Stéphane Chery (SNCF) : « L’enjeu de la sobriété implique de transformer la manière de concevoir la publicité »

Stéphane Chéry

En amont de la conférence Impact, le point sur la sobriété qui aura lieu le 11 mai à l’amphithéâtre Verniquet au Jardin des Plantes, rencontre avec le directeur de la marque, de la publicité et des partenariats de la SNCF.

CB News : SNCF est partenaire d’Impact. Le point sur la sobriété. Comment appliquer cette exigence de sobriété à la publicité ?

Stéphane Chery : Aujourd’hui les Français attribuent aux entreprises une responsabilité de plus en plus importante en matière de société. Parce que les produits et services de ces entreprises peuvent avoir un impact sur la vie quotidienne de chacun, cette exigence s’étend finalement à la façon dont la communication est fabriquée. C’est une question de cohérence et d’honnêteté entre le discours et les actes. L’enjeu de la sobriété implique donc une transformation de la manière de concevoir la publicité, avec une notion de continuité entre le message publicitaire et la manière de le réaliser. C’est un tout, solidaire, qui doit être porté aussi bien par l’annonceur que par l’agence, dans une démarche commune, avec une méthode et des objectifs clairs et traçables. Dans le cas de la SNCF et de son agence Publicis Conseil, nos deux campagnes Hexagonal, puis Toujours en train, ont été pensées de façon « durable » dès leur conception.

CB News : La campagne Hexagonal a été éco-conçue avec un niveau d’exigence inédit pour la SNCF. Comment s’est traduite cette exigence de la conception à la diffusion de cette campagne ?

Stéphane Chery : Concrètement, pour le film Hexagonal, nous avons recensé toutes les images que la SNCF avait déjà produites et que nous pourrions réutiliser pour ce film ; nous avons également acquis les droits de certaines images pour réduire le poids du tournage et de tout ce qu’il implique en termes de moyens et de matériel à 2 jours seulement. Nous avons choisi des équipes de production à proximité du lieu de tournage et privilégié de tourner en Ile-de-France. Nous avons tourné à quai, en privilégiant la lumière naturelle chaque fois que possible afin de réduire notre consommation énergétique et donner l’illusion du voyage par des effets spéciaux. Nous avons également choisi des vêtements et des accessoires de seconde main. Nous avons choisi un catering de saison avec une offre végétarienne. Et bien sûr nous avons fait attention à limiter le plastique et à recycler nos déchets. En termes de diffusion, nous avons été accompagnés sur la mesure de l’impact et les optimisations possibles en cours de campagne ; par exemple, limiter la diffusion des vidéos digitales lorsque le spectateur est connecté au Wifi, ce qui a moins d’impact que sur les données mobiles.

CB News : Comment prendre en compte l’impact social d’une campagne, du brief au tournage ?

Stéphane Chery : La diversité et l’inclusion s’incarnent dans de multiples actions au sein du Groupe SNCF : nous avons mis en place des organisations ou des programmes qui soutiennent la mixité à tous les postes et dans tout le territoire, nous soutenons les actions en faveur de la diversité sociale ou culturelle, de l’adaptation de nos métiers aux situations de handicap et accompagnons fortement la cause LGBTQ. Cela devait à nos yeux se traduire dans nos campagnes, car elles portent la fierté des cheminots. La SNCF assume une mission de service public, elle doit figurer en première ligne de tels combats, et refléter la pluralité et la diversité de la société est un enjeu majeur. Cette attention est partagée avec l’agence dès le début du processus de création, tandis qu’elle nous partage en retour l’inventaire de tous les éléments qui ont un impact RSE lors du tournage puis de la diffusion de chaque campagne.

En termes de casting, nous avons eu à cœur d’incarner nos valeurs de mixité, de diversité et d’inclusion en choisissant des comédiens représentatifs des différents profils des Français que l’on accueille dans nos gares et nos trains. Nous avons également souhaité associer un grand nombre de cheminots volontaires pour différents rôles, parfois loin de leur emploi initial.

CB News : Quel bilan tirez-vous de cette démarche (réduction d’impact, perception de la démarche mais aussi surcoûts engendrés) ?

Stéphane Chery : C’est un bilan positif à plusieurs niveaux. La première campagne Hexagonal a posé de nouveaux standards en matière de tonalité de prise de parole pour nous, dans une démarche de reflet de la société, mais aussi de main tendue à tous les Français. Cela faisait très longtemps que nous n’avions pas pris la parole sur ces thèmes. En choisissant un discours qui n’oppose pas les modes de vie ou de mobilité, en cherchant à réconcilier les individus, nous croyons qu’une autre manière de concevoir la publicité est possible. Cette campagne voulait démontrer que l’on peut redonner du désir envers la marque autour d’un imaginaire créatif et puissant tout en soutenant les valeurs de notre entreprise. Sobriété et créativité sont compatibles !

Par ailleurs, la démarche apporte une continuité et une crédibilité à nos engagements, ce qui a été perçu très positivement en interne auprès de nos agents, comme par les personnes sondées.

Enfin, je ne suis pas convaincu que cette démarche engendre forcément des surcoûts, au regard de ce qu’elle apporte en termes d’image, de sincérité et de légitimité, en particulier dans le long terme. La campagne Hexagonal a donné une meilleure image de la SNCF pour près d’un Français sur deux et pour plus d’un agent SNCF sur deux, elle a renforcé la fierté de travailler pour SNCF pour plus de 6 agents sur 10. Il faut de toute évidence voir cette démarche comme un investissement.

CB News : Depuis, la SNCF poursuit son chemin en communication, avec la campagne « En train ». Qu’avez-vous ajouté comme pierre à cette entreprise d’écosocioconception ?

Stéphane Chery : Grâce à l’expérience en matière de production et de diffusion d’Hexagonal, nous sommes allés encore plus loin avec « Toujours en train ». Concrètement, sur la production, nous avons augmenté la part de réutilisation d’images existantes, la location de vêtement de seconde main, le tournage dans des trains à quai et à Paris pour limiter la consommation d’énergie et le recours à des équipes basées en Ile de France. C’était important de démontrer que notre première prise de parole n’était pas opportuniste, mais une démarche authentique et durable. Nous avons également proposé à davantage de cheminots d’être présents dans le film, et conservé une approche inclusive dans le casting.

En termes de plan media, nous avons réduit le format des films pour limiter encore leur impact carbone, tout en veillant à préserver le message. Cette logique de réduction de durée et donc de poids et d’impact des fichiers vidéo sera désormais systématiquement appliquée pour nos prochaines diffusions.

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