Hervé Gattegno (Le JDD) : ''Il faut en finir avec le fatalisme de la presse imprimée''

Un an après son arrivée à la direction de la rédaction du Journal du Dimanche, Hervé Gattegno fait le point sur la relance du titre. Un travail qui porte ses fruit puisque le JDD a gagné hier soir le prix du meilleur quotidien lors du Grand Prix des Medias CB News.

CB NEWS : Le JDD élu meilleur quotidien par le jury du Grand Prix des médias. Heureux ?

Très heureux de montrer que ça marche. Que le support papier n’est pas mort. Mon grand discours, en interne comme à l’extérieur, c’est qu’il faut en finir avec le fatalisme de la presse imprimée. Je pense qu’il y a encore des gisements pour cette presse. Nous sommes très volontaristes et ça marche.

CB NEWS :Et en l’occurrence, la stratégie, quelle est-elle ?

Hervé Gattegno : Quand je suis arrivé ici, il y a un an, la stratégie c’était deux choses. La première c’était de s’appuyer sur la qualité et l’anticipation. La phrase qu’on m’a entendu dire cent fois ici c’est : "Quand on est le Journal du Dimanche, on peut être soit le dernier journal de la semaine, soit le premier de la semaine qui vient ". Et évidemment, nous avons choisi d’être le plus souvent possible le journal qui donne le tempo de la semaine. Celui qui va lancer l’info qui va faire tout le début de la semaine. Ça demande beaucoup de volontarisme et de travail d’anticipation. Le deuxième objectif c’est de considérer que le JDD a vocation à être un journal de qualité, voire de référence, dans la presse du week-end. Nos concurrents, en dehors des chaînes d’info continues et du téléphone, ce sont le Parisien dimanche, l’Equipe et tous les suppléments dominicaux de la presse quotidienne régionale. Dans cet univers nous devons nous situer comme le journal qui touche des gens qui appartiennent à des milieux un peu plus qualifiés, qui s’intéressent à la culture, à l’actualité internationale, à l’économie. Nous ne sommes pas un journal populaire, nous sommes un journal grand public de qualité, comme cela existe en Grande Bretagne et en Italie.

CB NEWS :Ce sont les objectifs. Comment les avez-vous mis en œuvre ?

HG: Objectivement, nous avons embelli le journal avec une nouvelle maquette. C’est un journal dans lequel la direction artistique a une grande importance et particulièrement sur la "une". On l’a beaucoup transformée pour lui donner beaucoup plus d’impact avec de grandes photos posées sur des fonds sombres qui donnent plus de densité. Sur le fond nous avons transformé des rubriques comme celle consacrée aux tribunes qui sont aujourd’hui sur deux pleines pages. C’est une ouverture vers l’extérieur pour le JDD qui se veut un journal de débat. Et puis il y a, juste avant ses pages Opinions, une double page d’enquête. C’est un long récit, d’un seul tenant, pour donner de la majesté au texte. Je crois beaucoup à cette forme d’écriture. J’ai été au Monde, au Point, j’ai fait partie de l’équipe de création de Vanity Fair et je crois aux textes longs pour peu que le sujet en vaille la peine, que l’enquête soit de qualité et qu’il soit bien écrit. Nos études nous disent que nous avons un temps de lecture qui est probablement le plus long de tous les hebdos français. Parce que c’est dimanche et que l’on a le temps.

CB NEWS :C’est un journal dense, incontestablement. Ce qui n’est pas forcément dans l’air du temps…

HG:On a des lecteurs qui nous disent en effet qu’il y en a tellement qu’ils n’ont pas le temps de tout lire mais au fond, le message que l’on envoie, c’est que nous avons une grille de lecture qui permet au lecteur de choisir. On ne lâche rien. On ne prétend pas être exhaustif, au contraire. On fait des choix assumés.

CB NEWS :Le JDD n’est donc pas le quotidien du dimanche ?

HG: Quand je suis arrivé, le mot quotidien avait fait beaucoup de dégâts. Parce qu’un quotidien, c’est un journal qui est fait en deux jours. Nous, nous sommes un hebdomadaire qui a une force unique puisqu’il est le seul à boucler deux heures avant sa parution. Ça veut dire que jusqu’à minuit le samedi, on peut changer des choses dans le journal. Si nous traitons l’actu, juste parce qu’elle vient de se passer, on se réduit à être un quotidien du dimanche. Si l’on dit que l’on est un hebdo, on réfléchit dès le mardi matin à ce que va être l’actu de la fin de la semaine et comment on pourrait la créer avec un coup, un scoop. Du coup l’heure de bouclage est un atout décisif au cas où cela s’avérerait nécessaire. Nous sommes un hebdomadaire avec la réactivité d’un quotidien.

CB NEWS :Parmi les défis à venir, il y a la vie avec Europe 1, le rapprochement des rédactions. Comment cela se passe-il ?

HG: Cela se passe extrêmement bien. Depuis un an, on a construit beaucoup de rapprochements et de synergies. Notre page d’indiscrets est réalisée en collaboration avec Europe 1. Idem pour le fact checking. On a concrètement instauré des mutualisations, particulièrement pour les reportages à l’étranger ou les correspondances en région où Europe 1 est mieux implanté que nous. L’échéance majeure est dans un an puisque nous allons habiter ensemble, dans le 15e arrondissement (l’ancien immeuble de Canal+, N.D.L.R.). Je le répète, nous ne serons jamais une seule et même rédaction, ça n’aurait pas de sens, mais quand on sera voisin, les échanges seront beaucoup plus faciles et naturels.

CB NEWS :Ce rapprochement est également une réalité sur le numérique…

HG: En effet, depuis quelques mois nous avons un portail commun. Mais nous avons gardé nos URL. Europe 1 fait de l’actu, nous faisons des enquêtes et du décryptage. Ce sont deux sites frères. C’est très vertueux et cela nous a permis à nous, JDD, de profiter de l’avance technique d’Europe1.

CB NEWS :Quelle est la place du numérique dans l’offre du JDD ?

HG: Elle est très importante. Le numérique nous permet d’exister pendant la semaine. Nous devons – et nous y arrivons — avoir un scoop au minimum par semaine. C’est très important pour la marque du JDD.

CB NEWS :Quels sont les projets à venir ?

HG: Continuer ce que nous avons commencé il y a un an Approfondir les nouveautés et notamment consolider et développer encore la dernière partie du journal consacrée à l’art de vivre. C’est ce qui donne au journal sont caractère dominical. Il faut que ça se voie et que ça puisse se voir un encore plus, autant avec la photo qu’avec l’écriture. Parce que derrière tout ce chantier, il y a des objectifs publicitaires que nous devons atteindre. D’autant que nous ne pouvons pas développer les abonnements puisqu’il n’y a pas de poste le dimanche.

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