Bruxelles enquête sur le projet de rachat de Lagardère par Vivendi

lagardère
(© Thierry Wojciak/CBNews)

Bruxelles a annoncé mercredi l'ouverture d'une "enquête approfondie" sur le projet de rachat du groupe de médias français Lagardère par son compatriote Vivendi, estimant que l'opération risquait de réduire la concurrence dans l'édition de livres et de magazines.

La Commission européenne, gardienne de la concurrence dans l'UE, a annoncé qu'elle allait "procéder à une enquête approfondie portant sur les effets potentiels de l'opération, afin de déterminer si ses craintes initiales étaient confirmées". Elle a désormais jusqu'au 19 avril prochain pour accorder ou non son feu vert. Vivendi, via sa filiale Editis, et Lagardère, via Hachette, sont les deux acteurs les plus puissants dans le secteur de l'édition de livres en langue française. Au terme de son enquête préliminaire, l'exécutif européen "craint que l'opération ne réduise la diversité, l'accessibilité et le caractère abordable des livres en langue française". Les deux groupes écrasent le marché français dans des domaines sensibles : 74% de parts de marché dans le livre scolaire, 84% dans le parascolaire, selon des chiffres du Syndicat national de l'édition cités par un concurrent, Antoine Gallimard. Un exemple emblématique : les dictionnaires. Hachette contrôle Larousse, tandis qu'Editis détient son rival Le Robert. Sur un segment où il serait très difficile pour un troisième acteur de s'immiscer, le consommateur aurait beaucoup à perdre si ces deux éditeurs cessaient d'être concurrents. En France, l'opération a provoqué une levée de boucliers des petits éditeurs. "Ce mégagroupe, tel qu'il se dessine aujourd'hui, romprait totalement l'équilibre du marché et mettrait en péril toute l'édition indépendante", avaient averti en juin quatre dirigeantes de maisons indépendantes dans une tribune, s'inquiétant notamment pour le pluralisme éditorial.

Les libraires sont également vent debout. Face aux deux mastodontes, ces petites structures ont déjà peu de pouvoir de négociation et en auraient encore moins si Hachette et Editis unissaient leurs puissantes filiales commerciales, Hachette Livre Distribution et Interforum. Le projet de rachat de Lagardère avait été notifié à la Commission le 24 octobre. Pour répondre aux inquiétudes, Vivendi s'était dit prêt en juillet à céder entièrement sa filiale Editis, numéro deux du secteur. Le projet de cession envisagé se ferait en distribuant les actions d'Editis aux actionnaires de Vivendi et en introduisant dans le même temps la société en Bourse à Paris. Le groupe Bolloré, actionnaire de référence de Vivendi avec 29,5% des parts, devrait céder l'ensemble des actions Editis reçues, afin d'éviter d'être accusé de garder le contrôle effectif sur les deux groupes. Mais la Commission a indiqué mercredi que Vivendi avait "décidé de ne pas présenter d'engagements" pour répondre aux inquiétudes en matière de concurrence.

La concurrence entre magazines People inquiète

Selon une source proche du dossier, le groupe devrait identifier "un ou plusieurs repreneurs" pour Editis d'ici à la fin de l'année, et présentera alors ses propositions de remèdes à la Commission. Lors des discussions informelles avec Vivendi, celle-ci semblait préférer une cession de 100% d'Editis plutôt que l'opération de cotation-distribution suggérée par le groupe. Bruxelles s'inquiète par ailleurs aussi pour la concurrence dans le secteur des magazines "people". En combinant trois titres sur ce créneaux, Paris Match de Lagardère ainsi que Gala et Voici de Vivendi, elle craint que le rapprochement "nuise à la qualité, à la diversité et aux prix, aux dépens des lecteurs de ce type de magazine".  

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