Libération passe au Digital First

Au lendemain de l'annonce coup de massue d'une nouvelle ère pour Libération qui verrait 93 suppressions de postes et une réorganisation complète, la direction du quotidien était réunie mardi au traditionnel déjeuner de l'Association des journalistes média (AJM) pour faire le point. François Moulias, Laurent Joffrin et Pierre Fraidenraich se sont ainsi présentés en défenseurs du nouveau projet du titre aussi bien papier que web. "Avec 130 journalistes (vs 180 actuellement, ndlr), c'est jouable, ce pourrait être suffisant pour faire un journal plus un site", souligne en préambule Laurent Joffrin.  De toute façon, "les contenus et l'organisation vont changer avec l'idée de ne pas être exhaustif mais d'être plus sélectif sur les sujets". L'ambition affichée étant, à terme, de stabiliser la diffusion papier de Libération à 100 000 exemplaires et de viser les 3,5 millions de visiteurs uniques en 2015 et les 5 millions "dans les deux ans" sur le site. Mais c'est une mécanique toute nouvelle que devront emmagasiner les collaborateurs du quotidien avec la mise en branle du "digital first" où les contenus seront d'abord mobilisés pour le web, assure M. Fraidenraich. "Le déplacement de la force s'opérera vers le digital" avec un site dont les articles pourraient devenir payant au compteur alors que le titre papier dont une nouvelle mouture est aussi prévue au 1er semestre 2015 réduirait sa pagination (2 à 3 pages, ndlr). Pour mener à bien le projet, les 18 millions € mis au pot par Patrick Drahi n'ont pas encore été totalement utilisés. "11,4 millions ont été consommés", révèle François Moulias et "6 millions € vont vite arriver". Mais toute l'énergie de la direction se porte sur "le retour de Libération sur le marché" pour "toujours être le quotidien de gauche du matin", souligne M. Joffrin.

Publicis veut se désengager de la régie publicitaire

Pour l'heure, le manque à gagner publicitaire est de près de 2 millions €. Dans le print, "nous sous-performons à -18% alors que le marché est à -15%, et dans le web, nous ne progressons pas", explique M. Moulias qui prévoit pourtant 15% du chiffre d'affaires liés au web à l'horizon 2017. Il annonce par ailleurs la volonté du groupe Publicis de se désengager de la régie Libération Medias dont il détient 49%. "C'est leur souhait, pas le mien... Mais ils comprennent très bien chez Publicis que l'on ne peut pas les rembourser pour l'instant". Quoi qu'il en soit, la direction de Libération réfléchit dans ce cadre publicitaire à une évolution avec deux options : soit la création d'un service de publicité, avec un directeur de la publicité qui coordonne tous les sous-traitants très spécialisés (vidéo, radio, TV...) par type de supports. Un schéma qui "tient la corde", selon François Moulias. Soit s'appuyer sur une "grosse" régie. "Nous avons pris des contacts et n'avons pas toujours été accueillis à bras ouverts", souligne-t-il.

48 millions € de CA en 2014

Autres sources de revenus, les forums organisés par Libération dont "beaucoup de partenaires se sont désistés au printemps" eu égard à la situation du titre à ce moment-là. Pourtant, l'équipe de direction a d'ores et déjà signé l'organisation de forums à Mulhouse et Rouen avec un objectif, en 2015, à 3 millions € de revenus. Un poste sur lequel le trio mise notamment pour améliorer la situation financière. En effet, l'allègement de la masse salariale qui devrait passer de 22 millions € à 14 millions avec les départs de collaborateurs, Libération table sur un chiffre d'affaires 2015 avoisinant les 51 millions € contre 48 millions en 2014. Une performance qui pourrait être due à l'amélioration du CA de son activité forum de +2 millions €, mais aussi par l'amélioration des recettes publicitaires de l'ordre de 1 million € boostées par le web. Sur 2015, c'est un résultat net qui pourrait être ainsi proche de zéro avec un EBITDA de 1,7 million €. De quoi d'ores et déjà lorgner sur des acquisitions de sites internet ou de journaux ? "Pourquoi pas", assure François Moulias, défendant aussi les synergies possibles avec Patrick Drahi via Numéricable et SFR.

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