Libération : restructuration conséquente et inévitable

Libération doit se restructurer de manière "très conséquente", cette restructuration est "inévitable" et "il y aura moins de journalistes qu'aujourd'hui", a averti jeudi Bruno Ledoux, actionnaire et président du conseil de surveillance de Libération. Intervenant lors d'un master class à l'Institut européen de journalisme, il a aussi affirmé qu'il bouclerait un tour de table d'environ 12 millions d'euros "en mars", avec l'appui de "trois ou quatre entrepreneurs français". Il s'agit d'"entrepreneurs à succès", "attachés au journal" et qui n'ont pas jusqu'ici investi dans la presse. "Ces 12 millions sont destinés à remettre à flot et financer le journal. Mais pas au projet de centre culturel, qui nécessite des montants plus importants. Là-dessus, moi en tant qu'actionnaire, je pourrais apporter l'immeuble", a-t-il ajouté. Interrogé sur le nombre de suppressions d'emplois éventuelles dans la rédaction, il a répondu : "cela dépend si les gens acceptent le projet multimedia", par exemple en acceptant d'écrire à la fois pour le papier et pour le web, et sur d'autres rubriques que la leur. "Il faut passer d'un actionnariat passif à un actionnariat actif. Pas pour gérer, mais pour échanger avec la direction, et même avec les salariés", a-t-il encore commenté. M. Ledoux, qui détient 26% du quotidien a rappelé devant les étudiants en journalisme son projet de créer sous la marque Libération un réseau social et un espace culturel, et peut-être "une Libé TV, une radio" mais martelé qu'il n'était pas question d'abandonner le papier. "C'est complémentaire. Le journal est au cœur du système. Supprimer le papier serait une grave erreur car cela supprimerait toute la légitimité. Si demain Libération disparaît, il n'y aura pas de deuxième Libération. Alors que si Mediapart disparaît, il y aurait un deuxième Mediapart. Mais le modèle du papier seul était condamné".

Une culture d'opposition « incompréhensible »

"(…) les mécènes, c'est fini. Une entreprise de presse doit se considérer comme une entreprise normale, sinon elle est condamnée". Interrogé par des élèves sur l'hostilité de la rédaction, il a répondu que "tout ce qui est nouveau, chez Libé, ça fait un peu peur" mais que "ces idées progressent" dans la rédaction. "Si on est contre, personne n'est tenu de rester", a-t-il ajouté. "Le journal n'appartient pas aux journalistes. On n'est pas en Union soviétique". Il a aussi critiqué dans la rédaction "des journalistes qui produisent un papier par mois" ou qui "refusaient d'écrire pour le web" ou pour d'autres rubriques. "Il faut changer les cultures" pour "une organisation plus efficace". "Il faut réorganiser le travail, pour que les journalistes travaillent sur le web. Avec le réseau social on peut créer une communauté, et les journalistes seront au centre. Si leurs articles émergent, sont commentés par la communauté, c'est très valorisant pour eux. Ils deviennent des stars, en quelque sorte. Il y a un effet d'émulation". "Mais il n'y a pas les journalistes contre les actionnaires ou vice-versa. C'est absurde. Nous sommes ensemble dans un projet. Cette culture d'opposition est pour moi incompréhensible", a ajouté M. Ledoux. "Il faut tout repenser en conservant l'ADN de Libé" et "créer de la valeur" sur la marque, a-t-il conclu. "Il faut que Libération redevienne le journal des jeunes". Il a aussi estimé que certains investisseurs potentiels, comme Xavier Niel (patron de Free et actionnaire du Monde, ndlr), étaient en position d'attente au cas où il renoncerait. "Mais celui qui me montrera la porte de sortie n'est pas encore né. Je n'échouerai pas", a-t-il assuré.

À lire aussi

Filtrer par