Le « despote consommateur » est-il un livre éclairé ?

Yves-Paul Robert, partner et responsable de l’expertise communication de crise de l’agence Havas Paris, signe un livre sur une nouvelle dictature : celle du consommateur à l’ère digitale. Réalité, fantasme ou simple retour des choses face au pouvoir des entreprises ?

On a tellement écrit depuis 20 ans dans des reco, des tribunes ou des livres qu’il fallait mettre le consommateur au centre de la stratégie des marques, qu’il est logique aujourd’hui que les consommateurs aient pris le pouvoir. Et pas seulement les plus jeunes. Le détonateur de leur action révolutionnaire : le smartphone « arme de distraction massive », sur un corpus de culture digitale du partage et de communautarisme des réseaux sociaux. Passé le premier chapitre qui relate une fois encore l’élection médiatique au printemps 2017, du nouveau « che » à la française dont l’auteur semble vouloir être compagnon, on entre dans le vif du sujet du consommateur.

Yves-Paul Robert le portraiture ( nldr : oui, c’est français) joliment : Impatient, intransigeant, insatisfait, infidèle, … et immodeste, ce dernier terme est sans doute le plus novateur. Reconnaissons que nous pouvons souvent nous identifier dans chacun de ces qualificatifs qui cultivent l’instantanéité, l’irréprochable, le toujours plus, la volatilité … pour nos consommations comme pour nos jobs. L'immodestie est plus perfide mais tellement actuelle : chaque consommateur se sent unique, et considère que son avis pèse sur l’avenir de la société productrice ( ou employeur) qui n’attendait que lui (ou elle) pour décider d’évoluer. Il n’est que de consulter facebook ou twitter pour s’en convaincre au quotidien. Il ou elle pense que son avis est éminemment collaboratif, il ou elle réfute le réel et lui préfère l’impression 3D, remet en cause tout discours institutionnel (dont la publicité bien sûr) et préfère l’opinion de ses pairs devenus experts dignes de confiance sur les réseaux sociaux à toute autorité.

Pas facile pour les entreprises et leurs marques d’engager le dialogue avec un tel tyran. Elles doivent « vendre de la relation autant que la production », et sont confrontées à des opinions émotionnelles plus qu’à des consommations. Pour l'auteur, ces nouvelles mutations technologiques et d'usages repositionnent le rôle fondamental de la communication et de ceux qui la professent. Plaidoyer pro domo mais con moto. Spécialiste de la communication de crise, Yves Paul Robert quitte le domaine du consommateur pour aborder celui du citoyen « sous perfusion médiatique » responsable d’« Une maladie de la modernité…, que l’on pourrait appeler l’«infobésité ». Le trop plein d’informations. L’incapacité à encore distinguer l’essentiel du superflu, » … « Le plus effrayant dans l’infobésité », écrit-il, « c’est que la vérité est plus que jamais subjective ». On ne peut qu’être en accord. « Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende », cette superbe phrase citée par Yves-Paul Robert, et issue du célèbre western « L'homme qui tua Liberty Valance » de John Ford (1962), lui paraît résumer la nouvelle philosophie du consommateur face à ce nouvel environnement des marques et des médias. Cela fait cependant déjà des décennies que la publicité et la brand culture nous abreuvent de légendes. Belles ou pas, elles fondent souvent la réalité des marques.

Yves-Paul Robert, Le despote – consommateur. PLON 

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