Carnet de bord de deux pros de la com' : SXSW, #thelast

Un an après leur première escapade texane, Capucine Pierard, managing Partner et chief data officer, et Sébastien Emeriau, directeur du planning strategique et de l'innovation chez Havas Media, sont repartis à Austin (Texas) participer au festival South by Southwest. Ils nous envoient leurs cartes postales du festival techno musical le plus hype qui soit.

Pourquoi SXSW nous bouleverse si profondément chaque année ?

Dans la plupart des conférences de la planète, on se focalise sur le gadget, le petit bout final de la chaine de valeur, en arborant fièrement son côté geek. On s’arrête à la conjoncture.

Ce qui est fou à Austin, c’est que l’innovation est présentée à travers la remise en question du business model complet, son impact sur toute la chaine de valeur. Les conséquences sont analysées de façon structurelle et les vraies questions sont posées.

Quel est l’avenir des GAFA ? Selon James Schad, consultant marketing pour les start-ups, seul Amazon aura survécu dans 10 ans, grâce à son obsession de la satisfaction client et du prix le plus bas. La transformation radicale de la publicité ces prochaines années aura raison de Google et Facebook dont les business models reposent à 95% sur cette source de revenus.

Cette année, Facebook et sa « sister brand » Instagram ont réussi à truster 16 conférences ! La propagande fonctionne à plein régime. Schad s’amuse à piquer Facebook en qualifiant Snapchat de meilleur développeur de leur équipe. « Snapchat innovates. Facebook iterates ».

Quel est le pouvoir de la Blockchain ? Le cours d’Ashish Gadnis, CEO de BanQu, sur ce sujet complexe est remarquable de puissance et de limpidité. En quelques minutes, il illustre ses bénéfices révolutionnaires, son fonctionnement complet et les effets globaux sur le monde.  Internet a connecté les gens, mais ne leur a pas donné le pouvoir ou la richesse de façon universelle. La blockchain permettra cette révolution.

Imaginez le monde comme une supply chain géante. Le lien entre tous les maillons de cette chaine est la donnée. Aujourd’hui, elle est en silo. Demain, elle sera connectée et accessible à tous pour passer l’économie en mode peer to peer. Nous avons l’opportunité d’avoir une unique source de vérité, en reconnectant du premier au dernier mètre tous les maillons de la chaine de façon transparente. Une remise à plat totale des liens, par et pour les gens. L’une des start-ups d’Ashish a été rachetée 1,5 millard $ en 2012. Lors du World Economic Forum, il a témoigné de l’espoir très concret que représente la Blockchain pour les réfugiés et les communautés les plus pauvres : les réfugiés font la queue pendant 8 heures pour avoir de l’eau mais ils ont des portables et un profil Facebook. Cela suffit à les intégrer dans ce nouvel écosystème.

Un « equal field of informations » va ainsi pouvoir se mettre en place dans le monde : l’adoption se fera à priori d’abord par les pays émergents, qui trouveront ainsi enfin le moyen de revaloriser leurs richesses. Les grandes multinationales auront tout à gagner à pouvoir accéder à une connexion directe avec un nombre de consommateurs plus important que jamais et une lisibilité de tous leurs fournisseurs (accessible uniquement aujourd’hui aux premiers rangs).

Avec la santé, l’assistance sera sans doute la prochaine révolution. L’alliance des machines au cerveau humain touchera à la perfection.

Un sujet revient en particulier : celui de l’influence que les machines peuvent avoir sur l’Homme. On analyse l’humain, on l’apprivoise, on l’oriente, on l’influence … Les avis sont partagés, les polémiques enflent et l’éthique devient LE sujet clé. Qu’est ce qui influence vraiment nos décisions ? La technologie peut-elle tout prévoir, façon Minority Report ? Influencer nos sentiments amoureux, comme dans le film Her ? Régenter notre système Social, comme dans la série Black Mirror ? 

Ou bien le cerveau humain restera-t-il une forteresse … imprenable et imprévisible ?

Il est indéniable que la technologie impacte déjà nos comportements au quotidien.

Si nous savons très bien comment aller d’un point A à un point B, que ce soit à pied ou en voiture, grâce à Google Maps, nous allons gagner potentiellement quelques minutes. Nous conduisons le nez rivé a l’iPhone, toujours plus pressé, optimisant chaque instant, zappant les mille petites choses du quotidien, de la vie, ratant des rencontres, des découvertes inattendues…

A l’avènement de chaque nouvelle technologie décisive, pour ce que nous gagnons de confort et de rapidité, nous perdons en intuition et en humanité.

