Presstalis en sursis, la SAD et Soprocom liquidées

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Le verdict est tombé vendredi, comme prévu. Si Presstalis évite pour l’heure sa fermeture, il n’en est pas de même pour ses filiales régionales qui ont été liquidées par le Tribunal de commerce de Paris. Un contexte pesant avait accompagné toute la semaine dernière les négociations entre les quotidiens et les magazines, actionnaires de Presstalis, qui avaient finalement échoué lundi 11 mai. Dans les faits, une seule offre avait été déposée par les quotidiens pour reprendre le siège parisien de Presstalis et ses activités de distribution et de groupage de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Mais pas ses dépôts en régions, qui desservent toute de même près de 10.000 points de vente en France. Le Tribunal a suivi ce plan soutenu par la direction de la messagerie, en plaçant l'entreprise en redressement judiciaire, avec une période d'observation de deux mois. « Il a, par ailleurs, prononcé la liquidation sans poursuite d'activité des sociétés SAD et Soprocom », ses filiales locales, a indiqué la direction de Presstalis dans un communiqué. Dans sa décision, le Tribunal de commerce n'a toutefois pas retenu la demande de report déposée in extremis, jeudi soir, par le Syndicat du livre-CGT (SGLCE). La CGT s'était mobilisée depuis lundi contre cette liquidation partielle en bloquant la distribution des journaux nationaux et de certains magazines dans plusieurs régions, de Marseille à Nancy en passant par Lyon. Elle comptait sur une nouvelle offre des magazines pour sauver les dépôts régionaux.

« … préparer une refonte complète du système »

La proposition des quotidiens « doit encore faire l'objet de discussions dans les prochains jours afin d'être complétée », précise Presstalis. Elle pourrait être « améliorée par la participation de certains éditeurs de magazines », veut croire la messagerie. Les flux des magazines seraient en effet essentiels à la viabilité d'une nouvelle structure, à une époque où ils se distribuent de moins en moins de quotidiens. « L'objectif est de bâtir une messagerie capable de répondre aux enjeux de la filière au cours des prochaines années et préparer une refonte complète du système », poursuit Presstalis. « On va s'employer à convaincre les éditeurs de la presse magazine que ce serait une erreur de ne pas s'engager », explique Louis Dreyfus, président du directoire du Monde et de la coopérative des quotidiens. Sans accord, il risque d'y avoir un « conflit long », dont « beaucoup » d'éditeurs, diffuseurs et commerçants « risquent de ne pas se relever ».

Dans le détail, les quotidiens proposent que les magazines paient des prix de distribution similaires à ceux des MLP, la messagerie concurrente de Presstalis qui a attiré beaucoup de publications ces dernières années. De nombreux éditeurs, petits et grands, sont également furieux de ne pas toucher les sommes qui leur étaient dues par Presstalis pour les ventes des dernières semaines, pour un total de 120 millions d'euros. « Si la nouvelle entreprise avait des difficultés, elle ne pourrait pas être financée par les créances des éditeurs », a encore précisé Louis Dreyfus à l'AFP.

Les filiales de Presstalis devraient pour leur part être cédées à la découpe, avec le risque de nombreux licenciements à la clé. L'idée serait de continuer à diminuer le nombre de dépôts sur le territoire : ils étaient moins de 700 en 1995, 61 début 2019. Et de réattribuer ces zones de distribution « à des dépositaires indépendants ou des nouveaux entrants », qui privilégieraient la reprise des anciens salariés, a indiqué mardi Cédric Dugardin, président de Presstalis. Il y avait vendredi des candidats à la reprise de 120 d'entre eux, selon la direction du groupe. Le plan des quotidiens prévoit par ailleurs des mesures d'accompagnement des licenciements à hauteur de 38 millions d'euros, pour les salariés du siège, de Bobigny, et des filiales.

L'État encadre les discussions et porte à bout de bras le distributeur de presse, qui traverse sa troisième crise majeure en dix ans. Un décret a officialisé mercredi un prêt de 35 millions d'euros supplémentaires, au titre du programme du Fonds de développement économique et social (FDES).  Selon le ministre de la Culture Franck Riester, « l'État est mobilisé au côté des acteurs pour trouver une organisation qui permette l'équilibre économique et cette forme de service public qui vise à ce qu'on trouve partout en France la diversité de la presse ». « L'État vient de mettre 70 millions d'euros ces jours-ci pour garantir la continuité de la presse écrite », a précisé le ministre sur RTL.

Du côté des marchands de journaux, cette crise s'ajoute aux conséquences du mouvement des "gilets jaunes" et à un long confinement pour cause de coronavirus. « Nous avons besoin d'une solution rapide et pragmatique, qui permette un rétablissement normal de la distribution », avait lancé jeudi Daniel Panetto, président de Culture Presse, dans une lettre à ses confrères marchands. Il en a également appelé « aux pouvoirs publics pour bénéficier d'un soutien fort car les 22.000 marchands sont à nouveau menacés et poussés dans une situation précaire ».

Une décision « incompréhensible »…

Le SGLCE-CGT, vendredi soir, a vivement réagit, jugeant la décision du Tribunal « incompréhensible ». Pour lui, celui-ci disposait de « nouvelles offres de reprise, notamment celle émanant de la coopérative des magazines » qui venait en support de celle de la coopérative des quotidiens, ce qui permettait d’envisager de « relancer les discussions » autour de la SAD et de Seprocom, plaide-t-il. Si le syndicat concède que « plusieurs points restaient à régler pour finaliser le dossier », la proposition de la Coopérative des magazines « autorisait la poursuite des discussions sur de nouvelles bases dans la perspective d’un règlement global ». Le syndicat pointe dès lors une décision qui « ravive les tensions déjà fortes » et annonce qu’il engage une action juridique en appel pour contester cette décision.

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