Emmanuel Hoog (Les Inrocks, Nova...) : insuffler un "esprit de groupe" dans LNEI

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(© Thierry Wojciak/CBNews)

A la tête du groupe LNEI, la holding personnelle du banquier d'affaires Matthieu Pigasse qui détient Les Inrocks, Nova, Rock en Seine, Cheek Magazine ainsi que des participations dans les groupes Le Monde et l'Obs, depuis mai dernier, Emmanuel Hoog détaille ses ambitions. Du numérique au « Live », en passant par la formalisation des activités de régie et le développement des activités audio, le dirigeant accorde à CB News sa toute première interview depuis qu’il est en poste. Entretien exclusif.

CB News : Comment vous êtes-vous retrouvé à la tête de LNEI ?

Emmanuel Hoog : Avec Mathieu Pigasse, nous nous connaissons depuis 20 ans. Quand j’ai quitté la présidence de l’AFP à l’été 2018, il a fait partie de mes interlocuteurs privilégiés parce que c’est d’abord un ami. La discussion s’est formalisée l’hiver dernier, mais je travaillais parallèlement à ma mission autour de la création d’un Conseil de déontologie des médias que m’avait confié le ministère de la Culture. Matthieu Pigasse souhaitait un directeur général de plein exercice au sein du groupe LNEI pour poursuivre, renforcer, développer, rationnaliser le groupe et les différentes structures et marques qui le composent. J’ai donc rejoint LNEI en mai dernier. Avec mon parcours à l’AFP, à l’INA, mon expérience autour des sujets de la numérisation et de la culture, je cochais un peu toutes les cases (sourire).

CB News : Quelle image vous aviez du groupe ? Quels étaient les constats ?

Emmanuel Hoog : Le constat est d’abord d’avoir des marques très fortes, puissantes, bien installées dans leurs métiers. Mais en même temps, confrontées à une situation classique pour le secteur : un besoin de transformation dans un contexte concurrentiel et numérique très fort. Avec, aussi, un besoin d’engagement très fort parce qu’il faut accompagner cette transformation, fixer des objectifs. Il fallait ainsi faire travailler ensemble quatre entités distinctes (Les Inrocks, Rock en Seine, Nova, Cheek Magazine) qui ont-elles-mêmes plusieurs métiers. A l’image de Nova, par exemple, qui outre de la radio fait des documentaires, des podcasts, etc. Il faut donc créer des synergies entre ses différentes équipes et construire un esprit de groupe.

CB News : C’est la feuille de route ?

Emmanuel Hoog : Oui. Et puis développer. Considérer que c’est un groupe en devenir, en construction, qui investit dans sa transformation. Une feuille de route ambitieuse.

CB News : Quels sont les chantiers prioritaires ?

Emmanuel Hoog : Globalement, la croissance des audiences des différentes marques. De conforter et enrichir cette croissance pour répondre aux demandes des annonceurs. L’ambition de construire des offres qui puissent correspondre à notre diversité. Nos marques ont des publics très cohérents entre eux, très qualifiés et engagés. Il y aura par ailleurs un investissement très fort sur le numérique où il nous faut être encore plus présent.

CB News : Ce n’est pas suffisant aujourd’hui sur le numérique ?

Emmanuel Hoog : Non. Il y a des chantiers, notamment sur Nova, qui sont en devenir, même si la seule station de radio a vu progresser son audience de +30% en un an, en passant de 0,6% à 0,8%. Je veux que Nova réaffirme plus avant encore qu’elle est la radio des amoureux de la musique et de ceux qui souhaitent la découvrir. Nous avons une marge de progression digitale importante avec elle. Nous nous défendons bien également sur les réseaux sociaux où nous avons développé notre présence sur Instagram. Les audiences du site des Inrocks sont très bonnes. Celle du pure player Cheek Magazine sont quant à elles correctes. On peut faire mieux en faisant un gros effort sur les réseaux sociaux où la marque est insuffisamment présente. Nous avons établi à cet égard, cet été, un véritable plan de bataille.

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CB News : Le DAB+ est une vraie opportunité pour le groupe ?

