Pierre Louette : « Les Echos n’a jamais eu autant d’audience »

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(© Bruno Levy)

Le groupe Les Echos-Le Parisien présente ce mardi une nouvelle version ambitieuse du site internet des Echos et une nouvelle formule du quotidien économique. L’opportunité pour son président depuis un an, Pierre Louette, de fixer le cap et d’imprimer sa marque résolument marquée par les développements numériques. Interview.

CB News : Vous annoncez aujourd’hui 2 avril la « Feuille de route 2019 » des Échos qui commence par la mise en ligne d’un nouveau site internet ambitieux…

Pierre Louette : En effet. Tout ce travail de fond, qui concerne également le journal papier, a été mené par Bérénice Lajouanie (directrice générale des Echos, ndlr), Nicolas Barré (directeur de la rédaction, ndlr) et Thomas Karolak (chief digital officer, ndlr). Notre parti-pris est de proposer une expérience différenciée dans laquelle nous allons donner encore plus de raison aux lecteurs de s’abonner. Avec un site et une expérience abonné enrichie, en créant aussi des occasions de contacts plus nombreuses avec la rédaction. Nous ambitionnons une expérience de recrutement différente : il y aura plus de publicité visible pour inciter à l’abonnement et une véritable tactique de conversion via ce que l’on pourrait qualifier de « teasing » éditorial. Nous pourrons capitaliser sur nos 48 000 abonnés qui peuvent être des vecteurs de communication, en misant aussi sur les personnes qui nous « fréquentent » mais qui ne sont pas encore abonnées. Une partie du site est accessible à tous, avec une contrainte de paywall tout de même. Nous avons beaucoup interrogé nos abonnés (600 bêtas-testeurs) en amont de la sortie du nouvel espace conçu et réalisé en interne pour susciter, en quelque sorte, un « effet club ». Nous avons aussi beaucoup travaillé à la rationalisation de nos offres Newsletters qui sera très prochainement visible.

CB News : À quoi ressemble le site dorénavant ?

Pierre Louette : En premier lieu, et cela été une de nos premières obsessions, nous avons travaillé le temps de chargement qui devait être réduit à son minimum. Mais ce qui fait la force de notre nouveau site, c’est d’offrir deux vraies entrées spécifiques : l’offre « prospects » et l’offre « abonnés ». Pour la première, une maquette aérée, claire et un scroll simple et infini. En son sein, bien sûr, la hiérarchisation des infos de la rédaction sur le haut du site, mais aussi les autres rubriques. Pour l’offre « abonné », l’objectif assigné est de faire gagner du temps à nos lecteurs avec un système cette fois plus poussé de hiérarchisation. La homepage doit donner rapidement une vision des informations qui comptent. Sélectionnées et éditorialisées. Avec des chapeaux d’articles un peu plus longs, de véritables synthèses pour un premier accès à l’information. Notre idée est de mettre en avant la richesse de notre offre à chaque moment de la journée sur la homepage. Nous laisserons les articles durer dans le temps. Ils pourront aussi être bien plus longs qu’ils ne le sont aujourd’hui. Nous intégrons la fonctionnalité du « lire plus tard », avec des articles consultables hors connexion. Les lecteurs abonnés pourront également passer par le « sommaire » du site, avec une vision horizontale des rubriques, à l’image de celui des plateformes vidéo. Une nouveauté forte qui pourrait, pourquoi pas, devenir notre homepage à terme.

echos

CB news : Quels sont vos objectifs de recrutements d’abonnés ?

Pierre Louette : Ils sont importants. Nous ambitionnons une croissance à deux chiffres tous les ans.  Comme je le disais, à fin mars, ils étaient 48 000 contre 41 000 pour le print.  C’est un cap important qui a été franchi. Notre diffusion continue de progresser (+0,56% en 2018, à 129 089 exemplaires - Source : ACPM-OJD, ndlr) et ce, pour la 8ème année consécutive. Nous avons près de 8 millions de VU/mois en moyenne sur l’année de notre site. En 5 ans, nous avons doublé ce nombre de VU, grâce au mobile qui représente environ 60% de l’audience. 30% de nos revenus Media sont aujourd’hui directement issus du digital, soit par les abonnements, soit par la publicité. Il y a 5 ans, c’était 10% (sourire).

CB News : Justement, quelle année publicitaire pour Les Échos ?

Pierre Louette : L’année a été bonne sur le digital, avec une croissance d’un peu moins de 10%. Moins pour le print. C’est lié à un marché de la publicité financière qui n’a pas été très porteur en 2018. Nous enregistrons également une forte progression des OPS, qui représente dorénavant 40% du CA publicitaire numérique (vs 20% il y a deux ans). Le hors-média, c’est-à-dire notre nouveau pôles Les Echos-Le Parisien Partenaires dirigé par Corinne Mrejen qui comprend à la fois la régie et la diversification, représente quant à lui près de 40% du CA des Échos. Dans ces 40%, l’activité Evénements et Salons représente entre un quart et un tiers… Cela progresse vite.