Il est plus facile d’améliorer les machines que les cerveaux et aujourd’hui, on peut créer n’importe quel monde from scratch. Bryan Johnson, ingénieur neuro-prothésiste nous raconte « Moi, quand j’étais plus jeune, je regardais Sauvé par le Gong. Aujourd’hui, quand je vois mon fils de 10 ans regarder sa série préférée dans laquelle 3 enfants créent un monde enfermés dans une cave, cela le fait rêver. Il veut faire la même chose plus tard. Ce n’est pas sans conséquence sur ses projets. »

20 000 lieues sous les mers, Le meilleur des mondes , Blade Runner, Terminator, aujourd’hui Westworld… Depuis toujours les rêves des auteurs alimentent les projets de conquête et de découverte.

Buzz Aldrin (dont je découvre que la mère s’appelle Marion Moon, ça ne s’invente pas) en témoigne à SXSW cette année « We explore or we expire. That’s about it ! »

Mais que n’avons-nous mené des recherches sur le cerveau plutôt que d’aller explorer la lune ou sur Mars ?

A nous voir tous agglutinés en grappe autour des prises de courant dans les salles de conférence, à l’affut du wifi, je constate que notre dépendance est déjà bien réelle et que la symbiose n’est peut-être pas si loin...

 Ray Kurzweil, gourou du transhumanisme, prédit que nos cerveaux seront connectés au Cloud : l’AI comme un “Brain expenders”. Le brain crée tel un maitre d’œuvre et la machine active une maitrise d’ouvrage sans faille.

Ainsi nos décisions nous appartiendront-elles toujours à 100% ? Ou seront-elles directement dictées par les algorithmes ? Pour l’heure, les études montrent que la plupart des décisions de l’homme sont émotionnelles.  Comme nous le montrent les récents événements, on ne peut pas tout mettre sur le dos de l’AI et des robots, le 1er influenceur reste bien l’Humain !

La pluie a enfin cessé. La 2eme partie du festival, dédiée a la musique, se prépare dehors. Les scènes se montent, on branche les micros. Sous le soleil de plomb et les test d’infrabasses, Austin est une « Vibrant City » au sens premier.

La dernière conférence au titre pourtant prometteur « The Future of Retail » nous a laissé sur notre faim  un enchainement de poncifs sur l’ambition de « faire vivre une expérience unique et inoubliable au consommateur ».

Thomas Jorion, du laboratoire d’innovation 18-Havas nous entraine vers South Congress, quartier nord et ultra hipster d’Austin. Il veut nous faire découvrir le magasin Toms, qui selon lui est l’incarnation de cette promesse, un lieu multi-facettes, magasin pour les passants, lieu de vie communautaire pour les locaux.

En effet, dans ce qui ressemble à une grande maison de famille, nous découvrons un coffee shop, un espace de co-working, le planning des activités de la semaine (yoga, cours de DIY, de lecture), etc… En discutant avec un vendeur, au-delà de ce concept store, nous découvrons leur vision « Ici, nous sommes dans l’état du Texas mais vous êtes dans la République d’Austin.  Nous sommes fiers d’appartenir à cette ville. Nous voulons donner l’exemple. » « We build meaningful business » peint au mur accueille les clients dans le coin boutique. Le programme caritatif de Toms « One for One » promet qu’à chaque produit de la marque acheté, la marque aide une personne dans le besoin.

Des smart cities au world building, les conférences tentent de toucher du doigt la meilleure prospective des villes de notre futur.

Avec l’explosion de la démographie, la population devra se concentrer dans les villes pour optimiser la consommation d’énergie. En Chine, l’équivalent de 10 New-York City sont déjà construits chaque année. La norme va progressivement devenir d’habiter des espaces de vie personnels réduits. Il faudra donc remettre du sens dans l’ancrage local. L’enjeu est bien de transformer la ville en un lieu de vie connecté et non un lieu fonctionnel de travail et de transports.

Mais attention à l’excès de concentration comme on le voit s’installer à Seattle, ville-siège d’Amazon  si on a vu la chute de Detroit avec le déclin de l’industrie automobile, il est à fortiori plus dangereux pour une ville de dépendre d’une seule entreprise.

A SXSW, un sujet nous a semblé totalement et étonnamment absent des conférences : l’écologie. L’approche est humaniste mais assez nombriliste : l’homme par l’homme et pour l’homme.

En 2017, 40 000 participants, speakers, médias et annonceurs pour la partie interactive uniquement se sont rassemblés à Austin. Les délégations internationales n'ont jamais été si nombreuses, avec 85 pays représentés. Mais on remarque la cruelle absence de l’Afrique dans les conférences, que ce soit en termes de conférenciers, de participants ou de sujets traités. La Chine, elle, semble choisir délibérément de faire l’impasse sur South by. Leur approche est sans doute plus court-termiste que le moyen-long terme traité à Austin.

Il reste encore tant de terrain à défricher…

RDV dans 1 an !

 

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