Décès de Silvio Berlusconi

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L'ancien chef de gouvernement italien Silvio Berlusconi, sulfureux milliardaire dont les démêlés judiciaires et frasques sexuelles ont défrayé la chronique, est mort à l'âge de 86 ans. Soigné à l'hôpital San Raffaele de Milan pour une leucémie, il y était entré vendredi après y avoir déjà effectué de multiples séjours.

Le parcours de cet éternel revenant, dont la mort politique fut maintes fois annoncée à tort et encore élu sénateur en 2022, se confond avec l'histoire italienne des 30 dernières années. C'était l'un des hommes les plus riches de la péninsule, avec une fortune évaluée début avril par Forbes à 6,4 milliards d'euros. Après avoir débuté son ascension à Milan (nord) dans le BTP, l'entrepreneur doté d'un bagout à toute épreuve s'était lancé avec succès dans la télévision, inventant la TV paillettes des années 1980 qui fera sa fortune, lui permettant entre autres d'investir dans des clubs de foot, d'abord l'AC Milan puis l'AC Monza. Côté scandales, M. Berlusconi devait encore répondre d'accusations dans le procès dit du "Rubygate", du nom d'une mineure invitée aux soirées "Bunga Bunga" et d'abord présentée faussement comme une nièce du président égyptien Hosni Moubarak. Berlusconi, acquitté pour prostitution de mineure, était encore en procès pour subornation de témoin dans un volet de cette affaire.

Né le 29 septembre 1936, Berlusconi, fils d'un employé de banque milanais, commence à travailler comme animateur sur des bateaux de croisière, où il chantait et racontait des histoires drôles. Armé d'une licence de droit, il se lance dans les affaires, entamant une irrésistible ascension qui soulève des interrogations quant à l'origine de sa fortune, sur laquelle il est toujours resté flou. Mais c'est surtout dans le secteur de la télévision que s'exprime son génie créatif de grand communicant, qui saupoudre ses programmes de femmes dénudées pour plaire au grand public. La holding de la famille Berlusconi, Fininvest, compte trois chaînes de télévision, des journaux, les éditions Mondadori et bien d'autres participations.

Avec la chaine TV La Cinq, son histoire en France tourne court

La Cinq, chaîne de télé lancée en France par Silvio Berlusconi dans les années 1980, a secoué le paysage audiovisuel français, mais s'est finalement soldée par un échec retentissant. Celle-ci naît en effet en février 1986, sous l'impulsion du président François Mitterrand. Il est partisan de la création d'une première chaîne privée gratuite en France, après le lancement réussi d'une payante, Canal+, en 1984. L'industriel Jérôme Seydoux et le pionnier de la télévision privée en Italie, Silvio Berlusconi, sont choisis au terme d'un appel d'offres critiqué par les partisans d'une télévision à dominante culturelle. Au contraire, La Cinq s'inspire de Canale Cinque, fleuron italien de Berlusconi, tendance populaire et paillettes. La programmation ultra-généraliste mêle divertissements, séries américaines), films grand public et figures de la télé française (Christian Morin, Roger Zabel, Alain Gillot-Pétré...) ou italienne (Amanda Lear). Mais l'aventure française se complique rapidement. Jacques Chirac, devenu Premier ministre en mars 1986, privatise TF1 et résilie la concession de la Cinq. En 1987, une nouvelle chaîne du même nom lui succède, menée par Robert Hersant, toujours en tandem avec Berlusconi.   La Cinq nouvelle mouture se fait peu à peu une place dans l'Audimat, même si elle n'est pas reçue dans certaines parties du territoire. Mais l'audience de la Cinq, qui culmine à 13% en 1989, est trop faible pour rentabiliser une chaîne entièrement financée par la publicité et qui a beaucoup dépensé pour recruter des animateurs. Elle accumule les déficits et reçoit des amendes pour diffusion de programmes violents ou non-respect de quotas de diffusion. Les actionnaires se divisent et Hersant jette l'éponge en 1990. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) désigne le groupe Hachette, dirigé par Jean-Luc Lagardère, qui rêve de se lancer dans la télévision, pour gérer la chaîne. Berlusconi reste actionnaire mais privé de tout rôle opérationnel. L'ambition de Lagardère, qui tente de miser sur la qualité, se heurte à la réalité économique. Les pertes se creusent et la liquidation judiciaire de la chaîne, qui employait 900 personnes, est prononcée en 1992 au vu d'un passif déclaré qui approche quatre milliards de francs (soit 60 millions d'euros). Elle cesse d'émettre le 12 avril 1992. Sa disparition entraîne de vifs débats sur l'octroi de sa fréquence. Le gouvernement la préemptera rapidement pour lancer la chaîne franco-allemande Arte

Fan de football, Silvio Berlusconi a présidé pendant 31 ans l'AC Milan, qui a remporté cinq fois la Ligue des champions sous son ère, avant de vendre en avril 2017 à des investisseurs chinois. En 1994, il crée Forza Italia, et à l'issue d'une une campagne-éclair relayée par son empire médiatique, il devient chef du gouvernement avant d'être lâché par ses alliés sept mois plus tard. Il revient au pouvoir en 2001 pour cinq ans, un record depuis l'après-guerre. Battu d'un cheveu en 2006, il prend sa revanche deux ans plus tard, s'installant aux commandes pour la troisième fois. Mais en novembre 2011, il doit céder sous les huées les rênes d'une Italie en proie à une grave crise financière.  Toujours sans héritier politique, il ressurgit en 2013 sur la scène politique en raflant près d'un tiers des voix aux législatives. Quelques mois plus tard, la longue litanie de ses déboires judiciaires aboutit à une première condamnation définitive, pour fraude fiscale : un an de prison, effectué sous forme de travaux d'intérêt général dans une maison pour personnes âgées, six ans d'inéligibilité et l'expulsion du Sénat.

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