CB News : Les Échos, ce n’est pas seulement un nouveau site, c’est également un nouveau journal…

Pierre Louette : Certes, le premier canal de diffusion pour Les Échos c’est le numérique. Mais le premier usage de nos abonnés numériques c’est de lire le journal en version numérique. Le quotidien est donc refondu dans une optique de consultation numérique. Nous avons ainsi supprimé la chandelle à gauche pour laisser plus de place à la Une. Nous mettrons beaucoup de force sur le sujet d’ouverture ainsi que sur chacune des ouvertures du journal. Dans la partie idée/débats, une illustration forte alors que l’édito de la rédaction sera désormais en der du journal. Nous avons beaucoup travaillé le print pour simplifier sa réalisation, ce qui est très structurant pour la rédaction et permet la valorisation de l’editing. Le prix du journal reste inchangé, à 2,80€.

CB News : Nouveau site, nouveau journal… Les Échos entre dans une nouvelle ère ?

Pierre Louette : Tout cela traduit une vraie vision stratégique : concilier l’économie, un mixe entre l’économie de la relation et l’économie du décryptage de l’abonnement. Une marque comme la nôtre, comme tout autre type de marque, vaut et crée de la richesse par la relation qu’elle entretien avec ses produits, aussi bien physiques que virtuels. C’est la Relation qui prévaut aujourd’hui. Nous devons nous comparer à des Netflix, Deezer et autre Amazon qui ont des abonnements peu chers par rapport à nous qui proposons des abonnements à 18 euros/mois, voire 52€. Nous nous devons de fournir des contenus de qualité. Avec ce nouveau site, nous sommes dans cette approche. Notre autre parti-pris, c’est d’être fort là où nous sommes forts. La voix des Échos porte, elle est un des éléments de prise de décision d’une entreprise. Le territoire Economie-Finance est aujourd’hui porté par notre titre. Nous voulons encore plus contribuer aux débats. Notre rôle est en effet d’en fournir tous les ingrédients, qu’ils soient justes, sourcés et vérifiés… Comme je l’ai dit, nous voulons développer encore plus nos pages idées/débats, qui sont largement consultées avec 2 millions de VU/mois. C’est une richesse pour nous, car l’on donne accès à d’autres personnalités qui ne travaillent pas dans notre journal. Et puis, c’est à partir de cette nouvelle plateforme journalistique que nous pourrons développer une commercialisation ambitieuse. Notre offre est claire et statutaire, à l’heure où Les Échos n’a jamais eu autant d’audience.

CB News : Vous êtes arrivé à la tête du groupe Les Échos-Le Parisien il y a un an… Un bilan ?

Pierre Louette : L’année aura été intense. Un an de prise de connaissance des activités, des qualités du groupe. Un an pour m’imprimer de la grande transformation qui est en court dans le monde des médias. Avec la déconsommation rapide du papier en kiosque, ce dont je n’avais peut-être pas une conscience aussi nette. J’avais cependant la certitude que le groupe devait encore accentuer son accélération digitale. Nous le faisons tout de même un peu l’épée dans les reins. Je reprendrais cette expression que j’aime bien à mon compte, pour illustrer cette ère de transformation dans laquelle nous sommes : « de Gutenberg à Zuckerberg ». Elle résume tout : nous devons vivre ce passage d’une chaine de valeur marquée par le papier (impression, portage, journal, distribution, abonnement…) à une chaine de valeur digitalisée. Nous travaillons actuellement sur 25 projets, ce qui est beaucoup. Nous allons prochainement annoncer une acquisition sans que je puisse, pour l’heure, vous en dire plus. Nous devons absolument travailler à partir du positionnement de nos marques, travailler le pétale de revenus autour de celles-ci, ce qui est une grande tradition du groupe Les Échos avec nos événements, 200 par an. Quoi qu’il en soit, nos projets sont « groupe ». J’ai aussi vécu l’extrême prévalence du duopole Facebook-Google. Ce ne sont pas des ennemis, mais nous ne sommes pas non plus inféodés. Nous travaillons conjointement sur certains développements. Il nous faut par ailleurs accentuer la rigueur de gestion interne, tenir et réduire nos charges. Tout cela me fait dire que la mission est exaltante aux côtés des collaborateurs. Notre actionnaire (LVMH, ndlr), légitimement exigeant, nous donne le temps de cette transformation. Il est pour le développement des marques.

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