États généraux de la com : des constats et des engagements, en attendant les actes

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Franck Gervais de l'Union des marques et Mercedes Erra, présidente de la Filière communication

Pour sa toute 1ère édition, les États généraux de la communication ont tenté vendredi de débroussailler le terrain parfois miné des changements de paradigmes de notre société, où les items climat, environnement, consommation, entreprises ou encore publicité mixent peurs et rejets, espoirs et travail de fond. À l’initiative, avec d’autres, de ces États généraux, Mercedes Erra, présidente de la Filière communication, a placé d’entrée les débats sur « tous ces frottements de la société qui ont amené nos métiers à se dire qu’il fallait travailler. Nous avons des tas de choses à faire bouger, il y a des inquiétudes fortes de la part de tout le monde ». Franck Gervais, président de l’Union de marques, n’a pas dit autre chose : « les marques ne vont pas changer le monde mais doivent participer à la prise de conscience ». Et le travail est immense, alors que comme le rappelle ce dernier, 94% des Français considèrent que les entreprises doivent s’impliquer pour qu’ils consomment mieux alors que 89% jugent que la publicité doit encourager les bons comportements en termes de santé et d’environnement.

La communication peut être transformative

Dans ce contexte, le secteur de la communication tangue, se voit tancer par ce monde qui change et voit poindre les exigences des jeunes générations, mais pas seulement, qui poussent à la responsabilisation. Ainsi, indique Clément Boisseau, global chief strategy officer de BETC, 92% des 15-25 ans veulent-ils un travail qui correspond à leurs valeurs tandis que 50% des 18-24 ans pourraient accepter un salaire moins important dans une entreprise qui est sensible aux problématiques environnementales, agissant pour la société. Un enjeu climatique au cœur, avec 63% des Français pointant qu’après le traitement de la crise sanitaire, celui-ci devrait être une priorité du gouvernement. Pour Maelys Truet, consultante marque & design chez Babel et vice-présidente du bureau des juniors à l’AACC, « il faut questionner le rôle et l’utilité de notre métier. Certains pensent que lorsqu’on travaille dans la communication, on déguise la vérité. Mais ce n’est pas ça. On peut au contraire raconter la transformation qui s’opère. La communication peut être transformative à partir du moment où elle incarne un changement », comme c’est le cas notamment pour les campagnes dans les secteurs de l’énergie et d’intérêt général, plaide-t-elle.

Déconnecter la notion de prospérité des volumes des ventes  

Dès lors, « la vraie question, c’est comment notre métier peut-il devenir moteur de sa transformation », interroge Bertille Toledano, présidente de BETC France et coprésidente de l’AAAC, car « les gens questionnent l’utilité, ils ont envie de faire… il y a une nouvelle consommation qui émerge ». Mais pour Philippe Moati, cofondateur L'ObSoCo, « les marques ont pris un peu de retard dans la compréhension de l’imaginaire des consommateurs. La valeur n’est pas dans le produit, mais dans la façon dont ils vont se l’approprier ». Si la communication est « la véritable interface », entre les parties prenantes, souligne-t-il, il n’en reste pas moins nécessaire que l’État « doit mettre en place les règles du jeu et que les entreprises doivent aussi déconnecter la notion de prospérité de ses volumes des ventes ».  

« Pas d'impact sérieux sans sincérité réelle »

Pour Bertrand Cizeau, directeur de la communication et directeur adjoint de l’engagement d’entreprise BNP Paribas, « les coups de communication quand c’est bien fait ça peut faire avancer les choses. Mais il faut que la communication bascule du bon coté de l’histoire, devenir un évangélisateur sincère pour être crédible par rapport aux transformations à l'œuvre dans les entreprises et nos vies ». La communication doit se penser comme un accélérateur de la transition écologique, selon lui. Mais comment faire ? Choisir une publicité qui promeut les bons usages, leur donner plus de lisibilité et les éco-concevoir.

