Mercedes Erra : « Sur le front des violences faites aux femmes, il faut de la ténacité »

Mercedes Erra - Betc
(© Bouchra Jarrar)

Pour la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, Mercedes Erra, présidente de Betc, raconte les quatre ans de l'agence aux côtés du gouvernement pour la Grande Cause du quinquennat. Et la genèse de la campagne "Tous mobilisés contre les violences faites aux femmes".

Quels étaient le brief et les objectifs de « Tous mobilisés contre les violences faites aux femmes » ?

Mercedes Erra : Il s'agissait, en cette journée de lutte contre les violences faites aux femmes, de réaffirmer l’engagement total du gouvernement et de mettre en lumière les outils et cette fois-ci, les professionnels qui sont en première ligne de ce combat. Forces de l’ordre, magistrats-avocats, associations, répondantes du 3919. En fait pour rendre compte de cette mobilisation tout en réussissant à interpeller les femmes victimes de violence, nous avons choisi un angle simple. Faire ressentir l'angoisse qui les saisit quand le conjoint violent rentre à la maison. Montée de la peur, solitude immense. Ce sont ces émotions-là qui s'emparent des femmes dans ce moment critique. Le film met en scène cette attente angoissante du retour dans ce qu'elle a de quotidien et d'universel. Puis symboliquement, les professionnels envahissent la pièce pour venir former autour de la femme un rempart, un cordon protecteur, une chaîne de solidarité qui rompt sa solitude. Quand l’agresseur rentre, elle n’est plus seule. Elle est plus confiante et littéralement, la peur change de camp. C'était important de valoriser les professionnels de cette lutte, tous ceux qui aident. Ils font un métier clé, souvent dans l'urgence, au cœur de tensions psychologiques fortes, auprès de femmes en grande souffrance et danger.

En quoi cette campagne vient-elle compléter les autres campagnes sur le sujet ? Pouvez-vous nous remettre en perspective les campagnes que vous avez conçues ces quatre dernières années pour le SIG ?

Mercedes Erra : Tout d'abord nous avons travaillé au service du SIG avec deux ministres successives, Marlène Schiappa et Elisabeth Moreno, dans une continuité d'esprit et surtout avec un volontarisme constant. Nous avons démarré en 2018 par une vague de sensibilisation à ces violences. C'était nécessaire de forcer le regard sur les violences faites aux femmes dans notre pays car l'indifférence et le sentiment d'impuissance contribuent à les occulter et à la persistance de chiffres inacceptables. Mais nous avons aussi dit : vous pouvez faire quelque chose, il faut être vigilant, en alerte, et réagir. Les proches, les témoins, la société dans son ensemble. C'est la campagne « Réagir peut tout changer », où nous avons sensibilisé aux grands registres de sexisme et violences faites aux filles et aux femmes (viol, violences conjugales, sexisme et harcèlement au travail et en milieu scolaire), dans des films qui ont marqué : la scène dans le métro, au bureau, au collège, le dîner à la maison... Pour la première fois, nous montrions que chacun pouvait réagir. Neuf français sur dix déclaraient que ce type de campagne pouvait les inciter à réagir ou à prendre la parole (Institut BVA, post test oct 2018). Les équipes à l'agence ont été remarquables  : Emmanuelle de Montesson - DG, Antoinette Beatson , Executive Creative Director, Julien Deschamps , CR, Julien Schmidt, DA, Laurène Delaunet, Clémence Coussot, sans oublier General Pop pour la production), inchangées pendant ces quatre ans. Ce sont elles qui ont eu l'idée, l'année d'après, de créer une journée de mobilisation le 3 septembre 2019 (le "3.9.19") pour faire bondir la notoriété du 3919 : ça a formidablement marché puisqu'on est passé de 11% de notoriété à 54% en une journée. En 2020 avec les confinements successifs et l'accentuation des risques pour les femmes cantonnées dans leur foyer, la valorisation des recours et outils est restée la priorité. Pour le 8 mars 2021 nous avons voulu adresser un message d’espoir et de sororité avec la campagne des "1 000 Possibles". Des lettres adressées aux 1 000 petites filles qui naissent chaque jour en France, écrites par des femmes de tous milieux, porteuses d'authenticité et d'émotion, emblématiques d’un combat et d’une réussite. Sur le front des violences, on sait qu'il faut de la ténacité. Et la bataille est sur le terrain, auprès des femmes et dans le quotidien des violences. Avec cette dernière campagne nous sommes sur ce registre : la mise en œuvre des soutiens.

Comment cette collaboration avec le SIG avait-t-elle débuté et comment les avez-vous accompagnés  pour La Grande Cause du Quinquennat ?

 Mercedes Erra : Nous avons gagné l’appel d’offre de la Grande Cause du Quinquennat, l’Egalité femmes-hommes, au printemps 2018. La première année était dédiée aux violences et la suite devait traiter d'autres thèmes. Chaque année nous avons réfléchi avec le SIG sur le thème à aborder mais en fait, les violences sont clairement restées la priorité. Et il le fallait. Éradiquer les féminicides, endiguer les viols, cela reste l'objectif : c'est difficile, bien sûr, mais il s'agit de sauver des vies, des parcours de vie. Nous avons été obsédés par l’utilité de ce que nous faisions, l’utilité réelle pour les femmes et l’évolution des mentalités dans la société, plutôt que par faire des coups créatifs.

En quoi cette collaboration a-t-elle été importante pour BETC ?

Mercedes Erra :  C’est un sujet qui nous passionne depuis longtemps. L’agence est mobilisée sur l’égalité femmes-hommes. Nous étions les premiers de la profession à décrocher le label égalité, et je pense même plus fondamentalement que la mixité et l'égalité au sein de l'agence, de bas en haut, a été une des clés de sa réussite. Donc nous avons vu dans cette collaboration avec le SIG une occasion d'agir à un niveau plus haut, plus sociétal, et d'avoir un impact sur l'évolution profonde des mentalités. Rien n'est acquis...Mais contribuer aux avancées sociales nous motive. Nous avons adoré concrétiser l'idée du 3.9.19, qui a sollicité des ressources différentes au cœur de l'agence -les PR, la prod, General Pop et studio digital- que nous avons mises en synergie. Tout le monde a fait autre chose que son métier habituel et on est très fiers du résultat. C'était aussi assez inédit et original pour une communication gouvernementale.

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