Les femmes sont des carnivores comme les autres

Les clichés ont la vie dure. Aux hommes de la viande rouge bien noble. Aux femmes, du poisson, de la viande blanche et surtout des légumes frais. Un peu court, mais tenace comme croyance sociale. Qu'en est-il vraiment dans les assiettes ? Les femmes sont-elles ces êtres délicats, fragiles à l'appétit d'oiseau que le marketing enferme encore volontiers ? La deuxième édition de MeatLab, le laboratoire de réflexion de Charal, imaginé par l'agence FHCOM*, s'est posée la question du genre dans nos assiettes. Marie Tréguer, food usage manager chez Kantar Worldpanel, a étudié dans les carnets de consommation de l'institut (panel Food Usage - 530 foyers observés pendant une semaine) la réalité de l'assiette sous le prisme du genre. "La réalité c'est qu'il existe des atypismes selon le genre, mais peu de réelles différences" explique-t-elle, "il y a par exemple une égalité parfaite dans le nombre de fois où ils consomment des protéines animales dans la semaine. Soit un peu plus de neuf fois. Des différences existent lorsque l'on observe le type d'aliments consommés. Les femmes consomment un peu plus de surimi que les hommes par exemple. Un reliquat du régime Dunkan sans doute. C'est le cas également pour le jambon blanc, les oeufs ou la volaille fraîche". Concernant le boeuf, les femmes en consomment même un peu plus que les hommes au déjeuner (63% contre 59%). "Si des différences existent sur la typologie des morceaux de boeuf, elles sont minimes. Les hommes sont davantage consommateurs de tartare, d'entrecôte et de côte de boeuf par exemple". Des différences demeurent sur les légumes qui sont un peu plus consommés chez les femmes. Le fromage, le pain, la viande, la charcuterie et le vin un peu plus chez les hommes. "Des atypismes qui se renforcent chez les célibataires" poursuit Marie Tréguer, "mais qui s’atténuent dans les familles où à la maison, quand on mange ensemble, on partage le même plat. Les écarts se creusent d’une génération à l’autre comme les femmes de moins de 35 ans qui consomment plus de légumes frais et moins de viande fraîche que les hommes et de façon plus marquée que la génération précédente". Jean-Pierre Poulain, sociologue et anthropologue au sein de l'université de Toulouse (chaire "Food studies : food, cultures and healths), note que si le genre est important, ce n'est pas le seul déterminant du sujet posé. "Le poids de la religion, de l'âge, de l'échelle sociale, des cultures culinaires régionales ou du degré d'urbanisation le sont tout autant. En France, la question de la viande est un marqueur social depuis la deuxième guerre mondiale. Manger de la viande tous les jours est un phénomène très récent. On note, en outre, une hiérarchisation des aliments différentes selon le sexe. Pour les femmes, la fonction est davantage nutritionnelle, tandis que pour les hommes elle est d'abord énergétique". Ce qui induit, chez les femmes un comportement nourricier très "nutritionnalisé" alimenté par la presse féminine (alternance d'articles de nutrition, de recettes, de conseils beauté etc.) Jean-Pierre Poulain a dégagé plusieurs typologie de mangeurs et de mangeuses de viande. "La mangeuse de viande contrainte avec des propos comme "si ça tenait qu’à moi… mais il y a mon mari, les gosses…", l'inquiet, soucieux de la provenance, le serein et le type gastronomique connaisseur. Ce qui est certain c'est que femmes et hommes ont les mêmes besoins physiologiques en terme d'alimentation. Les sociétés ont construit des interdits pour les femmes à tous les niveaux. Une domination culturelle masculine qui a installé que la femme était faible et l'homme fort. Elle nie par exemple le travail physique des femmes. "Le besoin de protéines est défini par le poids" explique Syvie Avallone, professeur de nutrition et sciences des aliments à SupAgro Montpeller, "les femmes ont des besoins accrus lors du troisième trimestre de la grossesse et durant l'allaitement". Les stéréotypes liés au genre dans la prise alimentaire sont responsables de l'anémie des femmes. 29% le sont au niveau mondial par exemple.

* La première édition était dédiée au flexitarisme - "Le flexitarisme : beaucoup de bruit pour (presque) rien"

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