Les États généraux doivent apporter « un supplément d’âme » pour accélérer les nouveaux usages, a déclaré M. Cizeau. Et de lancer une piste de réflexion, sur laquelle la Filière travaille actuellement : « pourquoi ne pas définir des paniers des usages et de représentation sociale "COP21 compatibles" ? Avec un label en termes de communication avec l’ADEME pour accélérer la transition économique et définir de nouveaux usages et représentations sociales ». Un label pour les publicités responsables qui vont dans le sens et suivent les grands thèmes convention citoyenne.

Une proposition qui devrait faire débat. Le président-directeur général de l’ADEME Arnaud Leroy prévient : « il y aura des produits qu’on devra sortir du marché. Sur l’incitation, les labels fonctionnent bien mais il y a une jungle des labels. Il faut qu’on puisse rassurer les consommateurs, sans tomber dans le greenwashing », a-t-il alerté. Mais Bertrand Cizeau est confiant « sur le fait qu’on aboutisse à des solutions qui auront un vrai impact ». Pour le directeur de la communication de BNP Paribas, « la transition se fait au bon rythme si elle préserve les équilibres économiques. Et celui des médias, indispensables à notre démocratie, est fragilisé aujourd’hui. Il ne faut pas sur-réglementer les médias ».

Un argument saisit par la directrice générale de FranceTV Publicité, Marianne Siproudhis : « il est indiscutable que les médias doivent prendre part à ces transformations. Ils font émerger une nouvelle société responsable. Ils sont au cœur du rouage, de l’écosystème de la communication. Nous prônons l’incitation plutôt que l’interdiction. La communication n’est pas le problème mais la solution ». Et puis, « si on autorise des produits climaticides, on ne peut faire porter toute la responsabilité sur les entreprises, la communication et les médias », assène de son côté Arnaud Leroy, PDG de l’ADEME, plaidant au passage pour un « partenariat positif pour poser les jalons d’une nouvelle société ». Car ne nous y trompons pas, recadre-t-il, « nous parlons ici de la véritable survie de l’espèce. Nous avons de véritables choses à travailler d’ici 2050 pour affronter les crises climatiques et environnementales futures », alors que l’Union des marques « finalise » un Guide des bons comportements à insérer dans la communication, annonce pour sa part Laura Boulet, directrice générale de l’Union des marques.

Des règles françaises déjà « extrêmement exigeantes » 

Au nom des agences médias, le président de Publicis Media France et de l’UDECAM, Gauthier Picquet, s’est montré tempéré, mais volontaire, dans le cadre d’une « démarche active et de progrès ». Mais ici, « on ne parle pas de révolution, il s’agit de voir ce qui fonctionne ou pas, collectivement et individuellement ». Si pour lui, il est aujourd’hui nécessaire de travailler sur l’éco-conception, l’éco-création et l’éco-diffusion des campagnes, il y a aussi « urgence à travailler tous ensemble et pas chaque groupe dans son coin. Le danger est de rester entre soi ». Concédant que « nous sommes à une 1ère étape, mais il faut se donner maintenant de vrais objectifs, une trajectoire. Transformons nos métiers », appelle-t-il aussi de ses vœux. Une autorégulation, mantra du secteur de la communication depuis des décennies, qui « passe par un engagement à ne pas faire », rappelle Stéphane Martin, le directeur général de l’ARPP. « Nos règles en France sont déjà extrêmement exigeantes », indique-t-il

En conclusion de cette matinée, Mercedes Erra a pointé que la publicité n’était « pas la seule en cause ». « Le problème de fond est qu’est-ce que l’on fait entre économie et écologie ? », interroge-t-elle. Nous avons « une responsabilité de reprise, il faut l’orienter correctement. C’est un équilibre qu’il faudra avoir et trouver ». De son côté, Franck Gervais n’a pas caché sa satisfaction : « on s’est compris. Nous avons, marques, publicitaires, médias, la même vision de demain et cela ne passe pas par la stricte interdiction de la publicité. Il faut maintenant s’engager ». Et se donner 3 mois pour « travailler et présenter des engagements ».

Deux autres cessions de ces États généraux de la communication sont d’ores et déjà prévu. La prochaine aura pour thème « Quels modèles de répartition de la valeur et de collaboration entre les différents métiers et acteurs de la communication souhaitons-nous promouvoir ? » et, ensuite, « Quelles relations entre les marques et les médias dans l’écosystème de médias de demain ? ».

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