David Leclabart (Australie) : "Le fait que la publicité soit critiquée est plutôt bon signe pour notre métier"

David Leclabart - Australie
(© Eric Legouhy)

David Leclabart, président de l'agence Australie et vice-président de la délégation publicité de l'AACC depuis le printemps, livre son avis sur le dernier avis de Conseil de l'Ethique Publicitaire (CEP) "Publicité et nouvelles censures -La publicité bouc émissaire".

1) Le Conseil de l'Éthique Publicitaire s'alarme, dans son dernier avis, de la charge contre la publicité. Êtes-vous en phase avec lui ?

David Leclabart : je comprends le mécontentement de ceux qui voient à nouveau la publicité traitée comme le bouc émissaire idéal. Il peut sembler plus facile de s'attaquer à ce qu'on voit à la TV qu'à notre modèle de société tout entier. Mais pour ma part, je suis pragmatique. Ce que je retiens, c'est  d'abord que, contrairement à d'autres actions issues de la concertation citoyenne, cette mesure est réaliste, applicable rapidement, à peu de frais et sans risque majeur dans l’opinion. Le second point, c'est que, si cette mesure ne règlera pas tous les problèmes d'un coup de baguette magique, elle possède une dimension symbolique importante. On sait bien que les avertissements sanitaires sur l'alcool, le tabac ou manger-bouger, n'ont pas réglé tous les problèmes de santé publique, mais ils ont été utiles pour éveiller les consciences. La question « En avez-vous vraiment besoin ? La surconsommation nuit à la planète. » ne réglera pas non plus à elle toute seule les grands enjeux de la transition écologique, mais elle  peut devenir le marqueur d'un changement d'époque. Le fait que la publicité soit critiquée est plutôt bon signe pour notre métier. Cela montre qu'on continue à s'y intéresser et qu'on reconnaît son impact sur la société. Je suis convaincu que la publicité peut accélérer le changement vers un modèle de consommation plus vertueux. La campagne sur la suppression des sacs plastiques à usage unique que nous avons réalisée pour E.Leclerc et celle pour le recyclage des capsules Nespresso en sont de parfaits exemples.  Elle a été un cheval de Troie de la société de consommation, elle peut devenir le cheval de Troie d'une nouvelle conscience écologique. Mais quoi qu'il en soit, la critique est saine, elle nous oblige collectivement à être meilleur, plus exigeant et à nous poser les bonnes questions. Le pire serait l'indifférence.

2) Qu'allez-vous faire concrètement à l'AACC pour contrecarrer cette propension à désigner la publicité comme un bouc émissaire à tous nos maux ?

David Leclabart : je ne suis à l’AACC que depuis 2019 et l'association n’a pas attendu la concertation citoyenne pour se poser ces questions et voir comment encourager une consommation plus vertueuse et épanouissante. L'année dernière plusieurs chantiers ont été lancés en groupes de travail au sein de toutes les délégations et avec la participation d'autres associations professionnelles. Cette année la filière prend le relais de ces travaux pour les États Généraux. La dynamique est lancée. L'AACC a également co-créé en 2018, avec AFNOR Certification, un référentiel RSE Agences Actives spécifiquement adapté aux métiers des agences de la communication. Cela traduit son engagement à faire bouger les lignes du métier vers plus de responsabilité écologique, économique et sociale.

3) Faut-il craindre une frilosité créative pour autant ?

David Leclabart : ce n'est pas tant la contrainte qui entraîne la frilosité créative, c'est la peur. Les créatifs sont habitués à travailler dans des cadres contraints. Nos messages ont un impact dans la vie des gens, sur leur porte-monnaie, leur santé, leur travail, leurs relations sociales, leurs vacances, ...c'est normal qu'on fasse attention à ce qu'on dit et ce qu'on montre.  Je crois que l'ennemi de la créativité, c'est la crainte du lendemain, l'incapacité à se projeter dans le futur, à proposer une nouvelle vision du monde et de la consommation. Comme le disait Thierry Libaert dans sa tribune publiée dans Le Monde du 23 août dernier, "la publicité doit inventer un nouvel imaginaire ; un imaginaire porteur d'un nouveau rapport à la consommation plus vertueux et plus épanouissant". Je conclurai sur la créativité qui ne saurait être une option pour nous agences et annonceurs. D'ailleurs, si nos concitoyens rejettent le caractère intrusif de la publicité, ils n'en plébiscitent pas moins celle-ci  quand elle leur apporte quelque chose de nouveau : une émotion, de la surprise, une  information ou du spectacle.

                                                                                                                                                                                                                                                     Lire cet avis dans son intégralité ici

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