Emmanuel Hoog : Absolument. On ne va pas regarder les trains passer. Nous allons tenter d’en saisir toutes les opportunités car l’enjeu est l’accès à des bassins d’audiences radios nouveaux pour nous. Nous répondons à tous les appels d’offres du CSA afin de construire un maillage intéressant. Pour un investissement financier totalement supportable pour le groupe. On veut y capitaliser sur nos marques fortes, avec Nova et même Les Inrocks… Il faut que l’on en tire toutes les possibilités, voire créer de nouvelles marques. Nous y réfléchissons. Nous sommes en mode projet sur le sujet. C’est un peu tôt pour en révéler tous les contours. Toutefois, nous n’abandonnons pas les candidatures sur les fréquences FM que nous posons là aussi systématiquement. Ce sont bien évidemment des opportunités bien plus rares, pour des coûts de diffusion plus lourds que pour le DAB+.

CB News : Côté Festivals (Rock en Seine, Festival des Inrocks…), on a pu entendre dire que LNEI pourrait se désengager de cette activité ? Qu’en est-il ?

Emmanuel Hoog : Non, il n’y a pas de désengagement. Il y a même un réengagement. La dernière édition de Rock en Seine a été exceptionnelle, avec une programmation forte (The Cure est venu y jouer sa seule date française de l’année, ndlr). Au passage, on a pu faire jouer une synergie groupe avec la publication d’un numéro spécial des Inrocks sur le groupe anglais. Avec cet événement, nous avons frappé fort, et cela ne fait que commencer. On a tout de même tutoyé les 100 000 spectateurs. Nous réfléchissons également à la façon dont on pourrait décliner la marque Rock en Seine d’une autre manière.

CB News : C’est-à-dire ?

Emmanuel Hoog : Nous souhaitons la mise en place d’une véritable département « Live » au sein de LNEI. Nous avons un partenariat stratégique avec AEG (société de production de concerts-tournées, ndlr) qui va se renforcer. Au sein du groupe, il n’y a pas que Rock en Seine. Nova et Les Inrocks ont une activité de soirées et concerts qui nous connectent avec l’ensemble de la scène musicale indépendante française et internationale. Au final, ce sont une quarantaine de concerts par an que l’ensemble du groupe produit et organise dans l’Hexagone. C’est un département « Live » qui clairement est à structurer et formaliser. C’est pour nous essentiel, car dans la philosophie du groupe, indépendant, attentif à la diversité culturelle, Nova et Les Inrocks se doivent d’être la première marche médiatique des jeunes talents.

CB News : Alors que sa directrice Elisabeth Laborde a, avant l’été, quitté ses fonctions de directrice générale, que  prévoyez-vous pour Les Inrocks ?

Emmanuel Hoog : Nous réfléchissons avec son directeur de la rédaction Jean-Marc Lalanne a ses évolutions. Nous allons lancer dès ce début de mois une campagne de recrutement d’abonnés numériques forte et active.

CB News : Combien en avez-vous aujourd’hui ?

Emmanuel Hoog : Pas assez. Il faut que l’on soit beaucoup plus fort. J’ambitionne une croissance à trois chiffres dans un délai assez rapide. Il n’y a pas de raison que cela ne fonctionne pas. Notre nouvelle appli, lancée pendant la dernière édition de Rock en Seine en août, a bénéficié d’un partenariat avec Apple qui permettait à ceux qui la téléchargeait de pouvoir obtenir un abonnement à 4 mois gratuit à Apple Music. Avec cette nouvelle appli, on fait trois fois mieux en 15 jours depuis son lancement en termes de téléchargements que l’ancienne.

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CB News : La vidéo est aujourd’hui stratégique pour les groupes de médias. Est-ce un sujet pour LNEI ?

Emmanuel Hoog : Bien sûr. Toutes nos marques sont concernées. Nous ne produisons actuellement pas assez de vidéos. Nous avons néanmoins notre entité Nova Prod, productrice de documentaires et autres reportages d’actu pour France Télévisions, M6 ou Arte, notamment, qui fonctionne très bien. Nous avons un projet de documentaire avec Netflix. Mais il nous faut absolument mettre cette compétence au service du groupe. Industrialiser un peu plus, en somme. Il faut que ce dynamisme-là fasse école chez Nova et Les Inrocks. Dans nos nouveaux locaux (porte de Saint-Ouen, ndlr), nous allons avoir prochainement de nouveaux studios équipés de caméras. Nous allons pouvoir capitaliser là-dessus. Avec Les Inrocks, par exemple, nous allons initier de grandes interviews vidéo plus récurrentes, à l’image de ce qu’a pu pratiquer la rédaction lors du dernier festival de Cannes du cinéma. Nous proposons également des « lives filmés » d’artistes, accompagnés par des marques (Airbnb, Villa Schweppes, Naturalia, la Vallée Village, RATP, Galeries Lafayette).

