que son salaire a quant à lui été "divisé par deux" en passant du côté de la force du service public de l’audiovisuel. "Ma volonté est d’inscrire France Télévisions à 10-15 ans", assure-t-elle cependant. En partant, Rémy Pflimlin conseillait à la nouvelle présidente d’être "tenace". Message reçu cinq sur cinq.

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