L’Express dans une autre ère à marche forcée

Le comité d'entreprise du groupe L'Express, au cours duquel la nouvelle direction devait présenter lundi un plan social concernant 125 salariés, a été ajourné à vendredi mais les syndicats ont décidé de poursuivre les négociations avec la direction, a-t-on appris de sources syndicales.  Le plan social (PSE) prévoit le départ de 125 salariés plus huit pigistes permanents, indiquent des documents de la direction. Ils s'ajouteront aux 115 départs volontaires dans le cadre d'une clause de cession ouverte cet été, qui permettait aux journalistes de partir avec des indemnités majorées. Au final, le groupe passera de 700 à 500 salariés, avec une réduction d'environ un tiers des effectifs des rédactions. Pour protester contre ce projet qualifié de "carnage" par la SDJ, les journalistes envisageaient ce week-end de bloquer la sortie de l'hebdomadaire ou de faire grève. Pour éviter ce risque, la direction a préféré repousser le CE à vendredi, et envoyé lundi soir un long courrier aux salariés pour exposer les grandes lignes de sa stratégie, mais sans détail concret. Les syndicats vont poursuivre les négociations avec la direction, espérant rencontrer la ministre de la Culture et de la Communication Fleur Pellerin jeudi.

Patrick Drahi qui, après Libération, a racheté cette année le groupe L'Express (regroupant, outre l'Express, une série de magazines comme l'Expansion, Mieux vivre votre argent, Point de vue, Lire, Studio Cinélive, L'Etudiant, Lire...) mène depuis plusieurs mois une chasse aux coûts dans ce pôle qui a perdu 9 millions d'euros l'an dernier.   A l'issue de ce plan social, il resterait notamment 75 journalistes rédacteurs dans les rédactions de l'hebdomadaire L'Express version papier, de son site et de son supplément Style contre 111 précédemment. Le seul magazine papier, créé il y a 62 ans, conserverait environ 35 journalistes rédacteurs.Deux titres devraient fermer, Maison française et Décoration Internationale, et les magazines déco (Côté sud, Côté ouest...) paraîtront moins souvent. La régie publicitaire sera filialisée, ainsi que le magazine L'Etudiant, soit 222 postes en tout.  "On a besoin de quelques millions de la part d'un milliardaire. Patrick Drahi a la responsabilité de ne pas nous laisser tomber", a lancé Jacques Trentesaux (CFDT). Laurent Vrbiça (CFDT) a lui dénoncé un "management fantôme" et sans projet.

"Le journal a des archaïsmes et des scléroses", a répondu le rédacteur en chef Christophe Barbier devant l'AG. "Je préfère accompagner ce PSE plutôt que prendre mes sous et partir", a-t-il expliqué à l'AFP. "Je veux protéger les moyens nécessaires pour faire un nouvel Express mais je ne resterai pas à la tête d'un magazine qui ne paraît pas", a-t-il averti.

10 millions de pertes en 2015

Dans son courrier aux salariés, dont nous publions ci-après l’intégralité, la direction a assuré vouloir "pérenniser et développer sur le long terme" le groupe L'Express mais avoir trouvé une situation financière "bien plus dégradée" que prévu. Elle fait état d'un déficit cumulé sur 2006-2014 de plus de 86 millions d'euros et d'une perte attendue de 4 millions cette année, qui atteindra 10 millions avec le coût de la clause de cession. Elle pointe aussi du doigt une organisation inchangée en dix ans et "tout à fait inadaptée". Face à cette situation, "nous avons décidé d'agir rapidement" car "sans décisions de saine gestion - parfois douloureuses - il nous sera impossible de construire ensemble un projet économiquement viable", plaide-t-elle. Pour son projet stratégique, la direction explique, sans plus de précision, vouloir "explorer toutes les opportunités que peut offrir notre lien avec un acteur majeur des télécoms, démultipliées par la récente expansion du groupe dans les médias en France comme à l'international". Patrick Drahi est propriétaire de SFR. Elle indique aussi qu'une "réflexion est en cours sur l'enrichissement des contenus". La direction rappelle enfin avoir signé cet été avec la rédaction une charte d'indépendance, prévoyant un vote des journalistes sur la nomination du directeur de la rédaction de L'Express, une première pour l'hebdomadaire. La direction  annonce également l’arrivée de François Dieulesaint, ancien président de Presse Informatique, ancien directeur général de La Tribune et de Condé Nast France, à la direction générale déléguée. Elle a également promu des « managers historiques » du groupe tels que Christophe Barbier à la direction des rédactions, Valérie Salomon à la direction des activités commerciales et de la publicité, Sophie Gohier à la direction du numérique et des nouveaux médias, Chrystèle Mercier à la direction générale de l’Etudiant et Richard Karacian au secrétariat général. Elle en profite également pour annoncer une nouvelle formule pour L’Express « début 2016 » ainsi que pour L’Expansion alors que  les mensuels culturels (Studio CinéLive, Lire, Classica, Pianiste) poursuivront leur développement « en bénéficiant d’une plus grande proximité avec L'Express, notamment dans le partage de contenus et le co-branding d'événements », souligne encore ce courrier co-signés par Marc Laufer et Bernard Mourad. Quant au magazine Point de Vue, il bénéficiera d’un développement international qui passera par le lancement d'éditions sous licence. « Plusieurs zones géographiques sont d’ores et déjà à l’étude (Europe du Nord, Europe du Sud et Asie) », annoncent-ils.

L’intégralité du message de la direction :

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