Coupe du Monde féminine de Football : Un détonateur pour la société et pour les marques, selon Bruno Lalande

Bruno Lalande football

La Coupe du Monde féminine de Football a débuté le 7 juin au Parc des Princes, à Paris. Un évènement qui sera vu par le monde entier, qui entraîne aussi toute une économie derrière lui, et qui profite aussi aux marques (tous secteurs). Parité, sponsoring, nouvelles visions du sport et de la publicité, démocratisation de la pratique, on fait le point sur les répercussions de ce grand rendez-vous sportif sur la société, avec Bruno Lalande,expert Sport Business , fondateur du magazine Women Sports et cofondateur de Sponsoring.fr.

Il y a eu la Coupe féminine de Football en 2015 et maintenant on se prépare à celle du 7 juin. Au-delà de la « culture du sport », propre à la France, avait-on déjà observé un tel phénomène, un tel engouement pour ce type de compétition sportive en France ?

Rien de tel ne s’est jamais produit de la sorte et il y aura, je pense, une série de premières fois. Le début de cette Coupe sera un coup d’envoi et même, une sorte de détonateur. Je pense qu’il faut surtout se situer par rapport à un historique de 20 ans. Je fais référence à Marie-George Buffet qui organisait les premières Assises nationales « Femmes et sport » en 1999. Et a toute une série de points clés et de faits concomitants : le rapport de Brigitte Deydier en 2013, pour mettre en place un plan de féminisation des fédérations (quotas), au  fait également, qu’en 2014, on a eu la loi pour l’égalité dans le sport et qu’il y a eu la 7ème Coupe de Rugby féminin. Puis, qu’en 2015, la France a été désignée hôte pour la Coupe féminine de football. Et que l’Euro 2017 a rassemblé 150 millions de téléspectateurs… On est donc loin du temps de la création la première équipe de football féminin à Reims (1968), puisque pour certains, à l’époque, voir une femme courir en short était scandaleux !  Donc le changement sociétal est bel et bien là ! Y compris sur la question financière. Aussi bien sur les budgets publicitaires, avec des partenaires qui s’accordent sur un même tarif, puisque c’est la première fois que TF1 les met tous d’accord, que sur la livraison d’équipements pour les joueuses puisque Nike leur a (enfin) conçu des vêtements féminins. Enfin, dernier exemple, le fait que la FFF ait enclenché la vitesse supérieure en donnant aux femmes de plus hautes responsabilités. C’est le cas de Brigitte Henrique qui est vice-présidente de la FFF et vice-présidente du Comité d'organisation du Mondial 2019, comme de Florence Hardouin qui est directrice générale de la FFF et membre du comité exécutif de l'UEFA. C’est aussi une stratégie de fond positive : celle d’utiliser le pouvoir du sport féminin pour influencer la société et bâtir des fondations solides.

Quel est l’intérêt des marques à investir dans ce territoire ? Et à se servir de l’image de la femme, non plus en tant que simple consommatrice mais en tant que sportive ?

Le sport féminin transmet des valeurs et cela sert aux marques en termes de transfert d’image. C’est le cas de la politique de « mixité vertueuse » comme on peut le voir dans le film du Crédit Agricole et d’Arkema pour promouvoir cette Coupe. Les marques ont donc intérêt à se coller aux valeurs du sport. C’est aussi une cohérence dans l’air du temps. Ça s’illustre par des activations marketing intelligentes et des messages qui diffusent de la bienveillance, par exemple. On n’est plus dans le sponsoring d’affichage mais dans le sponsoring de sens. Le sport féminin a également grand besoin d’économie. La femme est l’avenir du sport, il y a vrai un changement mondial qui s’opère sur le sport féminin. Ensuite, les marques sont de vrais leviers de croissance pour les détenteurs de droits pour ce secteur. La féminisation de la pratique du football leur est également vertueuse  car elle renforce considérablement le marché textile féminin.

