iTélé : grève, confusions et démissions

Des journalistes d'iTélé, en grève depuis lundi dernier, ont réagi avec colère samedi en constatant qu'une partie des bureaux de la chaîne d'info avaient été déménagés pour faire place à l'arrivée de la rédaction de Direct Matin, également propriété de Vincent Bolloré. Une partie de la rédaction d'iTélé a aussi découvert l'installation sur la façade de la chaîne d'une nouvelle enseigne, "news factory", nom que Vincent Bolloré entend donner à son pôle info, qui a toutefois été rapidement retirée, après le décrochage accidentel de plusieurs lettres, selon des témoins. Ces incidents ont fait monter la tension, à deux jours d'une nouvelle assemblée générale, qui doit décider de la poursuite du mouvement de grève sans précédent au sein de la chaîne d'info de Canal+, déclenché par l'arrivée à l'antenne de Jean-Marc Morandini malgré sa mise en examen pour "corruption de mineur aggravée".

Olivier Ravanello quitte la chaine

La direction a assuré que les déménageurs "n'avaient pas l'instruction de mettre les affaires de qui que ce soit à la poubelle", et qu'ils "s'étaient trompés", reconnaissant que le déménagement avait démarré "trop tôt". "Les gens qui vont bouger seront informés à partir de lundi, il y a eu un incident ce week-end concernant les affaires de six ou sept personnes, lié au démarrage un peu précipité de l'opération de déménagement", a ajouté la direction. Quant au décrochage des lettres, il s'agit d'un "incident regrettable", lié à une "erreur de fixation de la part du prestataire". Les salariés d'iTélé ont décidé massivement vendredi de reconduire leur grève jusqu'à ce lundi et réclamé au gouvernement la nomination d'un médiateur pour sortir du blocage. La chaîne a par ailleurs enregistré un nouveau départ, celui du chroniqueur spécialiste des questions internationales, Olivier Ravanello. "Je quitte @itele ce soir Cas de conscience Beaucoup de tristesse et de fierté d'avoir été l'un d'entre eux #leplusbeaumetierdumonde", a-t-il tweeté vendredi soir.

Une ambiance tendue...

Déjà vendredi, les salariés de la chaine d'info de Canal+ avaient décidé massivement de reconduire leur grève, déçus par l'échec des négociations avec la direction. En effet, la nouvelle assemblée générale vendredi soir s'est déroulée "dans une ambiance tendue". "Nous sommes parvenus à un tournant, la situation se durcit", a commenté un journaliste. Lors d'une réunion vendredi, en présence des syndicats, la direction n'a guère varié sur ses positions, selon la Société des journalistes (SDJ), en particulier sur le maintien à l'antenne de l'animateur controversé. "Cette rencontre n'a malheureusement pas permis d'aboutir à une sortie de crise, la direction des groupes Vivendi et Canal+ ne répondant favorablement à aucune des demandes des représentants de la rédaction d'iTélé et des organisations syndicales et se contentant d'annoncer le report du lancement de CNews", le nouveau nom que doit prendre la chaîne, a souligné la SDJ dans un communiqué. Les grévistes demandent aussi la signature immédiate d'une charte éthique, la nomination d'un directeur de la rédaction distinct du directeur général d'iTélé (Serge Nedjar), le retrait de l'antenne de Jean-Marc Morandini et plus largement la définition d'un projet stratégique et éditorial "clair et précis".

Audience : une situation qui profite aux concurrents

La paralysie d'iTélé, qui sauf "Morandini Live" ne passe que des rediffusions, profite depuis lundi à ses concurrentes LCI et BFMTV : LCI a grimpé jeudi à 42.000 téléspectateurs en moyenne, soit 0,5% d'audience, son record depuis son passage en gratuit. La chaîne du groupe TF1 est passée pour la première fois devant iTélé, qui a chuté à 38.000 téléspectateurs et 0,5% d'audience, contre près de 1% habituellement. iTélé comptabilisait encore 0,9% de part d'audience lundi au premier jour du conflit, loin devant LCI. Quant à "Morandini Live", son audience a chuté à 50.000 téléspectateurs jeudi et plusieurs annonceurs ont décidé de boycotter le programme. Le leader BFMTV a gagné de son côté 0,3% de part d'audience cette semaine, passant de 2,4% lundi à 2,7% jeudi, avec 226.000 téléspectateurs en moyenne.

Réaction d'Audrey Azoulay

La loi sur l'indépendance des médias protégera mieux les journalistes de problèmes tels qu'en rencontrent les salariés d'iTélé, a expliqué vendredi la ministre de la Culture et de la Communication Audrey Azoulay. "Je suis contre la trumpisation de l'info. Les garanties d'indépendance des journalistes seront renforcées", a-t-elle souligné dans un tweet, quelques jours après l'adoption par le Parlement de la loi "sur la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias". La loi que le gouvernement a fait adopter le 6 octobre va "renforcer les garanties apportées aux journalistes", a précisé Mme Azoulay au Parisien. "Ces dispositifs ne sont pas encore opérants à iTélé mais quand la loi va entrer en vigueur dans quelques semaines, elle jouera à plein son rôle", a souligné la ministre de la Culture et de la Communication. "Sur le fond, c'est une question importante d'éthique et de liberté", a-t-elle insisté. "Je pense que les médias ne sont pas des entreprises comme les autres, ils ont une responsabilité parce qu'ils ont un impact sur la société".

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