Les Lionnes-Epoka : pas de dialogue et pas de plainte

Ce que l'on voit d'abord, sur les réseaux sociaux, ce sont des collages sur des vitres. On reconnaît ensuite la typo et les verbatims. Les Lionnes ont, dans la nuit de lundi 29 juin, visé le siège de l'agence Epoka, rue Croix des Petits Champs dans le premier arrondissement de Paris. De petites affiches dénoncent des comportements sexistes et du harcèlement sexuel qui auraient eu lieu dans cette agence de 170 personnes. Des témoignages reçus par l'association. D'abord un mi-février, puis plusieurs. Jusqu'à cinq, l'association ne "bouge" pas. Lorsque, selon leur protocole, ce chiffre est dépassé, Les Lionnes entrent en contact avec l'agence (ou l'annonceur) visé. Et attendent trente jours avant de dénoncer, et donc médiatiser, via des actions de collages de verbatims au siège - ou sur le parcours en transports en commun y menant -  des agences incriminées par les témoignages reçus par des femmes et des hommes. Le 20 mars, selon sa présidente Christelle Delarue, le nombre de témoignages s'établissait à vingt-et-un. Pour l'heure "aucune plainte de salariés n'a été déposée" selon Epoka. Le lendemain, mardi 30 juin,  l'agence contre attaque, toujours sur les réseaux sociaux (LinkedIn), ainsi "Les Lionnes, association très minoritaire qui prétend défendre la cause des femmes exerce un chantage insistant sur notre entreprise depuis quelques semaines. Cette association fait pression sur les femmes de l’agence, en sollicitant abusivement de prétendus témoignages, en déformant les propos de la direction à propos du cas d'un jeune manager pourtant sanctionné et ce, dans le seul but de nous faire accepter une mission de conseil chez nous. Rappelons que ce manager a été démis de ses fonctions aux termes d’une enquête interne menée par le CSE et la direction. Notre agence met un point d’honneur à traiter avec équité les rapports hommes/femmes. Nous avons bien évidemment refusé ce chantage qui confine à la tentative d’extorsion. Hier, les membres de cette association ont saccagé nos locaux par un affichage sur la rue, destiné à nous nuire. Ils le revendiquent sur les réseaux sociaux. Nous prenons évidemment toutes les mesures nécessaires et allons déposer plainte contre ces agissement violents et illégitimes".

Les réseaux sociaux sont rarement une bonne idée pour communiquer - et tenter de dialoguer -  sur des accusations aussi graves. Sauf si on aime la bagarre. Contactée, Christelle Delarue confirme "attendre la plainte" et "regrette évidemment qu'une agence spécialisée dans les ressources humaines et la marque employeur soit restée sourde à nos demandes de rencontres. La direction ne nous a pas du tout pris au sérieux. Ni nous, ni notre combat. C'est regrettable...Pour eux ". Elle tient également à préciser que la "tentative d'extorsion" mentionnée dans la réponse publique de l'agence est "diffamatoire et que les prestations de conseil et d'accompagnement de l'association sont gratuites". Elle a par ailleurs quitté l'agence Mad&Women (qu'elle avait fondé en 2013) comme CB News l'annonçait au mois de mars dernier dans son enquête "Le #Metoo un an après : changement de ton".

De son côté l'agence, qui ne souhaite pas s'exprimer nommément au delà de sa réponse publique, semble également très combative.  Depuis la création de l'association, il y a quatorze mois, Les Lionnes ont comptabilisé 28 cas d'agences et d'annonceurs à l'intérieur desquels des salariés ont témoigné de faits de harcèlements sexistes et de discrimination. Deux d'entre elles ont fait appel à leurs conseils : l'une indépendante, l'autre fait partie d'un groupe international. Le sujet est pris, globalement, au sérieux par le secteur (communication et publicité) et des actions de formations pour agir contre le harcèlement sexuel ou moral - notamment par l'AACC et sa délégation RSE - se multiplient. On peut s'en réjouir. Ce que nous venons de vivre ces trois derniers a été une période propice à la réflexion. Personnelle et professionnelle. Elle s'est traduite pour les Lionnes par une augmentation de 50% des appels sur leur ligne d'écoute pour raconter, faire part d'un questionnement, d'un problème. Comme témoin ou victime.

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