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(© Nathan Rogers, unsplash)

La France est-elle bonne élève en matière de marketing et de politique RSE des annonceurs ?

Il est clair que les Etats-Unis ont de l’avance car ils ont un business et une économie forte autour desquelles les joueuses ne se laissent pas faire, y compris sur la question du salaire. Il est plus élevé là-bas qu’en Europe. Nous sommes aussi en retard de phase sur les Pays Nordiques mais je pense que les marques vont se réveiller et s’emparer de tout cela. On sait aussi que le marketing est au service de l’entreprise et que les marques traitent le sport féminin avec sincérité, même si c’est pour traiter, avant tout, des enjeux commerciaux.

De quelle façon les marques peuvent aider à financer le football féminin et contribuer au développement de clubs régionaux ? Ont t’-elles un rôle à jouer envers la société pour démocratiser la pratique ? Faire bouger les lignes ?

Pour aider à ce développement, il faut apporter du sponsoring. Et l’apporter à ces clubs locaux, régionaux ou nationaux. Et puis dans 10 ans on aura un championnat avec 15 équipes… J’observe que toutes les marques qui ont fait des activations, ont mis de gros moyens ; c’est bon signe. En 2015 les partenaires ne l’ont pas fait. L’enjeu est aussi de taille puisque l’événement est diffusé sur un média leader (TF1). Là encore, c’est un coup d’envoi sociétal du changement.

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(© Edgar Chaparro, unsplash)

Quel serait le type de discours qui sensibiliserait une consommatrice ?

L’authenticité avec du sens. Si le sport peut aider une marque et une marque, le sport, c’est bien. Il y a une façon de casser les codes : celle de scénariser les hommes qui poussent le sport féminin. La mixité ne peut pas se faire sans les hommes, il faut arrêter les clivages.

Pensez-vous que de nouvelles marques pourraient venir concurrencer les géants actuels ? Qu’elles pourraient concurrencer celles qui ont une légitimité historique dans le sport et surtout dans le football ?

Les marques sponsor sont davantage consommées par les pratiquants. Si les Bleues gagnent, il y aura évidemment une fierté d’acheter le maillot aux couleurs du pays. C’est aussi cette fierté d’appartenance qui donne une prime de sponsor et de fidélité !    

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(© Aziz Acharki, unsplash)

Pourquoi les femmes sont-elles de plus en plus nombreuses à chausser les crampons ? A qui, à quoi doit-on ce phénomène ? Aux marques, aux médias, au digital ?

Il y a un engouement féminin fort, c’est vrai. La pratique du sport fait partie des grands leviers d’émancipation des femmes. C’est la représentation de la combativité et du dépassement de soi, aussi bien sur le terrain que dans le quotidien. On peut le voir avec la championne de boxe Sarah Ourahmoune. Pourquoi y a-t’-il de plus en plus de runneuses ? Parce que les femmes prennent davantage de temps pour elles. On doit aussi ce phénomène aux marques parce qu’elles véhiculent un rôle modèle et une starification au travers de leurs publicités. Quant aux médias, il y a une déferlante médiatique en kiosques. Quant aux médias, il y a une déferlante médiatique en kiosques. De la presse économique, people, de la presse télé en Une dans les kiosques !  Et c’est justement son rôle d’amplifier le phénomène. Ce qui est certain, c’est que le foot tracte. Et qu’il aura des vertus sur les autres sports. Pour reprendre l’exemple de la boxe, cette discipline inspire. Et si la presse insuffle ça, cela aidera à cette mixité vertueuse. Et puis, de manière générale, le sujet du sport féminin est beaucoup plus prix au sérieux qu’auparavant.  C'est ce qu'on peut aussi constater via l'étude Kantar de mars 2019, démontrant que 84% des Français trouvent le sport féminin tout aussi intéressant à regarder que le sport masculin. Par ailleurs, 314 millions de personnes dans le monde sont intéressées par le football féminin selon une autre étude de Nielsen Sports réalisée cette année.

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