L'impact du confinement sur le travail des journalistes

James Carter, CEO et fondateur de Touchdown PR

James Carter, CEO et fondateur de TouchdownPR.

L’agence britannique de RP au service de sociétés technologiques TouchdownPR a réalisé une étude mondiale sur les journalistes et l’impact du confinement. On y apprend que 24% des journalistes ont perdu une partie de leur activité, 65% reconnaissent travailler plus longtemps à domicile et 32% confirment l’impact négatif du confinement sur leur santé mentale. Décryptage en exclusivité avec James Carter, CEO et fondateur de Touchdown PR.

Comment les journalistes ont-ils vécu l'année 2020 ?

L’année qui vient de s’écouler a été difficile pour tout le monde, journalistes y compris. En France, nombre d’entre eux ont été impactés sur le plan financier en 2020. Plus d'un quart (26%) ont vu leurs revenus diminuer en raison de la pandémie de Covid et plus d'un tiers (35%) ont déclaré devoir trouver d'autres sources de revenus non liés au journalisme Ce dernier chiffre est d’ailleurs significativement plus élevé en France que dans le reste du monde (18%). Parallèlement à la baisse de leurs revenus, et comme on pouvait s’y attendre, près des deux tiers (61%) des journalistes français reconnaissent avoir travaillé davantage en 2020. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que plus d'un cinquième (22%) des journalistes interrogés en France aient déclaré que la Covid a eu un impact négatif sur leur santé mentale.

Le journalisme évoluera-t-il après cette crise ?

Au niveau mondial, un nombre étonnant de médias ont fermé en 2020. En France, près d’un journaliste sur dix (9%) répond qu’une rédaction pour laquelle il écrivait a cessé d’exister au cours de l’année écoulée. Le secteur des médias en France était déjà tendu. La situation est aujourd’hui plus délicate encore. Seulement 22% des journalistes français sont optimistes quant à la possibilité d'obtenir plus de travail en 2021. Le journalisme, comme tout autre secteur touché par la pandémie, a su s’adapter pour continuer à travailler malgré les contraintes. L’organisation des médias a été bouleversé. Certaines publications ont changé leur fréquence de publication. La manière de travailler des journalistes a évolué, obligeant les professionnels à s’adapter. Ainsi, de nouveaux canaux ont été utilisés pour échanger avec les journalistes lorsqu’ils étaient confinés. Si ces changements risquent de perdurer – visioconférence en particulier - les fondamentaux resteront cependant les mêmes. Les journalistes privilégieront toujours une actualité ou un contenu intéressant, adapté à leur ligne éditoriale et aux attentes de leurs lecteurs.

Les professionnels des médias en ont-ils assez de traiter de la Covid ?

Oui. Près des deux tiers (61%) des journalistes ont déclaré en avoir assez d'écrire sur la Covid. De nombreux sujets opportunistes liés au virus ont émergé, les médias traitant de l’organisation des entreprises face au confinement, du télétravail et de ses conséquences sur les collaborateurs, etc. Après quelques mois, ils se sont lassés du sujet. Et les lecteurs aussi. Il fallait donc revenir à des thématiques plus variés et trouver un équilibre pour continuer à parler de la Covid, mais pas uniquement.

Quels sont les nouveaux outils pour les journalistes en 2021 ?

Il est clair que la vidéoconférence a remplacé la plupart des réunions physiques. Qu’ils soient adeptes ou pas, 86% des journalistes français admettent qu'ils utilisent désormais la visioconférence pour réaliser leurs interviews et 18% y ont même tous les jours. Il est amusant de noter que 14% des journalistes français déclarent n’avoir jamais eu à l’utiliser.