CB News : Vous misez donc sur un développement fort autour des Opérations spéciales ?

Emmanuel Hoog : Oui. Nous sommes très sollicités par les marques car notre audience est très qualifiée. Quand on vient nous voir, on sait à qui on s’adresse. L’engagement de nos publics est très fort. Et le fait d’être dans un écosystème artistique très marqué par l’avant-garde et la nouveauté, les attirent. La part des Opérations spéciales est plus forte pour Les Inrocks que pour Nova, certes, mais nous sommes globalement à environ 40% par rapport à la publicité dite classique. Nous avons une culture du live très prononcé, nous savons donc réagir rapidement.

CB News : Qu’en est-il de votre régie ?

Emmanuel Hoog : Nous avons pendant l’été formalisé une régie commune à toutes nos entités : LNEI Media. La mutualisation des services avait été enclenchée en début d’année 2017. Nous lui donnons maintenant un nom. Nous avons pour elle un nouveau site et nous proposons une newsletter dédiée.

CB News : Êtes-vous optimiste pour votre CA publicitaire en 2019 ?

Emmanuel Hoog : Oui. C’est difficile, c’est un combat et c’est parfois violent. Mais nous avons des atouts. Nous ferons une bonne année. Le chiffre d’affaires LNEI (hors Le Monde, Nouvel Obs…) 2019 sera stable par rapport à 2018. Spécifiquement sur Nova, nous serons en croissance, en Opé Spé nous serons sur une croissance record. Pour Les Inrocks, malgré le print plus compliqué, et pour Rock en Seine, nous devrions être également en croissance.

CB News : Où en êtes-vous aujourd’hui du plan de départs au sein des Inrocks ?

Emmanuel Hoog : Il s’est clôturé en juin dernier. Il s’est traduit par 30 départs. 24 cartes de presse (journalistes, SR et maquette) sont partis, dont 11 journalistes « écrivants ». C’est maintenant derrière nous. Le groupe LNEI comprend aujourd’hui environ 120 collaborateurs permanents.

CB News : Le podcast, un sujet pour vous ?

Emmanuel Hoog : Bien sûr. Nous mettons d’abord en replay les émissions de Nova. Sur la partie podcasts natifs, nous en réalisons régulièrement et nous avons de nouveaux projets à venir. Depuis un an et demi, nous travaillons en marque blanche pour des marques Luxe-Mode, notamment pour Kering. Via notre société Nova Spot qui couvre tous les métiers de l’audio, nous faisons des livres audio pour Gallimard, de la création de spots de publicité, de l’habillage audio.

CB News : Des projets de webradios ?

Emmanuel Hoog : En plus des deux webradios déjà existantes (Nova Vintage et Nova la Nuit), nous allons en lancer 5 nouvelles : Nova Sono Mondiale (sur la world musique), Old Dirty Nova (hip-hop 90’s), Nova Soul Music, Nova Danse et Nouvo Nova sur les nouveautés musicales exclusivement.

CB News : LNEI, ce sont également des parts de Matthieu Pigasse au sein des groupes Le Monde et l’Obs. Est-ce à dire qu’il peut y avoir des ponts avec ces marques-là et Les Inrocks, Nova… ?

Emmanuel Hoog : D’un point de vue rédactionnel, non. Mais Le Monde est très fort dans le recrutement d’abonnés numériques. On a donc travaillé avec eux sur ce point pour la campagne de recrutement pour Les Inrocks que nous allons mener, comme je vous le disais. Il y a des choses à apprendre. Je le répète, le taux de progression de nos abonnés numériques est un point central et stratégique pour nous. En matière de partenariats culturels, nous échangeons également afin de savoir si nous pouvons cohabiter ou pas sur certains d’entre eux.

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