Journaliste : précarité et conditions de travail dégradées

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Une profession toujours plus précarisée, des conditions de travail qui se dégradent et une perte de sens grandissante : une étude réalisée par la Société civile des auteurs multimédias (SCAM) dresse un portrait "extrêmement préoccupant" d'un métier sous pression. La SCAM, déjà à l'origine d'une première étude sur les revenus et les activités des journalistes publiée en 2013, a ainsi présenté vendredi aux Assises du journalisme de Tours un nouvel état des lieux de la profession, fruit d'une enquête à laquelle plus de 3.700 professionnels ont participé. "C'est un tableau très noir", souligne à l'AFP Béatrice de Mondenard, qui a mené cette étude. Un exercice qui démontre "à quel point il y a un décalage entre l'image que donne la profession et les conditions de vie réelles", souligne-t-elle.    Parmi les résultats les plus frappants, la part des journalistes en salariat permanent chute de six points par rapport à 2013, à 52%, quand la part des pigistes bondit de quatorze points, à 42%.  En outre, le recours à l'intermittence, à l'auto-entrepreneuriat et au paiement en droits d'auteur (moins intéressants que des salaires, pour ceux qui les perçoivent, notamment en termes de protection sociale) se développe, constate l'étude. Côté revenus, 11% des répondants ont déclaré toucher moins que le SMIC annuel, et 28% moins de 20.000 euros par an. Les précaires ont des revenus bien inférieurs : 23% sont en dessous du SMIC et 51% touchent moins de 20.000 euros par an. Avec des inégalités entre les sexes toujours criantes : deux fois plus de femmes (15%) que d'hommes (8%) perçoivent une rémunération inférieure au SMIC, alors qu'à l'autre bout de l'échelle des salaires, seules 4% gagnent plus de 60.000 euros par an, contre 10% des hommes.

Au-delà des chiffres, des statuts et des contrats, ce sont les conditions d'exercice de la profession qui deviennent problématiques, liées à l'évolution des méthodes de traitement de l'information, qui donnent le blues aux journalistes, y compris ceux en CDI ou qui travaillent pour des médias ayant pignon sur rue. A ces cas s'ajoutent "tous les permanents qui sont soumis à des conditions de travail extrêmement dures : horaires à rallonge, stress, manque de possibilités d'aller sur le terrain ou de vérifier ses infos", résume-t-elle. Résultat de ces conditions de travail dégradées, le mal-être s'installe chez les journalistes, explique à l'AFP Hervé Rony, directeur général de la SCAM.

Journalisme en « kit »

"Le journalisme est une profession qui était plutôt protégée historiquement, notamment grâce à une bonne convention collective et qui avait fondé son espoir sur un modèle de salariat en CDI", aujourd'hui remis en cause du fait notamment de la crise de la presse écrite, dit-t-il. En outre, "beaucoup de journalistes se demandent désormais jusqu'à quel point ils sont libres de rédiger leurs articles ou de réaliser leurs reportages", et dans quelle mesure ils sont devenus de simples exécutants, "non pas par rapport à un risque de censure politique, mais du fait d'un changement des conditions de travail", constate-t-il. Plusieurs témoignages évoquent en effet une dérive vers un journalisme "en kit", notamment dans certaines chaînes de télé où les journalistes en régions doivent filmer des images qui sont montées et commentées à Paris, ou alors la tendance dans de nombreuses rédactions est à recourir à des reporters "couteau suisse" qui doivent produire textes, vidéos, photos... Conséquence probable de ce phénomène, la part des journalistes qui se considèrent comme des auteurs a chuté de 9 points depuis 2013, à 62%.

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