Pour ce qui est des outils, Zoom et Microsoft Teams ont été les plus populaires et les plus appréciées par les journalistes, devant Google Meet. En revanche, Cisco Webex et Skype sont bien moins plébiscités. Pour autant, la visioconférence n’est pas la panacée non plus. Trois principales critiques ont été formulées par les journalistes : il y en a trop, elles sont trop longues et la qualité audio est médiocre. C’est d’ailleurs un des enseignements intéressants de l’étude pour les professionnels des relations presse (RP) : pour 61% des journalistes, la durée idéale d’une vidéoconférence est de 10 à 20 minutes, et aucun des journalistes interrogés ne souhaite qu'une vidéoconférence dure plus de 30 minutes.

Les événements seront-ils influencés par les nouvelles habitudes de télétravail ?

L'enquête a montré que les journalistes français s'adaptent très facilement au télétravail – et même mieux que les journalistes du monde entier interrogés dans le cadre de notre étude – puisqu’aucun (0%) n’a trouvé cela difficile (vs 25% pour le reste du monde). Mais les contraintes du confinement ont pesé sur leur travail. Ainsi, lorsqu'on leur demande ce dont ils ont le plus manqué pendant le confinement, plus de la moitié (59%) évoquent en premier lieu l’absence de rencontres avec les sources d'information, que ce soit des rencontres physiques individuelles ou la participation à des événements.

En termes d'événements virtuels, 82% des journalistes ont assisté à au moins un événement pendant la pandémie, et plus d'un quart (27%) a même assisté à plus de 10 événements virtuels. Mais en France comme ailleurs, les mêmes critiques reviennent à l’égard de ces événements virtuels, jugés « ennuyeux » et « mauvais ». Ces formats ne peuvent pas être simplement la déclinaison virtuelle d’un événement prévu en physique. Ils nécessitent une préparation particulière, des moyens techniques spécifiques et un contenu adapté pour conserver l’attention du public.

Comment les professionnels des relations presse doivent-ils évoluer pour mieux répondre aux attentes des journalistes ?

Touchdown est une agence internationale, par conséquent je connais les spécificités et les exigences des journalistes français. Ils sont moins nombreux et plus sollicités que leurs homologues britanniques, en particulier dans la presse professionnelle. Et c’est ce qui ressort de notre étude. Si on leur en donne le choix, plus de la moitié (52%) des journalistes français préfèrent ne pas prendre les appels des RP. Parmi ceux qui sont enclins à recevoir les appels, près des deux tiers (63%) préfèrent être appelés le matin, et seulement 9% l’après-midi. Les 26% restants n’ont pas de préférence quant à l’heure de l’appel. Mais une très grande majorité, et pas seulement en France, préféreraient que les RP n'appellent pas juste pour savoir s'ils ont reçu un communiqué de presse.

Les professionnels des relations presse (RP) doivent améliorer non seulement la qualité des appels, mais choisir le bon moment pour les appeler. Le contenu proposé doit également évoluer. Les journalistes français souhaitent moins d'articles sur la Covid et privilégieront toujours les « nouvelles idées ». Ils souhaitent également moins de « nouveaux » lancements et nouveaux produits, qui se ressemblent tous les uns les autres. Et de façon plus globale, ils nous invitent, à « être meilleurs », c’est-à-dire à penser comme un journaliste pour comprendre ses attentes et lui proposer un contenu adapté, au moment opportun, tout en respectant les délais serrés inhérents au métier. Cette fiabilité et cette attention de ne pas laisser tomber un journaliste distingueront les meilleurs RP.

Les relations entre les RP et les journalistes vont-elles s'améliorer suite à cette crise ?

Je pense que oui. Les RP et les journalistes ont dû continuer à travailler ensemble dans des circonstances difficiles. Nous avons tous appris à être plus patients, plus compréhensifs et plus empathiques. Et je veux croire que des liens se sont créés dans cette période compliquée. Nous avons également tous été amenés à nous interroger sur ce qui compte et ce qui est finalement moins prioritaire. Même si nous devions tous finir par revenir à nos anciennes habitudes, j'espère, et je crois, que les RP et les journalistes sortiront plus proches de la pandémie qu’ils ne l’étaient jusque-là.

Pour consulter l’étude dans son intégralité, c’est par ici.

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